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Virginia Woolf parmi les philosophes

Virginia Woolf parmi les philosophes

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Pedot Richard)

How does literature think? In particular, how does the writing of Virginia Woolf think? The field opened up by this question will be the the starting point for this international colloquium, which is dedicated to the points of articulation between Woolf’s thought, her oeuvre, and her writing.

 

Comment pense la littérature? Sur un régime singulier, comment pense l’écriture de Virginia Woolf, c’est le champ de cette question que voudrait ouvrir ce colloque international consacré aux modes d’articulation de la pensée, de l’oeuvre et de l’écriture chez Virginia Woolf.

 

Colloque international organisé par le groupe Tropismes (Paris Ouest Nanterre)

en collaboration avec : le Collège International de Philosophie, les universités de Keele, Glasgow, Toulouse Le Mirail, et la Société des Études Woolfiennes

 

 

Virginia Woolf avec les philosophes

Comment pense la littérature? Sur un régime singulier, comment pense l’écriture de Virginia Woolf, c’est le champ de cette question que voudrait ouvrir ce colloque international consacré aux modes d’articulation de la pensée, de l’oeuvre et de l’écriture chez Virginia Woolf.

L’enjeu est de renouveler la perspective critique sur son oeuvre, de se démarquer des études formelles, féministes, idéologiques ou historicisantes qui ont fait l’histoire de sa réception critique pour se mettre à l’écoute de la force de proposition de pensée intimement liée au cours de l’écriture. Il ne s’agira donc pas de « replier » la pensée sur l’écriture, de thématiser celle-ci, de subordonner l’une à l’autre, mais bien au contraire de s’intéresser à la façon dont une poétique se définit comme mode singulier de l’oeuvre de pensée.

Cette part de la pensée pourra être interrogée selon différentes déterminations spatio-temporelles, et sous l’éclairage de différentes perspectives parmi lesquelles les suivantes.

Comment l’univers de la pensée telle que la philosophie la déploie se donne à lire à cette lectrice insatiable qu’est Virginia Woolf? Quels philosophes lit-elle, par le biais de quel cheminement? Ou bien dans quel autre champ de l’écrit entend elle le cours singulier de la pensée résonner? Quelles conditions de l’écriture et de la lecture en tant que pensée définit-elle pour les formes littéraires dans ses propres lectures, dans ses essais?

On pourra également en examiner le lien aux mouvements culturels, aux domaines de pensée, aux bouleversements historiques et engagements politiques qui ont traversé la vie du Bloomsbury Group, dont Virginia Woolf se fait l’écho selon ses propres paradigmes qui viennent inquiéter les modes du pouvoir, les lieux du savoir, et redéfinir des formes du commun. La question sera alors : comment l’oeuvre de Virginia Woolf s’entretient avec les courants philosophiques de son époque? de nombreux travaux ont déjà été consacrés à cette dimension, qui se sont tournés vers les rapports entre les membres du Bloomsbury Group et les différents courants philosophiques liés à Oxford et Cambridge, ou bien aux relations entre certaines questions philosophiques et leurs échos dans l’oeuvre de Virginia Woolf, tel que le propose l’ouvrage de Ann Banfield dans The Phantom Table. On pourra s’interroger sur les articulations que propose cet héritage critique.

D’autre part, certains moments critiques se sont singularisés par une détermination de l’articulation entre la philosophie et l’oeuvre de Virginia Woolf : on peut mentionner la lecture « bergsonienne » de l’écriture du temps, la lecture « platonicienne » de l’oeuvre de Virginia Woolf proposée par Dominique Hénaff (Une Prose à l‘épreuve du réel, Editions Horlieu, 2003), les résonances avec la pensée de Sigmund Freud ou les propositions divergentes d’avec celle-ci, les croisements entre la phénoménologie (Husserl, Merleau-Ponty) et son approche de l’expérience, l’orientation kantienne proposée par les lectures de Christine Froula, l’influence des propositions de Judith Butler dans les lectures de la question de l’identité, les relations proposés entre Benjamin et l’oeuvre de Virginia Woolf dans de nombreux travaux sur ses essais, sur la ville, les échos entre le Gai savoir et l’enjeu d‘une puissance d‘affirmation dans son oeuvre. Le recul permettra une réévaluation critique de ces propositions.

L’interrogation pourra trouver encore un autre de ses lieux dans les dialogues que les philosophes ont entretenus avec l’oeuvre de Virginia Woolf. On pourra s’attarder sur ce qui a fait la rencontre entre Paul Ricoeur, Maurice Blanchot, Gilles Deleuze, Jacques Rancière et son oeuvre. Orientées pour Ricoeur et Blanchot par la configuration du temps, pour Deleuze par l’élaboration du concept de devenir, pour Rancière par l’invention d’un mode de subjectivation. Chez les deux derniers philosophes, le paradigme critique de la représentation comme mimesis se trouve radicalement questionné et laisse place soit à une logique de l’impersonnel des affects et des percepts chez Gilles Deleuze, soit à une poétique de la littérature comme partage du sensible chez Jacques Rancière. Mais on retournera également la question: comment l’écriture de Virginia Woolf interroge-t-elle la pensée de Paul Ricoeur, Maurice Blanchot, Gilles Deleuze ou de Jacques Rancière, comment son oeuvre lit-elle aujourd’hui ces philosophes?

C’est enfin et surtout le lien inextricable de la pensée et de l’écriture que l’on voudrait interroger. L’intrication de l’objet de pensée (le temps, la vie, l’histoire, l’art, la phrase, la différence sexuelle, les formes littéraires, la communauté, mais aussi la mort, la voix, le spectral, l’impersonnel, l’écriture..) et de son mode d’écriture sont des invitations à interroger la place de la mimésis des discours de la pensée dans son oeuvre (souvent objets de pastiche et de parodie), la résistance à certains modes de pensée auxquels l’écriture objecte et les modes de pensée propres à une poétique. Certains mots « life », « spirit », « soul » semblent mis en circulation, font jouer leur entrejeu de façon à faire de l’objet de la pensée, de la vie de l’esprit et du mode de penser une proposition éminemment singulière. Enfin les traits spécifiques de cette poétique, tant dans les essais que dans les romans, sont autant de façons de proposer une pensée de la littérature et de sa paradoxale condition de désoeuvrement. L’enjeu sera alors de montrer comment une poétique engendre ses propres objets et modes de pensée, fraye au sein d’un héritage culturel le cours de ce que Lyotard appelle une « passion de langue » alliée à une passion de pensée. On pourra interroger les enjeux éthique et politique de cette proposition de penser qui continue à faire de la modernité la condition d’une communauté à venir.