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Science, musique et religion

Science, musique et religion

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Traverses19-21/E.CRI.RE)

Séminaire de l'équipe TRAVERSES 19-21 (2007-2008)
Coordonné par L. Dumasy

Dans le cadre de son programme de recherches : Sciences, techniques, pouvoirs, fictions : discours et représentations, XIXe-XXe siècles, l'équipe Traverses 19-21 (Grenoble 3) organise un séminaire de recherche, ouvert à toute personne intéressée, sur : Positivisme, scientisme, darwinisme dans la littérature et les sciences sociales depuis la seconde moitié du XIXe siècle : triomphe et contestations

La conférence de Peter Dayan
Professeur, Université d'Edimbourg (Royaume-Uni)
« Science, musique et religion »
aura lieu mercredi 13 février 2008 de 17h30 à 19h00
à la Maison des Langues et des Cultures, salle des Conseils, au 2e étage, salle 218
(Campus universitaire de Grenoble - 1141, avenue centrale - Saint Martin d'Hères)

Déjà au XVIIIe siècle, Rameau, pionnier de l'étude scientifique des effets musicaux, distinguait nettement entre ce que l'on pouvait (et devait) analyser mathématiquement en musique, et ce qui, ne relevant que du “goût”, échapperait toujours à une telle analyse. Au siècle suivant, le physicien allemand Helmholtz, père de la science acoustique moderne, tout en fournissant la description scientifique définitive des fonctions harmoniques en musique, arriva au même constat. Dans sa Théorie physiologique de la musique, dont la traduction française, parue en 1868, donna à penser à maint poète de l'époque (et notamment Lautréamont, qui la cite presque sans la déformer, fait rare), il pose une borne au-delà de laquelle la science ne doit pas s'aventurer. Ce qui relève du style en musique ne connaît point, nous dit Helmholtz, de lois invariables. Or, la pensée scientifique recherche toujours des lois invariables (comme le confirme Comte, dans sa définition même du positivisme). Il s'ensuit que l'analyse du style en musique, partant du but de telle école musicale, n'est “pas une question qui rentre dans les attributions de la science”.
Cette restriction du domaine accessible à la pensée scientifique devint un article de foi pour bien des poètes français. On tira toutes les conséquences du constat de Helmholtz. Pour Mallarmé comme pour Lautréamont, ce qui échappe à la science, c'est ce qui fournit l'essence même, non seulement de la musique, mais encore de la littérature, voire de l'art en général. (On sait qu'à cette époque, la poésie tendait à s'identifier par analogie avec la musique ; l'une des raisons profondes de cette tendance, c'est justement que dans le domaine de la musique, les théoriciens avaient su prouver que l'analyse scientifique était utile, nécessaire même, mais seulement jusqu'à un certain point, au-delà duquel il fallait supposer l'existence d'autre chose ; or, c'est ainsi que les poètes voulaient envisager le discours critique sur leur propre art.) Un peu plus tard, les compositeurs emboîtèrent le pas. Et c'est ainsi que l'on retrouve dans les écrits de Debussy ou de Satie, non seulement une contestation de l'esprit scientifique, mais une fière affirmation que le propre de leur musique, ce qui la caractérise en premier et en dernier lieu, c'est très précisément ce en quoi elle échappe au discours scientifique. Comme Mallarmé et Lautréamont, Satie tient en même temps à se démarquer du spiritualisme de son époque, et plus largement de toute religion organisée. L'art, pour eux, n'est pas sujet au régime de la Vérité, telle que l'ont conçue les scientifiques, les philosophes, mais aussi la pensée religieuse de leur époque.
Je proposerais d'étudier, dans le cadre de votre Séminaire, les écrits en premier lieu de Satie (puisqu'il est à la fois écrivain et compositeur de musique, et qu'il fut l'ami de Debussy, mais aussi des Dadaïstes et de Stravinsky) ; on pourra y ajouter ceux de poètes allant de Lautréamont à Apollinaire, puis éventuellement de Debussy et de Stravinsky, selon le temps dont on dispose ; pour chercher des réponses à la question suivante :
Pourquoi et comment tels poètes, tels musiciens, cherchent-ils, après Helmholtz, à soustraire leur art au régime de la Vérité scientifique et positiviste (et aussi religieuse) ?

* * * *

Peter Dayan a fait ses études à l'université d'Oxford, où il fut également Junior Research Fellow, de 1982 à 1985. Il enseigne actuellement le français à l'université d'Edimbourg.
La question des relations entre la pensée scientifique et l'art a toujours été au centre de ses recherches. Son premier livre, Mallarmé's “Divine Transposition” : real and apparent sources of literary value (Oxford University Press, 1986 cherche à montrer comment les raisonnements superposés, rigoureux mais contradictoires, de Mallarmé créent soigneusement un espace qui échappe au raisonnement. Le volet central de son second livre, Nerval et ses pères, portrait en trois volets avec deux gonds et un cadenas (Genève : Droz, 1992) concerne les rapports entre Nerval et la médecine. Le propos central de Lautréamont et Sand (Amsterdam : Rodopi, 1997) était, plus largement, le refus, par George Sand comme par Lautréamont, de la vérité une et invariable, et leur revendication de l'inconséquence. Depuis, Peter Dayan travaille sur la littérature et la musique depuis l'époque de Sand. Dans Music Writing Literature, from George Sand via Debussy to Derrida (Aldershot : Ashgate, 2006), Peter Dayan étudie comment et pourquoi la musique semble avoir été, depuis un siècle et demi, indispensable à la définition de la poésie - et vice versa.
Peter Dayan est un membre très actif de la Word and Music Association.

Contact :
Mél : traverses@u-grenoble3.fr
Tel : 04 76 82 68 80