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Traductions savantes vers le latin, XVIe-XVIIIe. Prose et théâtre grec

Traductions savantes vers le latin, XVIe-XVIIIe. Prose et théâtre grec

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Malika Bastin-Hammou)

Pourquoi traduire des textes classiques depuis le grec ou l'hébreu vers le latin, ou des textes vernaculaires vers le latin, au milieu du XVIe siècle et encore au XVIIe ou au XVIIIe siècles, à des périodes où le vernaculaire s'outille linguistiquement, revendique son autonomie puis triomphe largement en Europe ? Ou pourquoi continuer d'imprimer et d'utiliser de telles traductions ?

Ce sont pour l'essentiel ces deux questions qui ont motivé le projet de ce colloque. En effet, la traduction du grec vers le latin est un phénomène bien étudié pour le Moyen Age, et pour le XVe siècle : l'apprentissage du grec et sa pratique forcément conjoints avec le latin, l'absence de vernaculaires considérés comme performants, la hiérarchie intellectuelle des langues de savoir rend clairs les motifs de ce type de traduction.

Mais dans le courant du XVIe siècle, et encore au-delà, quand les vernaculaires s'affirment comme langues littéraires dans les milieux lettrés non universitaires, quand la pratique du grec se répand dans les milieux érudits, on peut s'étonner de la persistance de ce type de traductions, ou de leur utilisation. Par exemple, la traduction progressive des oeuvres de Platon en français par Loys Le Roy à partir des années 1550 ne tue pas l'impression, sur les presses d'imprimeurs français, de la traduction latine de Marsile Ficin ; ces traductions latines seront encore longtemps utilisées, et on en trouve encore répertoriées dans les catalogues de bibliothèques savantes comme celle de Montesquieu au XVIIIe siècle.

On peut se demander de même pourquoi certains textes vernaculaires sont traduits en latin, à un moment où l'apprentissage des langues vivantes se répand : pour faire connaître à un public germanophone le texte de Guichardin par exemple, pourquoi Sleidan choisit-il le latin ?

Ce colloque voudrait examiner ces traductions non seulement dans leurs qualités littéraires ou leur facture textuelle, mais encore dans leurs implications d'histoire intellectuelle et culturelle. Diverses questions se posent :

  • pour les traductions réalisées dans le courant du XVIe siècle, qui traduit, et quoi ? Quelles sont les motivations des traducteurs, pédagogiques ou érudites, quel est le public visé ? En quoi ou comment pèsent-elles sur la réception d'un texte ?
  • Pour l'ensemble de ces textes, les questions autour de la pédagogie notamment sont nombreuses : les motivations de ces traductions sont-elles claires, explicites, commentées dans des paratextes ? Ces traductions sont-elles de facture totalement différente, ou peu différente, selon qu'elles se veulent pédagogiques ou pas ? En existe-t-il d'ailleurs réellement qui ne le soient pas ? Quelle est, dans leur ensemble, l'utilisation de ces textes, leur évaluation par les lecteurs ? Ont-ils eu un impact sur l'apprentissage du grec notamment, c'est à dire l'ont-ils favorisé (en donnant le goût des textes et en facilitant l'apprentissage linguistique par le parallèle des langues), ou freiné (en conservant la pratique du latin) ?
  • En histoire du livre, quelle place et quel sens ont ces traductions dans le catalogue des imprimeurs qui les reprennent ? Le type de traduction, pédagogique, scolaire, ou érudite, est-il un facteur de sa survie sur le long terme ?

Le colloque se déroulera en deux temps, l'un consacré à la prose historique, philosophique et religieuse, coordonné par M. Furno (CERPHI, ENS Lyon), l'autre au théâtre, coordonné par M. Bastin-Hammou, (RARE, Université de Grenoble-Alpes). Cette répartition permettra de distinguer s'il y a ou non des spécificités liées au texte support. Le colloque est également co-organisé par Raphaële Mouren, avec le soutien de l'ENSSIB, Centre Gabriel Naudé, pour les aspects touchant à  l'histoire du livre.

Bibliographie indicative pour la période humaniste :

Botley Paul, Latin translation in the Renaissance : the theory and practice of Leonardo Bruni, Giannozzo Manetti and Desiderius Erasmus, Cambridge, Cambridge university Press, 2004.

Repertorio delle traduzioni umanistiche a stampa, secoli XV – XVI, a cura di Mariarosa Cortesi e Silvia Fiaschi, Firenze, SISMEL, 2008.

Tradurre dal greco in età umanistica, a cura di Maria Rosa Cortesi, Firenze, SISMEL, 2007.

Pour une histoire comparée des traductions : Traductions des classiques, traductions du latin, Traductions des langues romanes du Moyen Âge et de la première modernité, Études réunies par Dominique de Courcelles et Vincent Martines Peres, Paris, Champion, 2012.