Questions de société
Valérie Pécresse ne peut plus dire que 

Valérie Pécresse ne peut plus dire que "les présidents d'Universités"la soutiennent

Publié le par Sophie Rabau (Source : Liberation.fr, rue89.com)

1) A lire sur le blog de Sylvestre Huet

2) article de Rue89.com

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http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/02/des-prsidents-d.html

Valérie Pécresse ne peut plus dire que "les présidents d'Universités"la soutiennent.

A l'instant, je reçois l'information suivante : des présidents d'Universités organisent lundi, dans le prestigieux amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, à 14h30, une réunion de contestation de ses réformes et de propositions alternatives. Ils expriment clairement une opposition à des réformes qui "poussent légitimement toute la communauté universitaire à manifester aujourd'hui sa désapprobation quant à la manière dont elles sont conduites et quant aux objectifs qu'elles poursuivent."

La réunion se tiendra dans un lieu très symbolique de la tradition universitaire, mais aussi de la contestation en cours puisque c'est là que s'est réunie la Coordination nationale des Universités (Photo ci dessus) qui a lancé l'appel à la grève qui s'étend jour après jour.

Cette initiative a été lancée par trois présidents de grandes universités de Lettres et Sciences Humaines Pascal BINCZAK (Paris-8), Bernadette MADEUF (Paris-10 Nanterre) Georges MOLINIE (Paris 4 Sorbonne). Ils ont proposé à d'autres Présidents d'Universités de les rejoindre, et annoncent de premières réponses positives de Josette TRAVERT (Caen), Claude CONDE (Besançon), et en attendent d'autres de Montpellier ou Grenoble.

Le texte d'appel à cette réunion est sans équivoque, le voici ci-dessous :

Les réformes actuelles risquant d'affecter gravement le service public d'enseignement supérieur et de recherche ainsi que les conditions de travail de ceux qui l'animent, les universitaires doivent aujourd'hui se saisir des questions qui regardent l'avenir de l'institution universitaire. Cette conférence sera l'occasion de débattre et s'exprimer sur l'ensemble de ces réformes (gouvernance, réforme du décret de 1984, masterisation, répartition des moyens, démantèlement des grands organismes, suppressions de postes, etc.) qui poussent légitimement toute la communauté universitaire à manifester aujourd'hui sa désapprobation quant à la manière dont elles sont conduites et quant aux objectifs qu'elles poursuivent. Ce sera également l'occasion d'engager une réflexion collective sur un projet alternatif pour l'université de demain.

En parallèle, madame Bernadette Madeuf, Présidente de Paris-10 Nanterre, a rendu publique une lettre ouverte à la ministre. La voici :

La Présidente, Nanterre, le 4 février 2009 
A Madame Valérie PECRESSE Ministre de l'enseignement supérieur et de la Recherche

Madame la Ministre,

Au fil des jours, dans notre université Paris Ouest Nanterre La Défense, le nombre des assemblées générales, par U.F.R., par départements se multiplie ; les motions s'accumulent. Et chaque fois grandit le nombre d'enseignants-chercheurs exprimant leur opposition au projet de décret réformant leur statut d'universitaire. Les raisons de leur désaccord sont certes diverses mais devant un sujet aussi complexe comment s'en étonner ? Ce qui rassemble les collègues dans le refus, c'est cette volonté qu'ils perçoivent de régenter sans prendre le temps d'écouter pour comprendre. Un de mes éminents prédécesseurs à la présidence de notre université, René Rémond, a enseigné à des générations d'étudiants sa définition de l'extrémisme : « penser qu'il y a des solutions simples aux problèmes compliqués ».

Madame la Ministre, je vous en prie, écoutez la rumeur qui enfle chaque jour en provenance des horizons de pensée les plus divers.

A Paris Ouest, cette semaine est consacrée aux examens de fin de premier semestre. Lundi prochain c'est la rentrée ; je ne peux me résoudre à l'idée que les étudiants deviennent dès la semaine prochaine, les otages d'un entêtement de l'employeur de leurs enseignants. Vous le savez, d'autres acteurs de l'Université que les enseignants-chercheurs sont préoccupés de leur avenir ; notamment les personnels administratifs et techniques et surtout les étudiants avec la montée du chômage qui assombrit leurs perspectives professionnelles. Madame la Ministre, je vous en prie, écoutez, maintenant !

Je vous prie de recevoir, Madame la Ministre, l'expression de mes salutations respectueuses.

Bernadette MADEUF

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2) article de rue 89.com : accéder au texte sur le site

Jeudi soir, durant son intervention télé, Nicolas Sarkozya affirmé que les présidents d'université étaient "d'accord" avec laréforme qui avait encore mis 40 000 personnes dans la rue, lejour-même. C'est un peu vite dit.

Sur les listes d'enseignants-chercheurs circulent plusieurscourriers ou discours de présidents d'université singulièrement pluscritiques que ne le laisse entendre le chef de l'Etat. Ainsi cettelettre de Bernadette Mabeuf, de l'université de Nanterre, qui le 4février exhortait Valérie Pécresse:

"Madame la ministre, je vous en prie, écoutez la rumeurqui enfle chaque jour en provenance des horizons de pensée les plusdivers."

Ou encore, le 5 février, ce communiqué de Marie-Christine Lemardeley, présidente de l'université Sorbonne Nouvelle (Paris-III), qui peut difficilement être plus claire:

"J'ai eu l'occasion de dire plusieurs fois, notamment le26 janvier, que je suis solidaire des inquiétudes et des protestationslégitimes qui s'expriment au sein de notre université."

Cette dernière précisait même un peu plus loin qu'elle s'engageait àce que les listes d'absences exigées par le rectorat les jours de grèveseraient bien anonymes.

La Conférence des présidents d'universités tiraillée

Même si tous les présidents d'université ne sont pas aussiexplicitement engagés auprès de leurs troupes, il n'empêche que l'onest loin du front uni derrière Valérie Pécresse que décrivait NicolasSarkozy jeudi soir.

Ce grand écart des présidents d'université est particulièrement visible sur le site de la CPU (la Conférence des présidents d'universités),qui a récemment accéléré le rythme de ses communiqués, appelant depuisdébut janvier à davantage de dialogue. "Alors qu'on nous accueillaitencore comme des attardés archaïques et butés en novembre", témoigneJean-Louis Fournel, porte-parole de Sauvons l'université qui était allé critiquer la masteurisation de la formation des enseignants à l'automne.

Entre temps, il y a l'élection du nouveau bureau de la CPU, quiregroupe 82 universités, 3 universités technologiques, et -entreautres- Polytechnique, Normale-Sup, l'Insa, le Cnam ou l'Inalco. Maisil y a surtout le réveil des enseignants-chercheurs qui ont militéauprès de cette association loi 1901, qui existe depuis trente-septans. La Conférence des présidents d'universités est tiraillée entredeux raisons d'être.

La vocation de la CPU est d'être "un lieu d'échange, de réflexion etd'accompagnement des grands changements que vivent les universitésfrançaises". Mais, depuis la loi LRU de 2007, elle est aussi un interlocuteur privilégié du gouvernement.

Sur le papier, la loi LRU visait pourtant à donner davantaged'autonomie aux facs et en particulier à leurs présidents. Mais, pourfaire passer sa réforme aussi vite qu'elle l'entendait, ValériePécresse a accéléré la cadence en s'appuyant davantage sur lesprésidents d'université.

Pour Jean-Louis Fournel, de Sauvons l'université,"la ministre a trouvé un ersatz de consultation. Comme si la CPU étaitreprésentative de la communauté alors qu'elle a justement été un deslieux d'élaboration de la réforme."

Non contente de négocier précisément avec ceux qui profiteraient auplus des nouveautés introduites par sa loi, Valérie Pécresse a mêmefait mieux: le 20 octobre, elle annoncé qu'elle majorait le traitementdes présidents d'université et même la durée de leur mandat.

Ces deux réformes sont passées plutôt inaperçues. En quoi consistent-elles?

  • Augmenter leur prime

Cette prime passe en effet d'environ 12 000 euros actuellement à"entre 22 000 et 40 000 euros", selon la taille de l'université. Ellevient s'ajouter au traitement ordinaire perçu par le président. Si leprésident est par ailleurs maître de conférences, il cumule prime etsalaire d'un maître de conférences. S'il est professeur desuniversités, idem. Sachant que sur l'année 2007-2008, par exemple, le président de Lille-III touchait 18 180,35 euros.

Permettre aux présidents de briguer plusieurs mandats consécutifs

Avant la loi sur les autonomies, un président restait cinq ans, maisne pouvait enchainer deux mandants. Il pourra désormais se faire élireplusieurs fois de suite, avec des mandats de quatre ans. Une évolutionqui fait craindre à un de nos internautes "un climat de campagnepermanente avec rémunérations en primes et promotions des soutiens etsanctions des récalcitrants".

Clientélisme? C'est ce que dénoncent pas mal d'enseignants dans lesfacs, même si certains reconnaissent que la prime précédente étaitinsuffisante. C'est aussi ce que tente d'infirmer la CPU, qui a finipar se fendre d'une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy le 5 janvier dernier, afin de hausser le ton et de dire le malaise grandissant et les mécontentements accumulés.

L'argent, "une stricte initiative du ministère" et "un argument mesquin"

Sollicité, Lionel Collet, président de Lyon 1 et président de laCPU, n'a pas voulu préciser à combien s'élevait sa prime actuelle,avant majoration par Valérie Pécresse. Mais il s'est dit très remontécontre "cet argument mesquin" qui laisserait entendre que lesprésidents d'université se laisseraient acheter par le ministère:

"Ni nous ni le bureau précédent n'avons jamais demandéla moindre modification! C'est une stricte initiative du ministèrealors c'est un peu fort de nous le reprocher! Et, alors qu'on risqued'avoir 1,5 millions dans la rue et tous les chercheurs, je refusecatégoriquement d'être le président qui discutera de la prime desprésidents avec le ministère. Ce sera mon successeur qui le fera dansdeux ans, s'il le souhaite, mais moi j'ai d'autres priorités.
Quantau mandat, j'étais personnellement contre le passage à quatre ansrenouvelables. C'est dire que nous ne sommes pas la courroie detransmission du gouvernement!"

Du côté de "Sauvons l'université", on reconnait que l'arrivée deLionel Collet à la tête de la CPU au moment où grossit le mouvement surles campus et dans les laboratoires pourrait amorcer un changement deton:

"L'université sait secréter des anticorps. La CPU acompris qu'elle devait évoluer sous l'effet d'un mouvement qui venaitde la base. Alors que Pécresse, qui connait très mal l'université,sous-évalue les résistances du fait collégial et du fait collectif dansl'université. Les présidents doivent l'intégrer."

Pas sûr, décidément, que Nicolas Sarkozy puisse dire dans saprochaine intervention que "tous les présidents d'université sontd'accord".