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Rencontre autour de la calligraphie : tradition et réinvention (INHA Paris)

Rencontre autour de la calligraphie : tradition et réinvention (INHA Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : CEEI)

Rencontre autour de la calligraphie : tradition et réinvention

(Table-ronde)

Le 6 novembre 2018 à 14h, INHA, salle W. Benjamin,

avec Isabelle Charrier, Lori Gomas, Jiaxing Hu, Bahman Panahi et Arantxa Romero.

Dans le cadre du cycle de conférences CEEI-THALIM « La lettre et la ligne ».

La calligraphie en Chine, au Japon, en Corée, en Iran et en France sera examinée sous différents angles.

Discutantes: Hélène Campaignolle-Catel et Marie Laureillard

 

À travers la trace. Peinture calligraphique et poésie dans l’art français (1940-1980), par Arantxa Romero

La présente recherche a comme objectif de penser la performativité de l’écriture dans les arts dits visuels contemporains. Cela s’inscrit dès les théories du texte et dans le panorama artistique français des années 1940 et 1980. A l’aide du topique Ut pictura poesis, cette thèse se penche sur le travail de poètes comme Henri Michaux, Christian Dotremont ou encore Camille Bryen, dont les oeuvres graphiques constituent un véritable double de leur écriture poétique en tant que déconstructions scripturales influencées par les calligraphies dites orientales.

Musicalligraphie, par Bahman Panahi

Quand la composition, l’espace, le rythme, le mouvement, l’énergie, l’harmonie et la justesse de la musique se combinent en symbiose avec la calligraphie, c’est le moment d’écouter la calligraphie… Son et silence se transforment en noires et blanches et la variation des lignes et des points composent une orchestration colorée. Ecouter la calligraphie ou bien regarder la musique à travers une grammaire visuelle et auditive commune, c’est le cœur d’une recherche que je mène depuis plusieurs années, prenant en compte l’anatomie, la morphologie et la construction de la pièce calligraphique. La musicalité des lettres, des mots et des phrases calligraphiées crée un niveau d’expression artistique que l’on peut transcrire en de la musique, c’est la « musicalligraphie ».

L’archéologie du geste d’écrire en Chine, par Hu Jiaxing

Toute discipline scientifique dispose d’un langage, et chaque langage a son origine et son évolution. Cette thèse a pour hypothèse que le geste est une source et aussi une forme de créativité humaine depuis l’aube de nos civilisations, la nature première du geste n’est pas sa dimension technique, mais sa pratique mythologique et religieuse; dans le cas plus précis, le geste d’écrire, concept d’origine de la pratique de la calligraphie chinoise, j’ai pour l’objectif de démontrer que ce geste est issu des approche contingente, religieuse, spirituelle, qu’il conviendra de spécifier en tenant compte des acceptions – historiographiques notamment – que chacune de ces notions, et dans leur champ respectif, véhicule. La dimension prophylactique des écritures premières tiendra ainsi une place importante dans notre réflexion, elle est surtout transcrite dans les proto-écritures et les écritures anciennes pictographiques. Le geste d’écrire est aussi un langage esthétique qui a structuré une tradition de l’art de l’écriture chinoise, constituant même un acte créateur, une philosophie de l’être. Malgré la déconstruction de ce langage esthétique depuis la deuxième moitié du XXe siècle, suite à l’impact de l’art occidental et au dépaysement culturel des artistes, le geste d’écrire s’est transmis sous des formes radicales dans les pratiques artistiques contemporaines. 

Entre France et Corée : rencontre entre calligraphie et gravure, par Lori Gomas, diplômée de l’École Boulle

Transcription émotionnelle, la calligraphie dépasse le sens premier du mot. Afin d’accorder au geste une perspective immuable, l’écriture, transposée sur le métal, devient matière. Figure invitant au voyage, elle nous plonge au cœur de l’inconnu en faisant naître chez l’autre un sentiment de dépaysement. L’empreinte du lieu visité dessine une « géographie sentimentale », et le spectateur voyage ainsi à travers une multitude de signes propices à la rêverie. Représentation abstraite, paysage à contempler, la calligraphie, selon l’œil de chacun, revêt alors une dimension personnelle.

Le grand Inoue Yû-ichi (1916-1985) : une œuvre de signe, une œuvre de sens, par Isabelle Charrier (Langarts)

Inoue Yu-ichi est le représentant  avec Morita Shiryu (1912-1998) de la calligraphie contemporaine  japonaise.  Tous deux ont transformé cet art né en Chine il y a plus de trois mille ans. Le Japon, à la suite de l’adoption de l’écriture chinoise, est devenu l’héritier de cette tradition. Une particularité, cependant, est  l’écriture en kanas, à savoir  les deux syllabaires utilisés dans la langue japonaise.

Dans notre communication, nous reviendrons sur le contexte  de l’évolution  de la place de la calligraphie dans le Japon du XXe siècle. Yu-ichi est né en 1916 dans les premières années de l’ère Taishô (1912-1926) après la période de modernisation du Japon. Dès 1889, à la suite de la création de l’école de Beaux-Arts de Tokyo, l’enseignement artistique devient public et, si la peinture est  à l’honneur, la calligraphie continue  d’être pratiquée dans les ateliers de maîtres traditionnels sans faire partie du cursus obligatoire des étudiants. A partir de 1933, la calligraphie rentre dans l’avant-garde grâce au groupe de calligraphie de littérature moderne japonaise et non japonaise. Ce n’est  qu’en 1948 que la  section de calligraphie apparaît dans  le salon national Nitten. Enfin, Morita Shiryu et Inoue Yû-ichi  entrent en scène et  lancent un nouveau genre de calligraphie, abandonnant les matériaux traditionnels pour des pinceaux-balais et une encre laquée. A partir  de ce moment là, Inoue Yû-ichi dépense toute son énergie dans l’écriture de gros caractères uniques qui remplissent la surface du papier. Par ailleurs, du geste il passe à la voix en criant avant, après ou pendant  le déroulement du processus créatif lui-même. A partir des années 50 et 60, il participe à de nombreuses expositions internationales et rejoint le mouvement de l’abstraction,  alors que certains artistes occidentaux s’inspirent de la calligraphie de l’Asie de l’Est. Ensuite, il va se tourner vers la poésie avec des poèmes qu’il écrit sur des supports autre que le papier. Cette période va être marquée par le fameux mur-journal où il raconte son expérience traumatisante pendant la guerre, à laquelle il a survécu miraculeusement après un bombardement de l’école où il enseignait. De plus, il va se poser en militant anti capitaliste en écrivant des textes contre la puissance de l’argent prête à détruire l’environnement naturel du Japon. Enfin, durant la dernière partie de sa vie,  atteint d’un cancer, il se consacre aux écrits bouddhiques. Néanmoins, il privilégie le poète Kusano Shinpei et l’écrivain Miyazawa Kenji. Le style d’Inoue Yû-ichi va se transformer : il délaisse les gros caractères et n’utilise plus le pinceau et l’encre. Il préfère désormais écrire en kanas (hiragana et katakana), c’est-à-dire l’écriture quotidienne japonaise, avec un crayon Conté noir ou bleu. Il renonce à tout artifice et veut exprimer le premier jet de l’écriture en n’hésitant pas à raturer les mots écrits, d’où une présentation très désordonnée, chaotique, « sale », qu’il revendique.