Essai
Nouvelle parution
S. Chiche, Personne(s). D'après Le Livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa

S. Chiche, Personne(s). D'après Le Livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa

Publié le par Marc Escola

Personne(s) - D'après Le Livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa
Sarah Chiche


DATE DE PARUTION : 11/10/13 EDITEUR : Cécile Defaut (Editions) COLLECTION : Le livre la vie ISBN : 978-2-35018-342-8 EAN : 9782350183428 PRÉSENTATION : Broché NB. DE PAGES : 164 p.

Retranché dans ses rêveries, un homme rédige le journal de bord fragmenté d'une collection de sensations qu'il se risque parfois à appeler : existence. Plus Bernardo Soares s'abîme dans la contemplation sans fin des paysages de son âme, plus il se regarde et se regarde se regarder, plus nous regardons cet homme regarder le gouffre en lui, plus Le Livre de l'intranquillité nous regarde et regarde le gouffre en nous.

En 1805, Hegel écrit : " L'homme est cette nuit, ce néant vide qui contient tout dans la simplicité de cette nuit, une richesse de représentations, d'images infiniment multiples dont aucune précisément ne lui vient à l'esprit, ou qui ne sont pas en tant que réelles et présentes [...]. C'est cette nuit qu'on découvre quand on regarde un homme au fond des yeux, on plonge par son regard dans une nuit qui devient effroyable, c'est la nuit du monde qui s'avance ici à la rencontre de chacun.

" Oui, la nuit de Bernardo Soares, c'est bien la nôtre. Examiner ce en quoi j'ai été fabriquée et transformée par Le Livre de l'intranquillité, m'oblige, non parce que je le souhaite, mais parce que tout m'y pousse, à citer ce fragment atroce, qui recouvre et écrase ma tentative : " Réaliser une oeuvre pour, une fois réalisée, s'apercevoir qu'elle ne vaut rien, c'est une tragédie pour l'âme. C'en est une bien plus grande lorsqu'on sait que cette oeuvre est encore la meilleure que l'on pouvait réaliser.

Mais, alors qu'on s'apprête à écrire, savoir à l'avance que votre oeuvre sera fatalement imparfaite et ratée ; au fur et à mesure qu'on écrit, constater qu'elle est effectivement imparfaite et ratée - voilà le maximum de torture et d'humiliation que peut endurer notre esprit [...] ". Savoir qu'on n'arrivera jamais à émuler l'oeuvre somptueuse qui s'est livrée comme le visage du pire, et que, sous ce visage, même le masque de Fernando Pessoa est hors d'atteinte, redouble la mélancolie.

Et c'est précisément de mélancolie, d'ombres, de fenêtres et de fragmentation dont il sera aussi question ici.

 

Sarah Chiche est écrivain, psychologue clinicienne (diplômée de l'Université de Paris-Diderot) et psychanalyste. Ses recherches portent principalement sur la mélancolie, les troubles anxio - dépressifs, les perversions morales. Elle écrit régulièrement pour Le Cercle Psy, Sciences Humaines, La Cité des articles sur l'actualité des neurosciences, des thérapies cognitivo - comportementales et de la psychanalyse, mais aussi sur la littérature et le cinéma.
Elle est l'auteur de deux romans, L'inachevée (Grasset, 2008) et L'emprise (Grasset, avril 2010), et d'une préface à La Confusion des sentiments de Stefan Zweig, " Eloge de la dévoration ", (Payot, avril 2013). Elle prépare actuellement un essai sur le cinéma de Michael Haneke et une préface sur le diable chez Freud et Balzac.