L’image traditionnelle de Sévigné – en femme noble conservatrice, en mère bien aimante, en épistolière tantôt virtuose, tantôt nonchalante – est en train de bouger heureusement. Dans la vague féministe actuelle qui lit ce qu’on n’avait pas pu, pas su ou pas voulu voir, l’écriture de Sévigné apparaît résolument moderne; et son esthétique intimement liée à ses sentiments : le style rompu de beaucoup de pages dit et cache son amour en équilibre, très périlleux, de mère. Une écrivaine se découvre qui ose aller de plus en plus fermement sur un fil précaire, discontinu, vers une seule lectrice, sa fille. Mais sa modernité a trait aussi à la nature, à son corps de femme expérimentant ce qu’est marcher, pensant la nature- habitat, en cela « écologue » avant l’heure. Et puis, il y a les morceaux préféministes car c’est dans la mesure où Sévigné a été, à la fois, au centre d’une société extraordinairement riche et dans sa marge – celle du sexe dominé –, qu’elle a pu faire entendre cette voix inouïe.