Atelier




La photo de l'auteur
Par David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau


Cette page donne à lire successivement l'introduction et le texte de conclusion du volume L'Écrivain vu par la photographie. Formes, usages, enjeux, sous la direction de David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.



Ces deux extraits sont reproduits dans l'Atelier de Fabula avec l'aimable autorisation des auteurs et de leur éditeur.


Dossiers Photographie, Auteur.





L'écrivain vu par la photographie


Littérature et photographie entretiennent des relations croisées qui ont marqué en profondeur leur place et leurs usages particuliers dans le champ des pratiques culturelles. Toutes deux ont joué un grand rôle dans leurs transformations respectives depuis le XIXesiècle. En ce sens, l'on peut, à l'instar de Jérôme Thélot dans Les Inventions littéraires de la photographie, évoquer cette relation dans les termes d'une «invention réciproque[1]» et constamment renouvelée. Si d'un côté les écrivains inventent en effet la photographie, c'est-à-dire lui confèrent des significations, lui attribuent des fonctions et lui assignent des valeurs particulières, dans le même temps, la photographie (ré)invente la littérature, et la contraint à se réinventer, notamment en lui faisant concurrence sur le terrain de la représentation et en lui tendant un miroir d'un genre nouveau qui métamorphose le regard jusqu'alors porté sur elle[2].


Ces relations n'ont rien d'une correspondance bi-univoque: la photographie touche à la littérature d'une façon qui ne recoupe guère la façon dont la littérature affecte la photographie. D'un côté, cette dernière apporte à la littérature de nouvelles possibilités d'illustrations et de figurations, et comme une extension de son potentiel de formes et, plus largement, de son domaine. De l'autre, la littérature incarne pour la photographie une histoire et une légitimité qu'elle n'a certes pas à ses débuts car ces deux pratiques culturelles ne jouent pas dans la même cour — la photographie est encore largement tenue pour un «art moyen[3]» — leurs historicités, leurs réseaux de sociabilité ainsi que leurs axiologies sont souvent distinctes, voire parfois antagonistes.


Le déséquilibre dans leur relation tient aussi à ce que la photographie apparaît comme un élément radicalement nouveau dans l'espace socio-culturel. Avec elle s'inaugure une autre métaphysique de l'image, qui n'est pas un épisode de plus dans l'histoire fort ancienne de l'écrire et du voir se regardant en chiens de faïence, mais un temps où les dés de cette relation sont relancés. L'apparition et la diffusion des photographies des écrivains en particulier apparaissent pour la littérature comme le vecteur de mutations profondes. Elles constituent la face la plus visible de cette «révolution invisible» (Philippe Ortel) qu'a constituée l'émergence de la photographie pour la littérature[4]. Un public vaste est en effet désormais en mesure de prendre connaissance de l'apparence physique d'écrivains que, jusqu'à présent, il se bornait à lire et dont il pouvait, au mieux, découvrir la physionomie à travers des peintures, dessins ou gravures, reproduits par exemple en frontispice de livres. La démocratisation, toute progressive, du processus de production de l'image permet également aux écrivains de se représenter eux-mêmes, ce qui constitue là aussi un phénomène sociologique et anthropologique tout à fait singulier.


Ces interactions entre littérature et photographie ont longtemps été ignorées, mais elles suscitent depuis 2000 au moins un intérêt croissant au sein des études littéraires. Outre les monographies à vocation transversales publiées par Philippe Ortel, Jérôme Thélot, Paul Edwards, Daniel Grojnowski ou encore François Brunet[5], pour n'en mentionner que quelques-unes, le champ de recherche, cartographié notamment par le colloque Littérature et photographie qu'avaient organisé Jean-Pierre Montier, Liliane Louvel et Danièle Méaux à Cerisy en 2007[6], a été investi de façon collective. En témoignent l'organisation de rencontres[7], la publication de plusieurs ouvrages collectifs, la réalisation de plusieurs thèses[8], et, bien évidemment, la création du site Phlit.org, qui constitue l'un des principaux vecteurs de dynamisation des travaux de cette communauté de recherche.


Parmi les nombreuses pistes ouvertes, le questionnement s'est jusqu'à présent concentré, notamment, sur l'impact de la photographie sur le plan de l'imaginaire littéraire, ainsi que sur le discours des écrivains consacré à ce medium particulier[9], qui les a conduits à redéfinir les formes et les valeurs de leur pratique littéraire au regard du photographique. Parallèlement, certains types de relations plus spécifiques ont retenu l'attention de la critique, par exemple l'autobiographie impliquant le recours à la photographie, avec les travaux de Magali Nachtergael[10] et de Véronique Montémont[11], le roman-photo avec ceux de Jan Baetens[12], le renouvellement de la poésie moderne, abordé sous cet angle par Anne Reverseau, le livre de photographies et de mots mis en avant par Danièle Méaux, ou encore les usages de la métaphore photographique, objet d'un tout récent ouvrage de Bernd Stiegler[13] et thème du premier numéro de la Revue de photolittérature[14]. L'étude de ces rapports entre littérature et photographie a souvent adopté l'angle de leur support, par exemple le roman populaire illustré, étudié par Paul Edwards, les revues, par Michel Poivert, par exemple, ou la presse par Adeline Wrona, entre autres[15]. Cet ensemble de publications témoigne d'un réel bouillonnement intellectuel, qui relève du décentrement dont les études littéraires font l'objet depuis un certain nombre d'années et qui les conduit à s'intéresser à des objets qui, auparavant, étaient tout simplement invisible en raison de leur statut.


Au sein de cette dynamique de recherche, le versant photographique de l'iconographie de l'écrivain est pendant longtemps demeuré l'un des aspects les moins explorés de ces relations, les images d'auteurs constituant, paradoxalement, la «face cachée des livres[16]», pour reprendre l'expression qu'emploie Laure Murat au sujet des portraits d'écrivains omniprésents dans la librairie d'Adrienne Monnier durant l'entre-deux-guerres. Cet état de fait tient à la conjonction de plusieurs facteurs. La réalisation et les usages des photographies d'écrivains, dont l'essor est allé croissant, se situent en effet à la confluence de plusieurs médias (livre, presse, écrans…) et domaines de production culturelle (édition, expositions, communication…), dont certains sont loin d'avoir figuré parmi les priorités de la critique. En outre, ces images ne se laissent pas appréhender sans mal en raison des découpages traditionnels des champs disciplinaires au sein du monde académique. Du point de vue d'un historien de l'art ou des médias, le portrait d'écrivain n'est, en première instance du moins, guère différent du portrait d'artiste ou de grand homme. Il ne se constitue donc pas spontanément en objet spécifique, comme l'entendaient les organisateurs de l'exposition Portraits d'écrivains en 2010[17], et l'on comprend dès lors qu'il ne soit pas apparu comme une priorité. Du point de vue des études littéraires, les iconographies de l'écrivain sont des objets délicats car impurs, dans la mesure où la responsabilité de leur création et de leur diffusion est partagée entre photographe, modèle, éditeur, journaliste, etc. Parce que leur maîtrise — celle de leur réalisation comme celle des modalités de leur diffusion — échappe pour une large part à l'écrivain et qu'elle ne participe pas de ce que Dominique Maingueneau a appelé «l'espace canonique[18]» de l'œuvre, la photographie d'écrivain a longtemps été affectée d'une certaine défiance, voire d'un dédain qui se transmet naturellement des écrivains à ceux qui commentent leurs œuvres.


Ce n'est que depuis le début des années 2000 que l'iconographie de l'écrivain a, dans le cadre du renouveau dont les études sur la figuration de l'écrivain ont fait l'objet, donné lieu à des travaux posant les bases de recherches de plus grande envergure. La parution d'un ouvrage collectif consacré aux portraits de l'écrivain contemporain[19], puis celle d'un ouvrage à quatre mains de Federico Ferrari et Jean-Luc Nancy[20], ont été suivies par celle de deux numéros de revue, l'un dans Interférences littéraires[21], en 2008, l'autre dans Image & Narrative[22] en 2012: le premier visait à cartographier les principaux enjeux de l'iconographie de l'écrivain, dans une perspective historiquement étendue (du Moyen Âge à nos jours), tandis que le second se focalisait sur les enjeux, notamment ceux liés à la diffusion de la photographie, de ce type d'images au cours du XXesiècle. Un plus récent numéro de la revue COnTEXTES sur le portrait photographique d'écrivain, paru en 2014, s'est inscrit dans le prolongement de ces travaux, en focalisant son attention sur les portraits photographiques[23].


Visant à faire converger les recherches sur l'iconographie de l'écrivain avec celles relatives à la photolittérature, ce volume collectif se donne pour objet de réflexion un type de relation entre littérature et photographie qui mette résolument le photographique au premier plan, les images étant les objets centraux d'un questionnement qui entend faire droit à la multiplicité des formes de photographies d'écrivain et de leurs circulations. En l'espèce, la perspective adoptée embrasse les enjeux de ces images sur la longue durée et dans une perspective qui dépasse le seul portrait photographique. Ce dernier constitue la forme la plus évidente, et sans doute la plus fréquemment mobilisée en vertu de cette évidence même, de la photographie d'écrivain. Toutefois, il n'en constitue nullement le tout et s'inscrit, en réalité, dans une économie plus large de types de photographies. Certaines ne représentent nullement l'écrivain (fac-similé de manuscrits, photographies de proches, lieux de vie, lieux de fiction, etc.), et sont soumises à des usages diversifiés, toujours transformateurs quant à leurs effets, ainsi que n'ont cessé de le montrer les communications et discussions abondantes qui ont nourri le colloque de Cerisy dont cet ouvrage est le résultat.


Marqués par une indicialité qui peut donner à penser que les écrivains sont vus tels qu'en eux-mêmes enfin la photographie les révèlerait dans leur vérité la plus profonde, ces clichés ne contribuent bien évidemment pas de façon transparente et neutre à la constitution de l'image de l'écrivain. Ils en passent par le regard d'un médiateur et le truchement d'un dispositif technique. Le phénomène semble évident mais mérite d'être rappelé, en mentionnant l'argumentation de Jean-Marie Schaeffer:

[D]ans la fabrique du portrait photographique, on n'a jamais un seul sujet humain mais toujours deux: il n'y a pas un regard unique mais deux regards qui s'éprouvent réciproquement. […] S'il est vrai que le portraituré ne peut atteindre sa propre identité qu'en s'exposant à la médiation (toujours risquée) du regard du photographe, celui-ci à son tour s'expose à travers la manière dont il prend (ou ne prend pas) en charge cette situation de médiation. Pour le dire autrement: le portrait photographique présuppose toujours un pacte dont l'enjeu est la rencontre et la négociation de deux désirs. Or il n'y a aucune raison pour que le désir d'œuvre du photographe et le désir d'image du portraituré coïncident[24].

Dans la rencontre entre photographes et écrivains, au-delà de cette conjonction entre des individus et des désirs, il y va de deux ordres de pratiques, relevant d'institutions distinctes marquées par des histoires spécifiques. L'idée d'une neutralité est d'autant moins défendable que les photographies sont toujours inscrites dans des environnements médiatiques supposant des codes, normes et axiologiques particulières qui en conditionnent l'appréhension.


Le photographique dont il est question est constitué d'images tangibles, qui circulent et sont soumises à de constantes manipulations, en vertu de leur inscription dans des univers de discours distincts, par les textes qui les accompagnent aussi bien qu'en fonction des traitements formels (agencements, mise en page…) dont elles sont l'objet. Donnant corps à ces «objets culturels[25]» que sont les figures d'écrivains, ces photographies sont soumises à des processus de «trivialité» — soit «le caractère transformateur et créatif de la transmission et de la réécriture des êtres culturels à travers différents espaces sociaux[26]» — qui en multiplient les emplois et, partant, les significations aussi bien que leur impact sur la littérature et sa médiation.


L'Écrivain vu par la photographie vise ainsi à répondre à une série d'interrogations concernant les usages, les fonctions et les enjeux des figurations photographiques des écrivains, qu'il s'agisse de portraits ou de représentations plus indirectes — outre les lieux de vie, les proches ou les manuscrits, l'on peut également songer aux photographies de mains ou d'objets qui symbolisent parfois l'écrivain en dépit de son absence sur le cliché[27]. Il s'agit donc d'examiner comment la littérature, et d'autres domaines comme le journalisme, l'enseignement, la publicité et le monde muséal, usent de ces images et les soumettent à leurs logiques et à leurs finalités propres. L'interaction entre ces différents domaines informe la rencontre et détermine les mobiles des uns et des autres et, dès lors, non seulement la production de ce type d'images, mais aussi leurs usages concrets et par conséquent leurs significations.


À remonter aux sources de ce qui passe aujourd'hui comme un indispensable de la vie littéraire, il apparaît non seulement que l'histoire des usages des photographies du point de vue des écrivains est marquée, pour l'un de ses versants du moins, par une «reprise en main[28]», c'est-à-dire le renforcement progressif de la maîtrise exercée par les écrivains sur leurs images et leur diffusion, mais surtout que l'image a changé de place dans le fait littéraire: de marginale, sa position est devenue centrale et elle est aujourd'hui complètement intégrée au métier, à l'emploi du temps et à la vision même que l'on peut avoir de l'écrivain. Aussi la photographie de l'écrivain continue-t-elle, d'une certaine façon, à lui échapper car, dans le processus de pollinisation dont elles font l'objet[29], ces images sont appropriées par une multitude d'agents, dans une multiplicité de contextes médiatiques et de formes. Davantage, cette inclination à exercer un droit de regard sur leurs usages témoigne de ce qu'il y a dans une large mesure une perte, qui, pour être étrangère aux formes traditionnelles de l'œuvre au sein du domaine littéraire, n'en touche pas moins en son cœur, selon les normes en vigueur, à la faveur de l'émergence des impératifs de la célébrité et de la visibilité auxquels sont soumis les écrivains[30].


Il en va en effet pour les écrivains de la constitution, via la photographie, de leur image d'auteur[31] dans une forme ayant valeur d'attestation, et dotée par conséquent d'un pouvoir symbolique particulièrement prégnant, volontiers mobilisé dans le cadre de leurs stratégies posturales[32]. L'individu photographié est fréquemment perçu comme la métonymie de son art. Les images des auteurs, analysent Federico Ferrari et Jean-Luc Nancy, sont dans cette perspective envisagées et utilisées comme «une clef de lisibilité qui permet que soit rendu visible, dans les traits d'un sujet, [...] le caractère d'une œuvre[33]». Ce pouvoir de la photographie a conduit les écrivains à tenter soit de tracer un mur entre iconographie publique et iconographie privée, soit de jouer avec cette frontière. Il a aussi fait émerger la figure de l'écrivain-photographe, que celui-ci sépare clairement ses deux pratiques, comme Édouard Levé, ou au contraire mobilise la photographie au sein de l'œuvre même, comme, entre maints exemples, Denis Roche. C'est tout particulièrement le cas dans le corpus de récits de soi que Magali Nachtergael a appelés des «mythologies individuelles[34]». Même s'il délègue la tâche de le représenter à d'autres, l'écrivain le fait en toute conscience des capacités du medium. Dans certains contextes éditoriaux, comme le magazine, les manuels scolaires ou les biographies illustrées, la photographie de l'écrivain est à la fois seuil et emblème de l'œuvre, jusqu'à revêtir des formes fictionnelles, comme en témoigne le centième numéro de la collection «Écrivains de toujours» au Seuil, consacré à Marc Ronceraille, écrivain façonné de toutes pièces pour l'occasion.


Ces exemples se situent au cœur de la dialectique entre l'image d'un écrivain comme représentation banale d'un individu et sa conversion en icône, entre désacralisation et sacralisation, parfois au sens littéral, si l'on se souvient de l'autel que construit Antoine Doinel à Balzac dans les 400 coups de François Truffaut (1959). C'est ce double mouvement que Barthes mettait en lumière en décrivant la logique paradoxale qui anime la rubrique estivale du Figaro littéraire intitulée «Les écrivains en vacances»:

[L]es techniques du journalisme contemporain s'emploient de plus en plus à donner de l'écrivain un spectacle prosaïque. Mais on aurait bien tort de prendre cela pour un effet de démystification. C'est tout le contraire. Sans doute il peut me paraître touchant et même flatteur, à moi simple lecteur, de participer par la confidence à la vie quotidienne d'une race sélectionnée par le génie […]. N'empêche que le solde de l'opération c'est que l'écrivain devient encore un peu plus vedette, quitte un peu davantage cette terre pour un habitat céleste […][35].

Barthes lui-même n'a pas échappé à ce type de figurations, en particulier dans le Roland Barthes par lui-même, contrôlant, pour tenter d'en neutraliser le naturel stéréotypé, la fabrique de ce lieu de mémoire littéraire incarné par une collection à vocation patrimoniale, au sein de laquelle le volume qu'il se consacre fera figure d'hapax.


Cette logique de collection — qui se traduit tout spécialement dans les collections monographiques illustrées consacrées aux écrivains telles que «Poètes d'aujourd'hui» (Seghers), «Écrivains de toujours» (Seuil), «Albums de la Pléiade» (Gallimard) ou encore «Les contemporains» (Seuil)[36] — permet de mettre en avant l'autre notion essentielle ayant émergé de nos travaux collectifs: la mise en série. Il est apparu, en effet, que les nouvelles technologies et en particulier les moteurs de recherche d'images éclairaient d'un jour nouveau la dialectique entre le singulier et le pluriel dans le portrait d'écrivain. Bien des réflexions qui suivent n'auraient pas été envisageables, en effet, sans la possibilité de mettre en série des images d'écrivain. Le fait de pouvoir créer sur son écran des galeries, des collections ou des albums de portraits qui n'avaient jusque-là jamais été juxtaposés, ou de bénéficier d'un panorama susceptible de tendre vers une exhaustivité des images publiques de tel ou tel écrivain, contribue à la constitution d'un tel objet d'études et, en particulier, à la saisie effective de sa dimension sérielle. Ces petits musées, échafaudages photographiques constitués au fil de la recherche, permettent aussi de penser le processus d'iconisation par la reprise du même. La photographie de Baudelaire par Nadar, de Rimbaud par Carjat, mais aussi, dans une moindre mesure, celle de Cendrars par Martinie, de Fargue par Brassaï ou encore de Faulkner par Cartier-Bresson, sont devenues, en quelque sorte, les photographies «officielles» des écrivains dès lors qu'on les a vues reproduites de toutes les façons possibles et dans tous les environnements imaginables. À telle enseigne que certaines de ces images — des portraits tout spécialement — n'ont même plus besoin d'être reproduites, elles font partie d'un fonds iconographique commun que Charles Dantzig commente ainsi, sous forme de liste :

Baudelaire par Nadar a l'air traqué.
Delacroix par Carjat a l'air buté.
Man Ray par Stieglitz a l'air d'un plâtrier.
Rodin par Steichen a l'air pensif. Poseur!
Samuel Beckett par Avedon prouve que les oiseaux descendent des reptiles : front d'oiseau, crête d'oiseau, rides de lézard. […][37]

Plus l'image est reprise, plus la figuration de l'écrivain se fixe dans nos esprits. Le phénomène est évidemment plus fort quand l'image est rare, ce qui de nos jours arrive de moins en moins. Mais, en retour, les nouvelles technologies rendent disponibles des documents difficiles d'accès, comme certaines planches contacts représentant Françoise Sagan, qu'avait exposées la Maison Victor Hugo en 2010[38]. Elles font ainsi apparaître des séries photographiques que la médiatisation de tel ou tel auteur avaient occultées, ce qui permet au chercheur d'approcher au plus près le rôle des usages dans cette étrange présence/absence des écrivains qui se joue dans leurs représentations par la photographie.


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L'importance des usages et de la mise en série des photographies d'écrivains sert de fil rouge à cet ouvrage qui brasse de multiples exemples, de l'avènement de la photographie à l'extrême contemporain, et adopte différentes approches, de l'enquête à l'iconologie comparée en passant par l'analyse de texte et la synthèse historique. Les contributions sont réunies selon les différentes fonctions données aux photographies d'écrivain.


L'ouvrage se décline en cinq sections qui interviennent après un premier texte de cadrage. Signé des trois directeurs de l'ouvrage, celui-ci aborde les enjeux de la figuration des écrivains par la photographie d'une part en réinscrivant le développement de ce type particulier d'images dans l'histoire de la célébrité et de la visibilité à l'ère de la photographie, d'autre part en rendant compte des enjeux spécifiques de la représentation photographique de cette figure particulière qu'est l'écrivain. Ce texte expose enfin les enjeux induits par la circulation de ces images en interaction avec d'autres domaines comme le discours éditorial, la publicité ou le monde muséal.


La première section de L'Écrivain vu par la photographie porte sur les deux pôles du public et du privé car cette frontière est souvent le principal lieu de questionnement pour l'écrivain, pour le photographe et pour le lecteur… La petite fille que je vois est-elle déjà l'écrivain qu'elle deviendra, par exemple? C'est là l'un des enjeux le plus constant des usages de la photographie d'écrivain, du XIXe siècle à aujourd'hui, où il est même exacerbé par les réseaux sociaux. Cet ensemble s'ouvre sur une présentation panoramique du positionnement des écrivains (Nathalie Heinich) et sur les racines du phénomène à travers les exemples de Hugo et Balzac (Kathrin Yacavone). La question est ensuite abordée à travers un corpus contemporain, autour de Barthes et de Pasolini (Magali Nachtergael), d'Annie Ernaux (Nathalie Froloff) puis de Darrieussecq, Delaume et Despentes (Martina Stemberger).


La section suivante porte sur la tension entre singulier et collectif et le phénomène du portrait de groupe, et suit, elle aussi, une logique chronologique. Outre que de telles photographies tendent à documenter l'histoire littéraire et les relations dont elle est tissée, représenter l'écrivain en collectivité a évidemment un impact sur la façon dont il est perçu par ceux qui regarderont ces clichés et, par conséquent, sur ce qu'il s'agit de signifier à son sujet. Des fameuses galeries de photographies du XIXesiècle (Solenn Dupas) et de l'existence problématique des groupes d'écrivains québécois (Pascal Brissette et Michel Lacroix), on passe aux portraits collectifs des avant-gardes (Danièle Méaux) pour s'arrêter sur l'exemple de la fameuse photographie dite «du Nouveau Roman» par Mario Dondero (Michel Bertrand).


Parce que l'écrivain photographié s'arrange souvent pour «être là sans y être», comme le formulait Aragon lors de sa dernière intervention à la télévision, rendu invisible par le contre-jour, la section suivante porte sur la tension entre présence et absence à laquelle donne corps la photographie. L'image incarne une présence lorsque le portrait révèle un livre ou une écriture, comme chez Mallarmé (Virginie A.Duzer), mais aussi chez Beckett (Anne-Cécile Guilbard) ou chez Breton (Noémie Suisse). Ce dernier construit par la photo une posture qui, si elle participe incontestablement d'une esthétique avant-gardiste, emprunte dans le même temps largement, pour la détourner, à la mémoire des formes (et de la photogénie) de l'époque. Elle rend aussi tangible une absence et toutes les apories qui l'accompagnent, comme en témoignent les impossibles portraits de Claude Cahun (Andrea Oberhuber) ou d'Édouard Levé (Matthias De Jonghe).


Les questions de diffusion et l'ensemble des phénomènes liés à ce que Marie-José Mondzain appelle «commerce des regards[39]» informent la quatrième section. Qui dit diffusion dit en effet distribution, et parfois grande distribution : on ne peut parler de l'iconographie des écrivains sans évoquer les stratégies marketing et la publicité éditoriale qui ont contribué à en conditionner les développements. Il est question dans cette partie des liens entre journalistes et photographes au XIXesiècle (Érika Wicky) et de la mise en question de ces sociabilités entre secteurs qui, s'ils se côtoient, demeurent distincts. L'étude de l'importance du portrait dans l'essor du marketing éditorial au début du XXesiècle (Christine Rivalan Guégo) rappelle à juste titre que les livres (et les écrivains) sont les objets d'une économie qui n'est pas uniquement symbolique, ainsi que le montre la place dévolue aujourd'hui aux portraits d'écrivains par les maisons d'éditions (Marie-Pier Luneau et Marie-Ève Riel), la presse (Camille Brachet) et les réseaux sociaux (Servanne Monjour).


Enfin, le dernier ensemble de textes se propose de comprendre le rôle de la photographie dans le phénomène de la patrimonialisation de la littérature. À travers des images de lieux comme la maison (Marie-Clémence Régnier) ou divers environnements emblématiques de l'écrivain (Paul Léon), il s'agit d'examiner comment les photographies forment une escorte indispensable pour la postérité, dans une collection de monographies illustrées telles qu'«Écrivains de toujours» (Mathilde Labbé), pour l'entrée de l'écrivain au sein du canon, ainsi que le montre l'usage des photographies dans un organe de presse spécialisé comme Le Magazine littéraire (Guillaume Willem), ou encore dans des ouvrages autobiographiques s'attachant à mettre une «vie en images» (Véronique Montémont).


À la fin d'un tel parcours, il apparaît que l'écrivain est loin d'être étranger aux images. Qu'il se positionne en victime dans une tour d'ivoire assaillie de photographes ou qu'il fasse le choix de s'occuper de son «profil» en se saisissant du medium photographique, l'animal de papier — papier photographique ou papier glacé ! — a suivi les métamorphoses de la photographie: il est lui aussi aujourd'hui un être virtuel, maniant ses représentations ou assistant à des manipulations qui, bien souvent, lui échappent, et contribuent, après sa disparition, à entretenir le souvenir de son œuvre et à lui donner littéralement corps.


Cette non-étrangeté, ou plutôt cette non-indifférence de l'écrivain envers ses images n'implique nullement de le considérer sous l'angle d'un narcissisme singulier; elle n'est probablement qu'un cas particulier de son rapport plus général envers toutes les images, lesquelles, tout autant que les mots dont il retravaille le sens, sont en perpétuelle inadéquation avec les choses, les actes, les conflits dont le monde est fait et que l'écrivain fait résonner dans cet espace dénommé Littérature. Donner corps aux mots, donner corps en image à celui dont la tâche est de les remettre sur l'établi du sens, ce sont finalement les deux faces d'une même pièce.



David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau
2017



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Ce que les photographies d'écrivains font à la littérature
Ce que l'on fait des photographies d'écrivains


Faire la synthèse d'un tel ouvrage est évidemment une gageure. D'abord parce que derrière «l'écrivain vu par la photographie», il y a en réalité une multitude d'écrivains, certains fuyant on le sait les photographes comme la peste (Blanchot), d'autres aimant au contraire plus que tout poser en grand homme (Saint-John Perse), certains regrettant un âge d'or — a-t-il jamais vraiment existé? — où la littérature savait se passer d'images, d'autres, enfin, s'appropriant la photographie en en jouant et surjouant, quitte à donner dans la pitrerie à l'occasion (Beigbeder). La synthèse est également difficile car un tel ouvrage couvre des périodes bien différentes, au cours desquelles le terme même de «photographie» recoupe des acceptions diverses. Quoi de commun, en effet, entre les portraits d'écrivains figurant dans le Panthéon Nadar entrepris au milieu du XIXe siècle, les tirages du studio Man Ray des années 1930, les clichés des agences de presse des années 1960 et les vignettes figurant aujourd'hui sur les profils Facebook des écrivains? La difficulté réside surtout dans le fait que la photographie n'a pas les mêmes rapports à la société, à l'art et à la littérature selon ces époques. Il faut à ce titre rappeler qu'avant d'être un art plastique, la photographie est avant tout un art appliqué et une pratique sociale, dont le statut et les usages n'ont cessé de se transformer. La synthèse, enfin, n'est pas facile car les textes qui précèdent brassent plusieurs points de vue: le point de vue de l'écrivain, celui du lecteur, celui de l'historien de la littérature, celui du chercheur en culture visuelle, mais aussi ceux de l'éditeur, des chargés de communication, du libraire, etc., qui souvent interfèrent, mais parfois aussi s'opposent. Il y va là d'usages sociaux des images, qui sont précisément ce sur quoi doivent porter des regards qui eux-mêmes sont issus de perspectives différentes, celles des disciplines susceptibles de s'intéresser aux photographies touchant aux écrivains.


L'Écrivain vu par la photographie, c'est là typiquement un de ces objets d'études — de plus en plus nombreux sur la scène académique — qui contraignent à outrepasser les limites des champs disciplinaires traditionnels. Non seulement, pour l'aborder, les littéraires ont besoin d'aller glaner des outils en histoire de l'art, en sciences de l'information et de la communication, en philosophie, etc., mais ces réflexions se ramifient et essaiment ailleurs, soulevant d'autres enjeux en dehors du champ littéraire. Parmi les questions auxquelles les littéraires ne peuvent répondre seuls: qu'est-ce qu'implique pour un photographe d'avoir devant son objectif un modèle écrivain? Quel rôle joue la photographie dans la publicité littéraire ou dans le phénomène des bestsellers? Comment une identité visuelle influe-t-elle sur la perception identitaire d'un écrivain? Plutôt que de voir une faiblesse dans la dépendance de cet objet d'études à d'autres disciplines extérieures à un ancrage traditionnel (littéraire en l'occurrence), nous préférons en percevoir la force, sa force de frappe théorique, en somme.


L'Écrivain vu par la photographie, c'est là aussi typiquement le genre d'objet d'étude pour lequel de nombreux éléments n'apparaissent qu'exemples à l'appui, constantes et fils conducteurs étant progressivement rendus visibles. Les exemples ayant foisonné pendant le colloque, il est normal d'en ressentir le fourmillement à la lecture de ces pages. Malgré la masse d'images hétéroclites convoquées et malgré la grande diversité d'époques et de contextes historiques évoqués, plusieurs fils rouges permettent d'organiser la lecture de cet ensemble de textes. Après un article de cadrage historique et théorique, indispensable compte tenu de la complexité du sujet, l'ouvrage s'organise en effet en cinq sections qui sont basées sur les tensions inhérentes au portrait d'écrivain ainsi que sur les enjeux médiatiques et patrimoniaux de la représentation photographique.



Cadrage


Dans le premier texte, «La littérature n'est pas une culture “hors sol”. Que fait la photographie de l'écrivain?», Jean-Pierre Montier, David Martens et Anne Reverseau se sont demandé si l'écrivain était un personnage public comme les autres. Ce texte préliminaire sur la valeur d'incarnation et de médiation de la photographie pour l'écrivain introduit une réflexion plus large sur les enjeux des usages de la photographie pour la littérature, bien loin d'une image encore trop courante d'une littérature sans contexte ou «hors-sol». Retraçant les soubassements historiques qui ont conduit à faire des écrivains des célébrités dans l'espace public, et donc à générer une production d'images les représentant, cette étude inaugurale expose les enjeux spécifiques de cette visibilité des écrivains, en particulier dans la façon dont ces images sont regardées. Fondamentalement, que regarde-t-on d'une photographie lorsqu'elle figure un écrivain, et en fonction de quels paramètres? À cette question, il semble malaisé de pouvoir répondre si l'on ne s'interroge pas au final, et de façon centrale, sur les usages dont les photographies ont fait l'objet, selon leur destination première, bien sûr, mais aussi sur ceux permis par cette technique de fabrication d'images qu'est la photographie. Dans le cas des écrivains, ces usages peuvent certes ressortir des productions littéraires stricto sensu, mais en réalité ils participent fréquemment des points de rencontre du littéraire avec d'autres types de discours et d'autres espaces culturels, aux normes propres, qu'il s'agisse de la presse (journalisme), de l'espace de la patrimonialisation (maisons d'écrivains), de la publicité, etc.



Entre le public et le privé


Ces enjeux relatifs à ce qu'il faut bien considérer comme une redéfinition globale de la sphère du littéraire et de ses formes à l'ère médiatique sont abordés plus précisément par la première section de l'ouvrage. Les textes rassemblés dans cette partie du livre examinent en particulier la façon dont les photographies d'écrivains et leurs usages contribuent à transformer la nature de la ligne de partage entre espace public et sphère privée. Le monde littéraire présente en effet une spécificité au regard de l'univers de la visibilité dont les écrivains sont en quelque sorte les victimes (plus ou moins consentantes), comme Nathalie Heinich le rappelle: dans le rapport entre l'importance des images d'un écrivain et la valeur littéraire prêtée à son œuvre, par un syllogisme classique au sein du champ littéraire moderne, l'absence ou le peu de présence de l'image apparaît souvent, aujourd'hui encore, comme un marqueur d'excellence, selon la logique habituelle de la distinction pour laquelle le rare s'identifie au précieux: c'est ainsi que Gérard Genette note que Derrida refusa en 1967 de faire figurer sa photographie au dos de L'Écriture et la Différence, contrairement à la règle de la collection, ajoutant avec un brin d'ironie que «cet accès de modestie fit honte à toute une génération et le misérable cliché disparut bien vite, au profit d'un plus sobre et plus sûr code-barre» (Apostille, Paris, Seuil, coll. «Fiction & Cie», 2012, p.252). Dans certains cas, ces images des auteurs sont initialement produites au sein de l'espace privé, et ne sont que dans un second temps livrées au public par l'effet des médias, selon une dynamique qui connaît une sorte de premier temps fort avec Victor Hugo, dont on a diffusé certaines images jusqu'à plus soif. Cette figure, dont l'aura doit beaucoup à la photographie — le poète a, on le sait, été l'un des premiers écrivains en France à orchestrer de façon aussi systématique la production et la diffusion de ses photographies, notamment à partir de son exil sous le Second Empire —, est abordée en contrepoint de celle de Balzac par Kathrin Yacavone dans une réflexion sur la question de la démocratisation de ce nouvel outil au XIXesiècle. Elle montre combien cette mise à disposition du corps de l'écrivain auprès du public est tributaire des mutations historiques qui affectent ce nouveau medium durant les premières décennies de son existence. Examinant un type de représentation des auteurs plus récent, celui des écrivains à la plage (forme particulière de l'écrivain en vacances auquel Barthes a consacré une célèbre «mythologie»), Magali Nachtergael montre en quoi cet espace de loisir par excellence apparaît comme un lieu de révélation privilégié des tensions entre public et privé, entre les impératifs de la distinction qui s'imposent à l'écrivain dans le régime de singularité qui est le sien et l'effet de masse inhérent à un tel environnement, mais aussi le lieu politique de prises de positions parfois subversives en ce qui concerne l'exposition des corps (et leur dénudement relatif notamment). Si le passage du privé au public se joue parfois sur le mode de la dépossession, le choix de l'usage public de photographies privées peut aussi être celui de l'auteur. À dire vrai, au cours des histoires croisées de la littérature et de la photographie, un nombre toujours plus considérable d'écrivains a été conduit à prendre en main cette dimension de la construction de son image d'auteur. Ainsi en va-t-il d'Annie Ernaux qui, comme le montre Nathalie Froloff, après des premiers contacts problématiques avec la production de ses photographies, s'est personnellement investie dans le façonnement de son album personnel en se livrant à travers la création d'un «photojournal», comme pour répondre à une soumission mal vécue aux photographes, jusqu'à contribuer activement à l'élaboration du volet iconographique du volume de ses œuvres publié dans la collection «Quarto» chez Gallimard. Après cette étude de cas portant sur une auteure, Martina Stemberger propose une réflexion plus générale sur l'écrivaine contemporaine vue par la photographie. Les trois femmes écrivaines dont les représentations sont examinées par l'auteure — Marie Darrieussecq, Chloé Delaume et Virginie Despentes — viennent radicaliser la tension entre les images publiques et privées de tout écrivain. Dans ces figurations de l'écrivain au féminin, ce n'est pas simplement une ressaisie de l'image photographique par la littérature contemporaine qui advient, mais une véritable métamorphose de l'écrivain qui renégocie l'autorité visuelle, en s'y opposant souvent frontalement. Plus encore, ces auteures jouent avec les stéréotypes féminins, parodient les scènes de pose et passent par la fiction, donnant ainsi naissance à des avatars médiatiques.



Les écrivains en groupes


Comme on le devine en parcourant cette première section, la question de la représentation photographique de l'écrivain dépasse largement l'échelle individuelle. D'une part, un écrivain vu par la photographie devient vite l'écrivain vu par la photographie. Cette valeur exemplaire du medium est particulièrement sensible lorsque les auteurs apparaissent en groupe, représentant différentes écoles artistiques ou littéraires. Solenn Dupas rappelle à cet égard à quel point le principe de la mise en série présidait aux galeries de photographies d'écrivains au XIXesiècle. À cette époque qui fut marquée par une dynamique volontiers panthéonisante, en même temps que par l'essor d'une médiatisation à grande échelle, les écrivains sont fréquemment représentés en collectivité, tout particulièrement dans le domaine de la caricature. On peut à cet égard se demander si les évolutions de la technique photographique n'ont pas favorisé le développement de photographies prises en groupe, qui étaient moins commodes à obtenir au cours des premières décennies d'existence du medium. En réalité, ces photographies et caricatures en groupe correspondaient aussi à une nouvelle réalité de la vie littéraire, avec la constitution du «mouvement» romantique, collectif par définition, impliquant des modes vestimentaires ou des nouveaux types de faciès qui étaient autant de signes de reconnaissance et d'appartenance de l'écrivain au groupe dont il est solidaire, comme lors de la Bataille d'Hernani, contemporaine de l'invention du daguerréotype. Ces photographies de groupe apparaissent comme la figuration de sociabilités, et elles sont en conséquence employées de façons sensiblement différentes de celles qui ne représentent qu'un seul écrivain. Ainsi Pascal Brissette et Michel Lacroix, en enquêtant sur la représentation des groupes littéraires québécois, montrent combien, dans ce champ littéraire spécifique, de telles photographies de groupes sont curieusement peu nombreuses. Cependant, parallèlement à la rareté de ces mises en image de l'histoire littéraire, les auteurs indiquent qu'il existe de nombreuses photographies d'écrivains en collectivité. La nature de tels clichés, ainsi que leurs usages, donnent à penser que ce qui importe au Québec n'est pas tant le groupe identifié que l'œuvre conçue comme collectivité, à l'échelle de la nation. À partir des représentations collectives du futurisme et du surréalisme mais aussi du Grand Jeu, Danièle Méaux montre que les portraits de groupes d'avant-garde ont constitué une version ludique, ironique et moderne de la tradition figurative des cénacles d'écrivains, avec laquelle le groupe s'est plu à jouer, en rompant notamment avec les frontières traditionnellement admises entre les registres du privé et du public. À cet égard, l'élaboration concertée de toute une imagerie du surréalisme à travers la représentation photographique des membres du groupe contribue non seulement à attribuer une existence à ce dernier, à travers la visibilité qui lui est conférée, mais elle a aussi valeur de manifestation de choix esthétiques particuliers, tout spécialement en ce qui concerne l'interaction entre les arts et la subversion des hiérarchies esthétiques admises. Enfin, la réflexion de Michel Bertrand sur le cliché de groupe devenu symbolique du Nouveau Roman, pris par Mario Dondero devant les Éditions de Minuit, met en avant le destin d'un cliché dont les aspects symboliques ont été révélés par son usage, créant notamment un «effet de vitrine» pour les éditions de Minuit. Tout particulièrement, il s'agit de montrer comment l'un des acteurs principaux du groupe, à la date où le cliché a été pris, Michel Butor, brille en quelque sorte par une absence qui se révèle, en définitive, particulièrement prégnante et qui manifeste en quelque sorte, en filigrane, la posture d'auteur qui était alors la sienne, si loin et si proche d'un groupe dont le retentissement aura contribué à sa reconnaissance institutionnelle.



Incarnation d'une absence


Permettant une reproduction commode, la photographie a donné davantage de présence aux écrivains en les dotant d'une visibilité d'une autre ampleur et d'une autre nature que celle dont ils bénéficiaient jusqu'alors. Mais les photographies d'écrivains ont pu éveiller, et éveillent encore, des réticences, voire des soupçons de compromission, qui expliquent les refus plus ou moins systématiques de certains auteurs de se laisser tirer le portrait. La présence photographique d'un auteur se double en effet souvent de la distance ou de l'absence du texte, même si on peut essayer de voir évoqué le style de l'écrivain à travers son portrait, comme l'ont suggéré Virginie A. Duzer, à travers un corpus dix-neuvièmiste, et Noémie Suisse à travers l'exemple d'André Breton. Alors que la première s'interroge sur la façon dont une photographie peut être perçue comme un instrument permettant de donner à voir le style même de l'écrivain à travers la figuration de son corps et de tout ce qu'il implique en termes de mise (vêtements, attitudes…), la seconde fait apparaître la conscience aigüe des enjeux de la photogénie manifestés par André Breton. Sur ces clichés, le poète semble organiser un jeu de regards concerté, bien décidé à fixer l'objectif de l'appareil et les contemplateurs de sa photographie, refusant de feindre l'absence de tout appareillage de prise de vue, dans un commentaire muet, en images, du dispositif auquel il paraît se soumettre. Si un auteur plein de superbe comme Breton entend faire face à l'objectif, et ainsi manifester sa présence de façon nette, faire voir l'écrivain peut aussi se heurter à de nombreuses stratégies de travestissement ou d'évitement. Examinant l'expérience atypique du couple formé par Claude Cahun et Marcel Moore, Andrea Oberhuber en conclut que les images — (auto)portraits, photomontages, etc. — réalisées par ce duo se confrontent à la difficulté patente d'une figuration de soi en écrivain. Le caractère problématique de cette identité se traduit au travers de multiples stratégies de déviation, qu'il s'agisse de mobiliser les portraits d'autres écrivains pour se dire soi ou encore de se représenter dans les interstices du texte et de l'image, notamment en mobilisant cet organe clé de l'écrivain: la main. Anne-Cécile Guilbard montre, à partir de l'exemple de Beckett, le rôle de la photographie et de la stratégie éditoriale dans la constitution d'un mythe d'écrivain, notamment par la répétition des mêmes poses iconiques, qui tendent à conférer à l'image globale que le public se fait de l'auteur de Molloy un hiératisme certain. Enfin, s'intéressant à une œuvre relevant sans conteste des interactions fortes du début du XXIesiècle entre les domaines de l'art contemporain et de la littérature, Matthias De Jonghe explique comment un écrivain et photographe comme Édouard Levé a pu œuvrer dans le sens d'une déconstruction de soi, en insistant, en texte et en image, sur l'irréductible opacité du sujet pour lui-même et pour ceux à l'attention desquels il façonne des images de lui-même. Certaines, comme le double autoportrait photographique intitulé Autojumeaux (1999) commenté avec l'aide des textes littéraires parus chez P.O.L., sont particulièrement troublantes. Aussi divers soient-ils, de tels cas de figure témoignent exemplairement de ce que l'écrivain, devant une photographie dont on attend le plus souvent qu'elle génère un effet de présence, semble parfois plus adéquatement donné à voir à travers son absence ou la mise en forme d'un travail qui contribue à son effacement. L'on peut alors à bon droit se demander s'il ne s'agit pas là d'une manière, pour les écrivains, de conjurer la perte de valeur fréquemment associée à la photographie en combinant, d'une part, les principes au cœur de leur relation à l'écriture et de la posture qu'ils promeuvent et, d'autre part, les impératifs d'une visibilité médiatique à laquelle il semble devenu particulièrement ardu de se soustraire.



Visibilités médiatiques


Si l'écrivain cherche si souvent, encore aujourd'hui, à contourner la photographie, c'est que la pose et la représentation sont perçues comme des obligations professionnelles qui ne dépendent pas de lui, voire qui peuvent l'aliéner. La photographie a en effet accompagné et transformé la médiatisation du fait littéraire, favorisant la diffusion des images d'écrivains dans le cadre de pratiques discursives et au travers de mediums traditionnellement perçus comme étrangers à ce qui fait le cœur de l'activité littéraire ou encore, dans les termes de l'analyse du discours, l'espace de l'œuvre, en particulier lorsque ces productions culturelles ne ressortissent pas directement ou pas exclusivement à la sphère du discours littéraire, qu'il s'agisse de publicités, en librairies, au sein de magazines, ou encore d'entretiens d'écrivains. Renforcée à la faveur du développement de «la civilisation du journal», qui a pris son plein essor au cours du XIXesiècle, la présence médiatique des écrivains est notamment assurée par les journalistes, comme le montre le texte d'Érika Wicky. Étudiant les rapports entre les milieux de la bohème et les cercles de la presse, elle souligne l'importance des lieux de sociabilités au sein desquels écrivains, journalistes et photographes sont régulièrement amenés à se côtoyer. Ce cadre, favorable au développement d'une production photographique endogène (les photographes photographient les journalistes), est également le lieu d'un discours relatif à l'image photographique des auteurs et à leur diffusion. Corollairement à son histoire en contexte journalistique, la photographie d'écrivain gagne progressivement le marketing éditorial, créant une forte proximité entre auteurs et lecteurs, ainsi que l'analyse Christine Rivalan Guégo en examinant les usages de photographies d'écrivains dans le cadre de collections populaires bon marché publiées en Espagne au début du XXesiècle. Compte tenu de leur diffusion large — elles apparaissaient sur les devantures des kiosques à journaux —, ces collections ont contribué à promouvoir la visibilité et, partant, la notoriété des écrivains rassemblés sous la dénomination de Novela Corta. Ce rôle de l'éditeur dans la diffusion et les usages des photographies d'écrivains a été approfondi par Marie-Pier Luneau et Marie-Ève Riel, qui distinguent les médiations du champ éditorial et du champ médiatique à partir de l'exemple des éditions québécoises Fides. En étudiant les usages de photographies d'écrivains dans l'épitexte éditorial, qu'il s'agisse de pages de couverture ou de quatrièmes de couverture, ainsi que dans les catalogues de la maison d'édition et les revues spécialisées, elles font apparaître la nature fondamentalement promotionnelle de ces images et la façon dont elles sont mobilisées. Cette approche de la dimension publicitaire des photographies d'auteur est complétée par l'enquête de Camille Brachet sur ce que la photographie donne à voir des écrivains dans plusieurs organes de la presse magazine française actuelle et sur la façon dont ces images participent de stratégies de communication concertées. Si elle peut parfois échapper complètement aux écrivains lorsqu'elle se joue dans les périodiques, la construction de leur image connaît une nouvelle étape de son histoire lorsque les auteurs investissent les nouveaux médias, en particulier les réseaux sociaux. C'est ce que montre l'étude que Servanne Monjour consacre à l'utilisation du medium photographique par l'écrivain sur Facebook en se penchant sur le profil de Victoria Welby. Son enquête explique combien la dimension matérielle du medium, loin du fantasme (ou de la crainte) de dématérialisation souvent associée au numérique, est précisément ce sur quoi se focalise cette entreprise autoportraitiste.



Patrimonialisations de l'écrivain


L'iconographie de l'écrivain joue ainsi un rôle important dans la mise en valeur du littéraire. Sa conversion en patrimoine culturel en constitue l'une des modalités possibles. C'est d'abord que les lieux fréquentés par l'écrivain — sa maison ou ses lieux de prédilection — se transforment, dans le cas d'un écrivain connu, en lieu de mémoire, voire, comme dans le cas emblématique de Victor Hugo, analysé par Marie-Clémence Régnier, en un lieu par excellence de la mémoire nationale. Or, l'un des moyens pour tenter de conférer à ces lieux une présence, celle de l'écrivain disparu, consiste à y faire figurer certaines de ses photographies. C'est ainsi que les photographies d'écrivains contribuent à la constitution de l'espace culturel et à ce que l'on pourrait véritablement envisager comme une littérarisation de l'espace public. Dans cet ordre d'idées, Paul Léon examine en particulier les images mentales, notamment géographiques, qui sont liées, pour le lecteur, à tel ou tel écrivain. De fait, en documentant la relation de l'écrivain avec des lieux particuliers, certaines photographies donnent littéralement corps à cette relation et participent à son enracinement dans l'imaginaire collectif. Comme ne manque pas de le pointer Paul Léon en commentant l'usage de photographies dans les célèbres volumes publiés par Lagarde et Michard, la patrimonialisation en passe aussi par l'institution scolaire au sein de laquelle l'iconographie de l'écrivain est une part essentielle. Certaines collections ont même été spécifiquement constituées en fonction de l'intégration d'une riche iconographie ainsi qu'en témoignent des séries comme les «Albums de la Pléiade» (Gallimard), «Poètes d'aujourd'hui» (Seghers), dans une moindre mesure et, plus encore «Écrivains de toujours» (Seuil), qui fait l'objet de l'étude de Mathilde Labbé. Elle y questionne en particulier, en les rapprochant de l'iconographie consacrée à Saint Jérôme, les différentes formes de représentations photographiques de l'écrivain au travail (c'est-à-dire en train d'écrire), absorbé dans son geste d'écriture ou, au contraire, feignant une interruption pour pointer son regard vers l'objectif et le spectateur de la photo. Le phénomène de la patrimonialisation a également besoin de la médiatisation et la littérature en représentation a été de plus en plus accompagnée, au cours de son histoire, par des photographies, prises à l'occasion d'entretiens ou, en tous les cas, destinées à les accompagner, comme Guillaume Willem l'établit au sujet du Magazine littéraire, en montrant notamment combien ces clichés, s'ils contribuent à doter l'écrivain présenté d'un capital symbolique important eu égard à la place de ce magazine spécialisé dans le champ littéraire francophone, permettent en retour au périodique, en captant l'aura des écrivains ainsi mis en scène, de se présenter comme un magazine accueillant en ses pages des écrivains de premier plan, et par conséquent de se poser comme une publication de qualité. Enfin, il existe une autre forme de patrimonialisation, d'intronisation par le milieu littéraire lui-même, lorsque l'écrivain se voit chargé du volume qui lui est consacré, comme c'est le cas dans la collection «Traits et portraits» au Mercure de France sur laquelle Véronique Montémont se penche. Mettre sa vie en images: il s'agit là, en effet, d'une forme de consécration autobiographique à la faveur de laquelle l'écrivain reprend la main non seulement sur le discours qui lui est consacré, mais aussi sur les images qui l'accompagnent, au point d'intégrer ces images, longtemps tenues pour étrangères à son écriture, au sein de l'espace de l'œuvre.


*

Ce dernier texte nous permet de boucler la boucle: comme à l'époque du daguerréotype, il est fort difficile de faire le portrait d'un être vivant car celui-ci ne peut s'empêcher de bouger, se contredit, se vexe, voudrait faire autrement… Sans nous en apercevoir, nous venons de citer Diderot, qui jamais n'eut affaire à quelque mécanisme optique que ce soit, ce qui ne signifie pas qu'il fut indifférent à l'image de sa personne ni à sa diffusion, lui qui profondément se pensait tel l'un de ces acteurs qu'il affectionnait tant, au théâtre. Après tous ces travaux, il faut, pensons-nous, convenir qu'une question peut rester en suspens: d'un point de vue tant historique que philosophique, la médiatisation de l'image de l'écrivain est-elle pour lui une charge ou une chance? Faut-il au fond concevoir l'irruption de la photographie dans la sphère littéraire comme une nécessité par nature étrangère à l'activité propre à l'écrivain, comme une contrainte imposée par l'émergence d'une «société du spectacle» où se montrer soi-même serait devenu un impératif catégorique, à la fois aliénant et fondamentalement contraire à l'activité littéraire? Ou bien faut-il au fond dédiaboliser l'idée même de «spectacle» — et par conséquent de médiatisation — en pointant que l'activité littéraire tout entière, que le livre même sont profondément liés à des sociabilités ouvertes, des formes d'interprétation plurielles, des manières de vivre où le dialogisme prévaut sur ou contre la fermeture du sens et l'irreprésentabilité de sa source? Au nom de quel impératif, sinon théologique, faudrait-il imposer à celui qui se donne pour vocation de conférer «un sens plus pur aux mots de la tribu» de ne pas nous donner aussi son image? Diderot en tout cas ne l'eût probablement ni compris, ni approuvé, lui qui ne séparait pas la philosophie du sens du spectacle ni du goût pour la vie, et la vie en démocratie. Diderot s'amusait des difficultés de son ami Van Loo à le saisir dans l'instant, mais n'en jouissait pas moins du résultat: un fils de couteliers en roi de l'esprit! Il est très probablement une positivité du spectacle que ses critiques (à commencer par celle de Rousseau qui ne voulait pas d'un théâtre à Genève) nous auront fait oublier, car si l'écrivain est un personnage fondamental de notre théâtre social, c'est à proportion de ce qu'il sait s'y mettre en scène, avec ou sans complexes — lesdits complexes n'étant pas nécessairement moins photogéniques que les postures plus narcissiques. Sur ce théâtre-là il faut probablement, au bout du compte, considérer que la photographie — y compris numérique — est un accessoire ou une «corde de plus» à l'arc des écrivains, au profit de la littérature et de tous.



David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau
2017




[1] Thélot J., Les Inventions littéraires de la photographie, Paris, PUF, coll.«Perspectives littéraires», 2003. «D'un côté la littérature invente la photographie: elle en imagine les fictions vraies, elle l'érige en questions subjectives et lui attribue des valeurs; et, d'un autre côté, la photographie invente la littérature : elle la redétermine de part en part, l'oblige à une expérience inédite, la somme de se ressaisir à nouveaux frais devant elle» (p.3).

[2] Sur le «devenir» de la littérature, voir Groupe MDRN, «Pour une nouvelle approche de la dynamique littéraire (Pense-bête)», Fabula-LhT, n°11, «1966, annus mirabilis», décembre 2013.

[3] Bourdieu P., et al., Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, coll.«Le sens commun», 1965.

[4] Ortel Ph., La Littérature à l'ère de la photographie. Enquête sur une révolution invisible, Nîmes, Jacqueline Chambon, coll.«Rayon photo», 2002. Voir aussi Thélot J., Critique de la raison photographique, Paris, Les Belles Lettres, coll.«Encre marine», 2009, p.17.

[5] Ortel Ph., La Littérature à l'ère de la photographie, op. cit.; Edwards P., Soleil noir. Photographie et littérature des origines au surréalisme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008; Grojnowski D., Photographie et langage. Fictions, Illustrations, Informations, Visions, Théories, Paris, Corti, 2002, et Usages de la photographie. Vérité et Croyance : Documents, Reportages, Fictions, Paris, Corti, 2011, ou encore Brunet Fr., Photography and Literature, Londres, Reaktion Books, 2009.

[6] Littérature et Photographie, J.-P. Montier, L. Louvel, D. Méaux et Ph. Ortel (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008. D'autres collectifs sont à mentionner: Jardins d'hiver. Littérature et Photographie, M.-D. Garnier (dir.), Paris, Presses de la rue d'Ulm, coll.«Off-shore», 1997; La Photographie au pied de la lettre, J. Arrouye (dir.), Aix-en-Provence, Publications de l'Université de Provence, coll.«Hors champ», 2005, et L'Écriture au prisme de la photographie, P. Piret et N. Gillain (dir.), Textyles, n°43, 2013.

[7] Photolittérature, littératie visuelle et nouvelles textualités, P. Edwards, V. Lavoie et J.-P. Montier (dir.), Paris, NYU, 26 et 27 octobre 2012. Le groupe Phlit constitue aussi un répertoire de la photolittérature avec de nombreuses fiches disponibles en ligne.

[8] Voir les travaux issus de thèses récentes: Laurence Perrigault (Prévert et la photographie, 2006), Gyöngyi Pal (Le Dispositif photo-littéraire en France dans la seconde moitié du XXesiècle: analyse de l'oeuvre de François-Marie Banier, Jean-Loup Trassard, Lorand Gaspar et Denis Roche, 2010), Andrea Schincariol (Naturalisme et photographie, 2010), Nathalie Gillain (Paul Nougé et Henri Michaux au-delà de l'écriture automatique. Du constat de l'impropriété du langage verbal à l'invention de procédés d'écriture photographiques, 2011), Alexandra Koeniguer (Autour du roman-photo: de la littérature dans la photographie. Les objets de Marie-Françoise Plissart et Benoît Peeters, 2013), Laureline Meizel (Des applications de la photographie d'après nature à l'illustration du livre en France. 1867-1900), Servanne Monjour (La Littérature à l'ère photographique: de l'argentique au numérique, 2015), Anne Reverseau (Le Sens de la vue. Le Regard photographique dans la poésie moderne française, 2011, publiée en 2016), Hélène Giannechini (Alix Cléo Roubaud, écrivain et photographe, 2016), et Érika Wicky (Les Paradoxes du détail. Voir, savoir, représenter à l'ère de la photographie, 2011, publiée en 2015).

[9] Edwards P., Je hais les photographes, Paris, Anabet, 2006.

[10] Voir notamment la notion d'«autophotographie» (Nachtergael M., Les Mythologies individuelles. Récit de soi et photographie au XXesiècle, Amsterdam/New York, Rodopi, coll.«Faux titre», 2012, p.110).

[11] Voir notamment la notion de «dispositif photobiographique» (Montémont V., «Dites voir (sur l'ekphrasis)», Littérature et photographie, op. cit., p.457-472).

[12] Baetens J., Pour le roman-photo, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2010.

[13] Stiegler B., Métaphores photographiques, préface G. Didi-Huberman, Paris, Hermann, 2015.

[14] Revue de photolittérature, n°1, «Ut photographia poesis… La métaphore entre littérature et photographie», J.-P. Montier, A. Reverseau et É. Wicky (dir.). [En ligne], URL : http://www.fabula.org/actualites/appel-contribution-pour-le-1er-numero-de-la-revue-de-photolitteratureut-photographia-poesis-la_69115.php.

[15] Voir, respectivement, Edwards, Soleil noir, op. cit., Poivert M., L'Image au service de la révolution. Photographie, surréalisme, politique, Cherbourg, Le Point du jour, 2006, et Wrona A., Face au portrait. De Sainte-Beuve à Facebook, Paris, Hermann, coll.«Cultures numériques», 2012.

[16] Murat L., Passage de l'Odéon, Paris, Fayard, 2003, p.287.

[17] Portraits d'écrivains de 1850 à nos jours, A. Achille, D. Desveaux et P. Hoël (dir.), cat. expo. Maison de Victor Hugo, Paris (5 novembre 2010-20 février 2011), Paris, Paris Musées, 2010.

[18] Voir la distinction posée par Dominique Maingueneau entre «espace canonique», qui relève de l'œuvre de l'écrivain et «espace associé», qui désigne l'ensemble des écrits d'un auteur qui accompagnent son œuvre sans en faire partie (Maingueneau D., Le Discours littéraire. Paratopie et scène d'énonciation, Paris, Colin, coll.«U-Lettres», 2004, p.113-116).

[19] Portraits de l'écrivain contemporain, J.-Fr. Louette et R.-Y. Roche (dir.), Paris, Seyssel, Champ Vallon, 2003.

[20] Ferrari F. et Nancy J.-L., Iconographie de l'auteur, Paris, Galilée, coll.«Lignes fictives», 2005.

[21] Interférences littéraires, n° 2, «Iconographies de l'écrivain», N. Dewez et D. Martens (dir.), mai 2009.

[22] Image & Narrative, vol. 13, n°4, «Figurations iconographiques de l'écrivain», D. Martens et A. Reverseau (dir.), 2012.

[23] COnTEXTES, n°14, «Le portrait photographique d'écrivain», J.-P. Bertrand, P. Durand & M. Lavaud, 2014.

[24] Schaeffer J.-M., «Du portrait photographique», Portraits, singulier pluriel (1980-1990). Le photographe et son modèle, Paris, Hazan/Bibliothèque nationale de France, 1997, p.25.

[25] Voir Martens D. & Watthee-Delmotte M. (dir.),L'Écrivain, un objet culturel, Dijon, Presses universitaires de Dijon, coll. « Écritures », 2012.

[26] Jeanneret Y., Critique de la trivialité. Les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, Paris, Éditions Non Standard, coll. «SIC — Recherches en sciences de l'information et de la communication», 2014, p.15. Voir également, du même auteur, Penser la trivialité. La Vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Science Publications, 2008.

[27] Elles sont fréquentes dans le monde de la presse et des revues: la revue artistique généraliste de la fin des années 1920, Jazz, a déjà servi d'exemple sur ce point (Reverseau A., «Passages en revue: mise en présence des écrivains dans Jazz (1928-1930)», La Présence: discours et voix, image et représentation, I.Gadoin, A.-C. Guilbard et M. Briand (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll.«La Licorne», à paraître).

[28] Martens D. et Reverseau A., «La Littérature dévisagée. Figurations iconographiques de l'écrivain au XXesiècle», Image & Narrative, vol. 13, n° 4, op. cit., p.9.

[29] Reverseau A., «Circulation d'un portrait de Cendrars: presse et phénomène de pollinisation», Feuille de routes, n°51, Presses de l'Université de Paris-Ouest Nanterre La Défense, 2013, p.85-103.

[30] Voir le texte suivant, «La littérature n'est pas une culture “hors sol”. Que fait la photographie de l'écrivain?», qui développe ces deux notions en lien avec la question de la représentation photographique des écrivains.

[31] Voir Amossy R., La Présentation de soi. Ethos et identité verbale, Paris, PUF, 2010, ainsi que le numéro de la revue Argumentation et Analyse du Discours, «Ethos discursif et image d'auteur», n° 3, 2009.

[32] Meizoz J., Postures littéraires. Mises en scène modernes de l'auteur, Genève, Slatkine, 2007, La Fabrique des singularités. Postures littéraires II, Genève, Slatkine, 2011 et «Cendrars, Houellebecq: Portrait photographique et présentation de soi», COnTEXTES, J.-P. Bertrand, P. Durand & M. Lavaud, «Le portrait photographique d'écrivain», 2014.

[33] Ferrari et Nancy, Iconographie de l'auteur, op.cit., p. 23.

[34] Cette mobilisation de la photographie peut prendre la forme de «mythologies individuelles» dans le corpus étudié par Magali Nachtergael (Les Mythologies individuelles, op. cit.).

[35] Barthes R., «L'écrivain en vacances», Mythologies, Paris, Seuil, coll. «Points Essais», 1970, p.31-32.

[36] Ces collections, ainsi que plusieurs autres, font l'objet d'un programme de recherche du Fonds de la recherche scientifique Flandre (FWO — www.fwo.be) inscrit au sein du Pôle d'attraction interuniversitaire LMI. Literature and Media innovation (http://lmi.arts.kuleuven.be/) financé par Belspo (Politique scientifique fédérale belge) : La Fabrique du patrimoine littéraire. Les collections de monographies illustrées de poche (1944-2014), sous la direction de David Martens, en collaboration avec René Audet, Dominique Maingueneau et Jérôme Meizoz.

[37] Dantzig Ch., Encyclopédie capricieuse du tout et du rien, Paris, Grasset, 2009, p.423 «Liste de photos».

[38] Il s'agissait de planches contacts de Bernard Lipnitzki représentant Françoise Sagan à Saint-Tropez en 1958. Voir Portraits d'écrivains de 1850 à nos jours, op. cit., p.95.

[39] Mondzain M.-J., Le Commerce des regards, Paris, Seuil, 2003. Voir aussi la notion de «transaction photolittéraire» dans Montier J.-P, «De la photolittérature», Transactions photolittéraires, J.-P. Montier (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p.11-61.





David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau

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Dernière mise à jour de cette page le 14 Mars 2017 à 0h09.