Le complot a sa place dans toute entreprise encyclopédique. La collection "Que sais-je ?" (PUF) n'échappe pas à la règle qui accueille un volume sur Les Théories du complot signé par Pierre-André Taguieff. À la source de toutes les explications douteuses ou fausses qui s’opposent aux thèses "officielles" et mettent en scène un ou plusieurs groupes agissant en secret pour réaliser un projet de domination ou d’exploitation, l'essayiste place "l’insatisfaction cognitive" face à des événements traumatisants. Le discours complotiste contemporain, qui met l’accent sur le doute, naîtrait donc d'une frustration porteuse de suspicion. Mais les réponses données, factuellement fausses, constituent de nouveaux dogmes véhiculés par les réseaux sociaux.
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La revue lausannoise Archipel rompt avec ses usages en adoptant pour son cahier central cette thématique d'actualité. Élaboré par des chercheur·euse·s et écrivain·e·s confirmé·e·s aussi bien que débutant·e·s, le sommaire propose de comprendre le complot comme un phénomène narratif, et à sa façon créateur, passible d'une analyse conduite en termes d'histoire littéraire, de narratologie, de science politique et même de fiction.
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Rappelons, plus haut dans le temps, l'essai historique de Gilles Malandain, L'Introuvable complot. Attentat, enquête et rumeur dans la France de la Restauration (EHESS éd.), qui se donnait pour objet l'assassinat du duc de Berry en 1820 pour réfléchir à la façon dont se crée un complot politique, comment donner naissance à une rumeur, mobiliser l'opinion pour traquer les suspects… Ou encore la réflexion d'Alessandro Leiduan sur Umberto Eco & les théories du complot (Ovadia) : l'auteur du Pendule de Foucault considèrait les théories du complot comme une variante moderne d’une forme d’irrationalité très ancienne, dont les principales préfigurations historiques seraient l’hermétisme et le gnosticisme.