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Prométhée : approches croisées

Prométhée : approches croisées

Publié le par Marc Escola (Source : NIZAR BENSAAD)

 Prométhée : approches croisées


    « ô jupiter, abaisse ton regard sur ma création : elle vît ! je l’ai formée à mon image ; je voulais une race semblable à moi pour souffrir, pour pleurer, pour sentir et jouir et te dédaigner, comme je fais. »

Goethe, Prométhée.

il n’y a pas de prométhée sans feu et, presque conséquemment, le feu est rarement sans rappeler prométhée. cette alliance du feu et de prométhée a constitué au fil des siècles une rêverie incontestablement créatrice. une rêverie de la volonté et de l’énergie, mais aussi de la transgression allant jusqu'à des expressions nourries de désacralisation et d’iconoclasme. il existe une humanité d’avant prométhée et une autre d’après, tributaire de ses actes recréateurs de l’humain. figure de la rupture et de la révolution, il nourrira avec enthousiasme et acharnement les aspirations de l’homme, aspirations tantôt politiques et sociales, tantôt philosophiques et intellectuelles. le référent prométhéen est parfois manifeste et déclaré et parfois latent et suggéré car, si le mythe n’est pas évoqué, un feu ou un flambeau se charge souvent de le réveiller. emblème de l’humanisme, il revient de manière irrécusable pour habiter des projets de société, politiques et éthiques, mais aussi pour se constituer en thème philosophique, littéraire ou artistique.

il est difficile de réduire le prométhée de départ, c’est-à-dire le prométhée originel et original, celui des cosmogonies grecques, à l’emblème que nous célébrons. en vérité, le mythe est plus complexe qu’on ne pourrait le croire, plus problématique que cela puisse paraître. ce mythe peut même être interprété différemment et même de manière radicalement différente, confinant à l’opposition. la représentation du mythe est tantôt majoritaire, tantôt minoritaire avec des accents qui le rapprochent de la culpabilité. c’est du moins ce que nous pouvons saisir, rien qu’en restant à la surface du mythe et en suivant ses différents rebondissements. en effet, zeus, ou jupiter pour les romains, a longtemps eu le dernier mot et le défi humano-prométhéen demeurait bien en-deçà de ce que nous pouvons attendre ou espérer en pareille situation. s’agit-il d’illusion, d’appropriation du mythe par la lecture ou encore d’idéologisation orientée ou biaisée ?

 il serait intéressant de revenir aux sources premières, de les comparer pour ensuite étudier les différents glissements vers prométhée, ou vers ses avatars, que nous invoquons depuis bien des siècles et que nous considérons comme figure de ralliement, ontologique, éthique, et esthétique. ralliement parce que notre prométhée apparait en un moment inaugural de désacralisation et de re-sacralisation ou de transfert laïcisant du sacré.

 prométhée est un acteur de la mythologie qui est toujours sujet à controverse. mais les philosophes, depuis les grecs anciens, le soumettent aux questionnements. l’interrogation est conjointe à la quête, celle du sens et de la vérité.

c’est pourquoi l’éclairage des philosophes est sollicité pour un colloque consacré à prométhée. les philosophes mais aussi les mythologues et les anthropologues en vue de remettre le mythe dans son contexte historique et culturel premier et de le comparer à des figures mythologiques similaires ou opposées, pouvant survivre dans d’autres cultures ou dans d’autres contextes historiques. pouvons-nous en effet ne pas rappeler que la figure de prométhée, malgré son emprise et sa richesse symbolique, n’est pas universelle et demeure occidentale ? d’autres cultures ont sans doute leurs prométhée(s) mais ces derniers peuvent ne pas consacrer des choix occidentaux bien prométhéens.

mais avant d’être un concept, cette figure omnipotente de la mythologie est le produit d’une matrice narrative. deleuze parle de « structure sémiologique des récits d’apprentissage », qui était à l’origine du récit littéraire, romanesque d’apprentissage. c’est le prométhée de la littérature qui nous interpelle le plus et le mieux. il existe un prométhée dramatique (théâtral) comme il existe un prométhée poétique et romanesque, bref un prométhée littéraire bien consacré.

il est des productions littéraires qui restituent le mythe et d’autres qui s’en inspirent largement ou s’en détachent pour le critiquer et le dépasser. prométhée est un thème artistique. des symphonies lui sont dédiées mais aussi des sculptures et des peintures. c’est pourquoi il faudrait en outre faire prévoir des approches esthétiques.

 certains créateurs ont porté l’intérêt à la langue, comme enjeu de pouvoir. ils ont fait parler prométhée avec la force dispensatrice du salut, ne serait-ce que pour examiner les rapports de forces, qui incontestablement se jouent dans le territoire de la langue, entre le voleur de feu et l’instance divine qui s’est érigée en gardienne pérenne de l’élément sacré. prométhée peut s’avérer une tentation d’écriture et nombre d’auteurs tentent de rivaliser avec cette figure en surchargeant les mots de vitalité et de négation.

dans frankenstein ou prométhée moderne, marie shelley démontre bien que prométhée est pluriel. l’intérêt est grand et scientifiquement édifiant de consacrer un colloque à prométhée, en s’adressant aux professeurs et aux chercheurs d’horizons et d’intérêts différents, afin de venir enrichir le débat.  

afin de passer au crible la figure de prométhée dans les mythes, les arts et la littérature, et d’en interroger le potentiel de subversion et d’émancipation, plusieurs axes nous semblent possibles :

1.            mythe et origines de prométhée ;

2.            prométhée dans la littérature, les sciences et les arts ;

3.            prométhée aujourd’hui : fortune, représentations et réécriture(s) ; 

4.            du langage comme enjeu de pouvoir et de lutte entre le divin et l’humain.

 
bibliographie 

·         andré gide., le prométhée mal enchaîné. gallimard, 1920.

·         louis séchan, le mythe de prométhée, paris, presses universitaires de france, 1951.

·         raymond trousson, le thème de prométhée dans la littérature européenne, droz, 1964, 2 vol. (2e éd. augmentée 1976 ; 3e éd. 2001

·         jean-pierre vernant, « le mythe prométhéen chez hésiode », in mythe et société en grèce ancienne, paris, maspéro, 1974.

·         dominique briquel, « mahābhārata », crépuscule des dieux et mythe de prométhée [archive], revue de l'histoire des religions, année 1978, volume 193, numéro 2, pp. 165-185

·         robert triomphe, prométhée et dionysos, presses universitaires de strasbourg, 1992.

·         georges charachidzé, prométhée ou le caucase. essai de mythologie contrastive, paris, flammarion, 1986.

·         georg lukacs, la théorie du roman, gallimard, paris, 1920. 

·         jacqueline duchemin, prométhée — histoire du mythe, de ses origines orientales à ses incarnations modernes, les belles lettres, coll. « vérité des mythes », paris, 2000.

·         mircea eliade, images et symboles, tel gallimard, paris, 1952.

·         mircea eliade, le mythe de l’éternel retour, gallimard, paris, 1969.

·         robert c. colin., « le mythe de prométhée et les figures paternelles idéalisées » dans topique 2003/3 (no 84), pages 149 à 160.

·         sylvie mullie-chatard, de prométhée au mythe du progrès, mythologie de l'idéal progressiste, l’harmattan, 2005.

·         eleni papalexiou ; « le mythe de prométhée et ses représentations contemporaines », créatures et créateurs de prométhée, nancy : presses universitaires de nancy, 2010.

·         patrick kaplanian, mythes grecs d'origine, vol. i : prométhée et pandore, éd. l'entreligne, paris, 2011.

·         marie shelley, frankenstein ou prométhée moderne, bragelonne, 2021.