Essai
Nouvelle parution
S. Bréan, La Science-fiction en France. Théorie et histoire d'une littérature

S. Bréan, La Science-fiction en France. Théorie et histoire d'une littérature

Publié le par Marc Escola (Source : pups)

Référence bibliographique : Simon Bréan, préface de Gérard Klein, La Science-fiction en France. Théorie et histoire d'une littérature, PUPS, collection "Lettres françaises", 2012. EAN13 : 9782840508502.


« La science-fiction vaincra ! », lance Raymond Queneau à des lecteurs français incrédules, en 1953. Soixante ans plus tard, la science-fiction s’est bel et bien répandue partout. Ses images sont connues de tous. 
Il a pourtant fallu des générations d’écrivains avant que cette littérature n’obtienne une reconnaissance de fait.

Ce livre retrace l’histoire de la lutte pour l’affirmation du genre en France et pour la légitimité d’une science-fiction française, unissant l’imagination scientifique à la Jules Verne aux inventions des maîtres américains. À travers une histoire éditoriale complexe et de longue haleine, il propose une initiation originale aux thèmes de la science-fiction, qui vivent, mûrissent et évoluent avec le temps, pour former un riche patrimoine littéraire. Sous la plume des écrivains français, Gérard Klein, Stefan Wul, Philippe Curval, Pierre Pelot, et bien d’autres, le lecteur verra naître des mondes possibles et extraordinaires, dont l’étude pourrait apporter un sang neuf aux théories contemporaines de la fiction.

 

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Sur liberation.fr, en date du 18 janvier 2013, on pouvait lire ce billet de FRÉDÉRIQUE ROUSSEL

"Retour sur le passé de l’anticipation

 

Critique Une étude très documentée retrace l’histoire de la SF française, à partir de l’affirmation du genre, en 1950.

«La science-fiction vaincra !» clamait Raymond Queneau en 1953. Soixante ans plus tard, son imaginaire s’est diffusé dans la société française, grâce à sa production littéraire et au succès populaire de sa transposition au cinéma. Reconnaissance supplémentaire, elle est l’objet croissant d’études, comme le montrent deux publications de thèses universitaires. C’est aussi le thème d’une nouvelle revue érudite : Ce que signifie étudier la science-fiction aujourd’hui (1). Autant d’entreprises pour dégager des lignes de force d’un corpus pour lequel le recul est désormais suffisant.

«Il se trouve que nous avons là, sur environ deux siècles, une littérature dont nous pouvons observer l’évolution, les développements et les ramifications, ce qui est rarement le cas», écrit Gérard Klein, éditeur et acteur de cette histoire dans la préface au livre de Simon Bréan. Ce chercheur de l’équipe Littérature française XIXe-XXIe siècles de l’université Paris-Sorbonne a choisi pour cadre temporel 1950-1980, du point symbolique de l’inscription de la SF dans le paysage culturel français à une date distanciée de son objet, moment où lui-même, enfant, a commencé à lire ces romans. Dans cette histoire éditoriale, il passe en revue thèmes, collections spécialisées… sur la base de plus d’un millier de titres, montrant la qualité intrinsèquement labile d’une littérature qui se situe dans un rapport spéculatif entre le monde fictionnel et le monde réel.

Le parallèle avec l’épanouissement du genre outre-Atlantique va en général de soi. La SF française prend-elle ses racines chez Jules Verne ou s’est-elle éclose sur la vague des pulps américains ? «Selon moi, avance Simon Bréan, la tradition de Verne et de Wells, tout en appartenant à la littérature spéculative comme la SF, constitue un ensemble littéraire différent, dont le développement n’avait aucune raison de converger vers une forme proche de ce que la SF française, sous l’influence du modèle américain, est ensuite devenue.»

La période élue par Natacha Vas-Deyres, professeure à l’université Michel de Montaigne-Bordeaux, a plus d’amplitude, un siècle de production littéraire de 1894 à 2004. Son ouvrage (2) dresse une histoire des représentations, de Flammarion à Jean-Christophe Rufin (Globalia), de Verne à Bordage, Lehman et Brussolo. Ces Français qui ont écrit demain réfléchit aux mentalités qui pouvaient infuser la création littéraire. Il repère trois temps utopiques calqués sur le système du sociologue Henri Desroche : l’alternance, l’altercation et l’alternative. Dans la première période, jusqu’en 1910, la création prend en compte le progrès social et politique ; dans la deuxième, jusqu’aux années 70, elle exprime les angoisses liées au rapide développement technologique ; enfin, la dernière, après Mai 68, se présente comme une phase de renouvellement.

La SF, considérée trop souvent comme une paralittérature, trouve dans ces deux ouvrages une base théorique solide. Et l’occasion de poursuivre sa route en explorant de nouvelles voies.

(1) Le numéro 1 de la revue en ligne ReS Futurae (Revue d’études sur la science-fiction) vient de sortir sur resf.hypotheses.org (2) «Ces Français qui ont écrit demain», deNatacha Vas-Deyres, Honoré Champion, 533 pp., 110 €."