Édition
Nouvelle parution
J. C. Powys, Rodmoor

J. C. Powys, Rodmoor

Publié le par Marc Escola

Rodmoor

John Cowper Powys

Préface d'Amaury Nauroy

Le Bruit du temps, février 2021

 

Publié en 1916, ce grand roman psychologique, que Powys écrit en partie pour exorciser une forme de folie qu’il subit depuis l’enfance, explore magistralement les différents états de conscience d’un certain Adrian Sorio, à qui semble avoir été accordé un précaire répit avant l’inéluctable débâcle de son esprit : « Je sais que j’ai en moi quelque chose dont la vérité est démente... et qui mord les choses jusqu’à l’os. » Cet horizon tragique est dessiné dès l’incipit lorsque, de retour d’Amérique sans son fils, Sorio se laisse convaincre par sa jeune amante, l’élégante Nance Herrick, de l’accompagner dans l’East Anglia, à Rodmoor. Ce finistère au nom sinistre fait planer sur les premières heures du séjour une sourde menace. Il est habité par une petite communauté de gens bizarres : l’ancienne amante du père de Nance, Miss Doorm ; un camarade « efféminé » d’Adrian, Bathazar Stork ; un docteur désabusé ; un prêtre empathique ; et par la richissime Mme Rensham dont le fils Brand séduit la demie sœur de Nance, et dont la fille Philippa, « prêtresse d’Artémise » à l’instinct destructeur, tombe amoureuse (le mot est faible) d’Adrian. Cependant, comme le souligne le titre, le seul véritable héros de ce roman « dédié aux mânes d’Emily Brontë » n’est ni un homme ni une femme, quand même nous retient le va-et-vient tourmenté d’Adrian entre les deux pôles (mondain et asocial) de sa vie sentimentale, c’est bien plutôt une envoûtante lande au bord de la mer, dans le Norfolk, à l’Est des « Hauts de Hurlevent ». Si complexes que soient en effet les protagonistes de cette histoire, ils sont soumis, au-delà de leur caractère individuel, à la grande loi des « flux et reflux » qui régit l’univers (« le bruit de la marée sur la plage de Rodmoor était l’arrière-fond de toutes choses ») ; c’est cette loi mystérieuse qui détermine leurs mouvements intérieurs, contradictoires et incessants, dont la cause leur échappe ; mais ils reconnaissent en eux l’emprise magnétique de ce paysage terraqué, fortement érotisé, et qui reflète le désir fou qu’à Rodmoor ils ont tous, ou presque, de détruire le contentement de leur propre vie : « On s’y désintègre, vous savez, on y perd son identité et on oublie les règles [...] Ce que nous cher- chons, c’est la ligne de fuite... c’est la phrase même de mon livre. » Et il semble qu’en effet pour Powys la seule façon de s’évader des attaches familiales soit d’émigrer vers d’autres sphères subhumaines ou surhumaines, en somme, de se fondre dans la nature.

LE TRADUCTEUR

Poète, romancier et passeur de nom- breux écrivains anglo-saxons, Patrick Reumaux (né en 1942) a traduit des œuvres importantes des trois frères Powys : cinq œuvres de Llewelyn chez Phébus, Klincksieck et Isolato ; six de Theodore Francis chez Phébus et, entre autres, à l’Arbre vengeur. De John Cowper, il a rendu accessible aux lecteurs francophones Wood and Stone [1915] (Phébus, 1991 qui sera bientôt réédité au Bruit du temps sous son titre français, Bois et Pierre) et les deux volumes de Owen Glendower [1940] (Phébus, 1996, rééd. 2017). Rodmoor a paru anté- rieurement dans sa traduction au Seuil en 1992, dans la collection « Le Don des langues ».

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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"La folie John Cowper Powys", par Linda Lê (en ligne le 2 juin 2021)

Le livre le plus inquiétant de John Cowper Powys pourrait bien être Rodmoor, traduit par Patrick Reumaux en 1977 pour les éditions du Seuil et repris aujourd’hui au Bruit du temps (Patrick Reumaux, à qui les lecteurs français doivent la découverte de Flann O’Brien). Ce roman de 1916 est dédié aux « mânes d’Emily Brontë », tout comme le premier livre de John Cowper Powys, envoyé à Thomas Hardy, s’orna de cette dédicace en forme de vers : « Maître des sourires et des gémissements humains, / Des ravissements et des agonies… »

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Voir le livre sur le site de l'éditeur…