Questions de société
Quel avenir pour les formations universitaires à Besançon ? (lettre ouverte d'enseignants de la Faculté de Lettres et Sciences humaines)

Quel avenir pour les formations universitaires à Besançon ? (lettre ouverte d'enseignants de la Faculté de Lettres et Sciences humaines)

Publié le par Marc Escola (Source : J. Peslier)

Devant l'annonce de la fermeture programmée de quatre départements en Lettres et Sciences humaines à la rentrée 2017 à l’université de Franche-Comté et de différentes mesures réduisant de façon drastique les volumes horaires des formations, des enseignants de la Faculté de Lettres et Sciences humaines publient cette lettre ouverte et souhaite alerter la communauté universitaire.

Adressée à l'Université, à la Ville de Besançon et à la communauté d'agglomération du Grand Besançon, une pétition (Sauvons la qualité et la pluridisciplinarité de la faculté des Lettres de Besançon) a également été mise en ligne et peut être utilement signée en soutien.

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LETTRE OUVERTE :
 QUEL AVENIR POUR LES FORMATIONS UNIVERSITAIRES À BESANÇON ?

En septembre 2017, une dégradation sans précédent va avoir lieu dans les formations proposées aux jeunes de Franche-Comté. Alors que le nombre d’étudiants inscrits en Licence est en nette augmentation depuis 2 ans et que cette augmentation est amenée à se poursuivre dans les années à venir, la Présidence de l’Université réduit drastiquement l’enveloppe budgétaire allouée à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.

Premièrement, des formations entières disparaissent : la musicologie, l’italien, le russe ou le TAL (Traitement Automatique des Langues). La logique dictant ces coupes est purement économique : les moyens alloués aux formations universitaires étant réduits notamment en raison d’un désengagement progressif de l’Etat dans le financement de l’enseignement supérieur, la direction de l’UFC supprime des pans entiers de l'offre proposée aux jeunes de la région.

Ces coupes ne sont qu'un début : d'ici quelques années, sera-t-il encore possible de faire une Licence d'Allemand, de Philosophie, d'Arts du Spectacle, de préparer un CAPES de Lettres Classiques ou d'Espagnol ?

De surcroît, pour faire face aux restrictions budgétaires, la direction de l’UFR de Lettres et Sciences Humaines ampute de manière très significative le volume horaire de toutes les licences survivantes. En 1ère année, alors que les étudiants ont besoin d'un encadrement pédagogique important pour gagner en autonomie et s'initier aux méthodologies du travail universitaire, le nombre de semaines de cours par semestre va passer de 12 à 10 (baisse de 17% des heures). L’année de L1 sera ainsi réduite à 5 mois au lieu de 6 actuellement. En 2è année, le semestre sera réduit à 11 semaines (baisse de 8%). Un nombre réduit de semaines d’enseignement, pendant lesquelles il faudra transmettre des connaissances, des compétences, des méthodes, mais aussi évaluer les étudiants sur leurs acquisitions. De quelles acquisitions parle-t-on, sur une durée aussi réduite ? Quelle progression peut-on mettre en place ? Quel temps de maturation et d'assimilation peut-on laisser aux étudiants ?

S’ajoute à la réduction du nombre de semaines la suppression de cours spécifiquement prévus pour aider les étudiants à réussir leur 1ère année et mettre en place les bases pour la suite de la formation. Pour soi-disant compenser ces pertes de cours effectifs, les étudiants verront un volume horaire énorme alloué en 3è année à des "projets tuteurés", c’est-à-dire des travaux personnels sans réel encadrement de la part des enseignants. Il s’agit là d’un moyen pour ajouter des heures sur l’ensemble de la Licence sans générer des coûts supplémentaires.

À l'heure où l'on pousse de plus en plus de jeunes vers les formations universitaires, l'Université de Franche-Comté fait le choix de consacrer 230 000 euros par an en prime pour une poignée de chercheurs “méritants”, d’allouer une part importante de son budget à des projets à forte visibilité internationale, dans des domaines dits “d’excellence” ou “innovants” en lien avec l’industrie et les technologies, au détriment de formations tout aussi excellentes et innovantes, tout aussi essentielles à notre société, tout aussi génératrices d’emploi et de richesse pour les jeunes générations. L’argent existe, mais les choix qui sont en train d’être faits indiquent clairement que la priorité n’est pas donnée à la formation des jeunes, et surtout pas dans le domaine des Lettres et Sciences Humaines.

Que souhaite-t-on pour nos jeunes dans les années à venir ? Des formations sacrifiées sur l’autel de la réduction des coûts ? Des “vrais” cours remplacés par une débauche d’heures de “projets” qui ne s’inscrivent pas dans une logique pédagogique mais répondent à des impératifs économiques ? Le choix entre un nombre restreint de Licences proposées localement ou un départ forcé vers d’autres universités, impossible à financer pour certaines familles ? Comment peut-on imaginer fournir aux jeunes un socle solide, sur lesquels ils pourront construire leur avenir professionnel, dans des conditions aussi dégradées ?

Nous, enseignants de la faculté des Lettres et Sciences Humaines, voulons défendre la qualité et la diversité des formations que nous proposons. Nous avons besoin de votre appui pour faire entendre à la Présidence de l’UFC que les choix qu’elle est en train d’opérer portent préjudice à la fois à la région (combien d’étudiants vont se détourner de Besançon et aller faire leurs études ailleurs ?) et à toute une classe d’âge dont les orientations professionnelles et les conditions de formation ne peuvent être soumises au pur facteur économique.

Dans un contexte de fusion des régions, où l'avenir de la Franche-Comté et de Besançon ne sont guère assurés, il est urgent d'attirer l'attention de tous et toutes sur l'importance d'un tissu universitaire vivant, ce qui implique que soient représentées toutes les disciplines, et en particulier les humanités et les sciences sociales.