TEXTE & CONTRE-TEXTE (XIVe-XVIe siècles)
Ve Colloque international de l'AIEMF (Association internationale pour l'Etude du Moyen Français)
Université de Bordeaux (CLARE), 2-5 mai 2012
« La plus grande aventure lyrico-érotique du Moyen Age et peut-être de tous les
temps, celle des troubadours, commence par un contre-texte. Le premier des poètes
occitans connus, le démiurge du trobar, Guilhem de Peitieus, ce trovatore bifronte
comme les critiques italiens l'ont nommé, ne crée-t-il pas à la fois le texte, celui de
l'amour épuré, avec ce type, qui devait faire fortune, de l'amant-poète éploré
frissonnant aux pieds de sa dame, et le contre-texte, gaillard et truculent, subversif
et iconoclaste, où le grand seigneur belliqueux, dans des textes dont l'ambiguïté
désespère les philologues, met plaisamment sur le même pied ses prouesses
nocturnes et celles du champ de bataille ? » (Pierre Bec, Burlesque et obscénité
chez les troubadours. Le contre-texte au Moyen Âge, Stock/Moyen Âge, 1984, p. 7)
La lecture moderne et contemporaine des textes du Moyen Âge invite à la définition
de normes : normes historiques, normes linguistiques, normes philologiques, normes
littéraires. Pourtant, de Guillaume de Poitiers jusqu'aux « poétiques en transition » du
tournant des XVe et XVIe siècles, les textes n'ont cessé de dire le contrordre à la norme. Cette
question de la norme, propre au Moyen Âge, et plus particulièrement au moyen français,
demande à être revisitée : l'imaginaire d'un Moyen Âge strictement normé, extrêmement
codifié, se voit trop souvent opposé à celui d'un Moyen Âge sans normes sociales et sans
principes poétiques.
Transgressif ou subversif, satirique ou référentiel, thématique ou structurel, le contretexte
invite à penser le modèle et son contre-modèle dans un questionnement sur le
« contre ». Celui-ci peut être entendu, pour les XIVe-XVe siècles, de plusieurs manières :
- comme une opposition qui invite à la transgression ou à la subversion (portrait de
beauté et portrait de laideur de Maroie dans le Jeu de la Feuillée d'Adam de la Halle)
- comme une référence qui demande à être entérinée ou dépassée (courtoisie, anticourtoisie,
discourtoisie) par la récriture, la parodie, etc.
- comme un modèle sur lequel pourra s'appuyer le texte en devenir (débat autour du
Roman de la Rose), posant la question de l'auctoritas, mais aussi celle de l'habitude et de la
prescription.
Ouvrant à la question de l'intertextualité, du remploi et de la référence, cette
problématique fait suite à l'interrogation sur l'original et sur l'originalité (IVe colloque de
l'AIEMF, Louvain-la-Neuve, 20-22 mai 2010). Le thème de ce Ve colloque de l'AIEMF
entend ainsi rendre hommage aux travaux de Rose M. Bidler en prolongeant l'interrogation
sur les formes autour de la question de l'inversion, et inviter dans l'ouverture
pluridisciplinaire bordelaise impulsée par Danielle Bohler, à échanger nos regards croisés sur
les textes en moyen français.
Car le contre-texte, dans son jeu spéculaire avec le texte, se manifeste tant sur le plan
historique que littéraire et linguistique. Il invite ainsi à plusieurs questionnements :
1/ Le « double linguistique »
- répliques, jeux textuels, contrafactures, etc.,
- subversion et parodie
- intertextualité et interdiscursivité
2/ La problématique du renversement
- thématique de la tromperie, de la ruse et de l'inversion
- genres littéraires dont la problématique du renversement devient parfois la marque
(l'obscénité du fabliau, par exemple ; le jeu sur la représentation dans le théâtre)
3/ La norme et son contrordre
- texte et contre-texte, auctoritas et texte
- le manuscrit et ses marges (indices textuels, paratextuels et matériels) ; les ensembles
narratifs (hybridité possible des mises en recueil)
Ainsi, le texte en moyen français peut-il proposer au sein même de son espace textuel
ou intertextuel la norme et son contraire, invitant à questionner les représentations esthétiques,
les valeurs, les genres littéraires et mettant en tension la question de la norme et ses pratiques
déviantes ou contestataires.
Dates : Les propositions de communication, accompagnées d'un argumentaire de 10 lignes
maximum, sont à adresser avant le 20 novembre 2011 à
Nelly Labère
Université Michel de Montaigne Bordeaux 3
UFR Humanités
Domaine Universitaire
F33607 Pessac cedex
Nelly.Labere@u-bordeaux3.fr
Domaines de recherche : champs de l'histoire, de la littérature, de l'esthétique, du théâtre, de
la linguistique, de la sociocritique, de la génétique textuelle et de la théorie de la réception
Mots clés : moyen français, textualité, subversion des formes, récriture, réception textuelle et
iconographique, originalité, création, composition, multiplicité, brouillage esthétique et moral,
construction de la norme, altérité, poétique du contournement, manuscrit et imprimé