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L’histoire littéraire française et les approches externalistes de la littérature (Séminaire littéraire des Armes de la critique, ENS Paris)

L’histoire littéraire française et les approches externalistes de la littérature (Séminaire littéraire des Armes de la critique, ENS Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Jordi Brahamcha-Marin)

Séminaire littéraire des Armes de la critique, 6e année, séance 4 :

L’histoire littéraire française et les approches externalistes de la littérature

La séance aura lieu le 25 janvier 2019 de 9h à 12h, à l’ENS, salle Séminaire du pavillon Pasteur, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris). Comme d’habitude, elle est ouverte à tou-te-s.

L’appel à communication, désormais clos, est consultable ici.

 

Remarques sur quelques éditions lansoniennes de Victor Hugo dans l’entre-deux-guerres

Jordi Brahamcha-Marin (université Rennes 2)

La « deuxième série » de la collection des « Grands écrivains de la France », chez Hachette, consacrée aux XVIIIe et XIXe siècles, est lancée en 1915 par Gustave Lanson. Y paraissent des éditions critiques d’œuvres de grands auteurs (Rousseau, Lamartine, Hugo, et Mme de Staël beaucoup plus tard), procurées par Lanson lui-même ou par certains de ses disciples, qui sont aussi des universitaires importants : Daniel Mornet, Paul Berret, Joseph Vianey. Hugo a les honneurs de la collection, avec trois recueils édités : La Légende des siècles (1920-1927) et Les Châtiments (1930-1932) par Berret, Les Contemplations (1922) par Vianey. Ces entreprises monumentales, qui déploient une érudition impressionnante dans un paratexte très fourni, peuvent s’interpréter comme des défenses et illustrations de la méthode de l’histoire littéraire théorisée par Lanson.

La volonté de contextualiser les faits littéraires ouvre théoriquement la voie à des approches historiques, sociologiques, voire matérialistes – en tout cas, externalistes. L’attention portée au travail de l’écrivain permet de battre en brèche certaines idéologies critiques concurrentes, comme celles qui sacralisent le génie créateur. Mais force est de constater qu’en dépit de leur beau programme, les lansoniens aboutissent parfois à des résultats décevants et se fondent sur des postulats parfois naïfs : la rigueur positiviste de l’historien, chez Vianey, se marie ainsi fort bien avec son apparent contraire, le psychologisme sommaire ; Berret, quant à lui, a tendance à lire les poèmes comme des textes à clés, fondés sur des systèmes d’équivalence rigoureux entre la fable et la biographie de l’auteur, et refuse de ce fait toute autonomie à l’élaboration fictionnelle. On essaiera de montrer que ces problèmes tiennent en partie à la difficulté épistémologique qu’il y a à vouloir cerner les « causes », les « déterminations » des faits littéraires à l’échelle de micro-phénomènes (l’écriture de tel poème voir de tel vers) dont les circonstances précises ne peuvent que nous échapper.

Pour ce faire, nous nous appuierons à la fois sur les trois ouvrages hugoliens de la collection des « Grands Écrivains de la France » et sur les polémiques vigoureuses auxquelles ils ont parfois donné lieu lors de leur parution : les interventions de critiques importants, comme René Benjamin, Paul Souday ou Albert Thibaudet, éclairent la démarche des lansoniens en permettant de la situer relativement à d’autres positions du champ critique.

 

Les enjeux des approches externalistes dans les études littéraires : l’histoire littéraire à l’épreuve du Premier Empire

Karim Fakoro Sountoura (université des lettres et sciences humaines de Bamako)

       L’histoire littéraire depuis ses origines lansoniennes demeure l’une des approches privilégiées dans l’épistémologie de la littérature malgré un flottement théorique qui n’a guère abouti à une réelle remise en cause de cette discipline. Même si nous assistons à une floraison de méthodologies critiques pour cerner et appréhender le texte littéraire, l’histoire littéraire reste, à notre sens, l’outil analytique le mieux indiqué pour contextualiser et fixer socialement une œuvre littéraire afin d’accéder à sa quintessence et à ses implications idéologiques.
      Ce constat nous parait d’autant plus pertinent que nous en avons fait l’expérience lors de nos travaux de thèse sur la vie littéraire en France sous le premier Empire. L’on conviendra aisément qu’étudier cette littérature en faisant abstraction du contexte politique et historique reviendrait à ôter toute signification et toute justification aux phénomènes et tendances littéraires qui se font jour sous ce régime politique ancré dans l’histoire comme l’un des plus sévères contre la liberté de publier. Comment connaître les causes de l’affaiblissement littéraire et journalistique de cette décennie en excluant toute démarche historique sur l’époque napoléonienne ? Comment comprendre l’exil de Madame de Staël et de Chateaubriand sans analyser leurs rapports avec le pouvoir politique ?
         De telles questions, aussi cruciales qu’elles eussent été pour nos travaux, n’auraient eu aucune réponse sans l’apport décisif de l’histoire pour éclairer les contextes de production et de réception en guidant nos recherches vers une appréhension globale des textes littéraires. C’était une évidence : l’entre-soi intertextuel empêche l’interpénétration féconde et complémentaire de la littérature avec d’autres disciplines. Pour notre part, lors de nos recherches, on a pu remarquer que les approches externalistes enrichissent les études littéraires et multiplient les perspectives analytiques des œuvres, ce qui nous a conduit à nous intéresser à des domaines comme la presse, l’économie politique, la zoologie, etc., que l’on a suivis au fil de notre démarche historique.
        Durant ce séminaire, nous serions heureux de pouvoir détailler les résultats que l’on a obtenus lors de nos travaux de thèse soutenus devant un jury composé de Marie-Eve Thérenty et d’Alain Vaillant.