Questions de société

"Pourquoi nous quittons l'Unef" (Nantes juillet 2009)

Publié le par Bérenger Boulay

Juillet 2009:

Pourquoi nous quittons l'Unef

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Lettre ouverte des étudiants quittant le syndicat UNEF de Nantes

Alors que l'Université de Nantes rejoint la ronde des 33 universités autonomes,nous nous sommes retrouvés dans l'obligation de quitter le premier syndicat étudiant deFrance, l'Unef. Décision délicate à prendre, surtout en ces temps où les étudiants ont plusque jamais besoin d'être protégés contre les politiques du gouvernement. Mais si nousquittons l'Unef, nous le faisons par conviction. Notre engagement au sein de cetteorganisation a été entier et sincère. Beaucoup d'entre nous se sont battus et se sontinvestis sans compter pour ce syndicat. Le départ n'en est que plus amer. Néanmoins,nous ne pouvons que constater que la rupture est consommée entre une équipe militantelocale forte d'un bilan d'activité bien rempli, et une direction nationale toujours plusambiguë quant à son orientation.

L'Unef, première organisation étudiante de France,victorieuse durant la bataille contre le CPE paie aujourd'hui des choix stratégiques qui lacoupe toujours un peu plus de la majorité des étudiants. Soutien timide lors de lamobilisation contre la LRU en 2007 et absence totale de prise de position sur lesquestions étudiantes lors du mouvement de 2009 font que beaucoup d'étudiants doutentde l'utilité de l'action collective au sein de cette organisation. Personne ne leur jettera lapierre, surtout lorsque le président de cette dernière assène cette phraseterrible : « Personne à l'Unef n'est contre la LRU ! Ni à Nantes, ni ailleurs ! »

Alors, pourquoi se bat l'Unef aujourd'hui? Quelle vocation a à exister un syndicatmajoritaire lorsque ses prises de position vont à l'encontre des aspirations des étudiants?

Les victoires symboliques qu'a pu obtenir ce syndicat ne sont plus que des lointainssouvenirs. Pour preuve, l'allocation d'étude obtenue par l'Unef en 1999 permettait auxétudiants indépendants fiscalement de leurs parents de bénéficier d'une aide mensuellepour étudier. Ce système a été supprimé en 2008 au profit d'un nouveau, beaucoup pluscontraignant pour les étudiants, et dont l'esprit change radicalement.

Alors qu'en 1999, leGouvernement entendait aider les étudiants dans l'obligation de se salarier à baisser leurnombre d'heures en les accompagnant financièrement, le nouveau texte met les étudiantsindépendants dans l'obligation de se salarier davantage. Or, l'Unef n'a pas protesté lors dela mise en place de ce nouveau dispositif. Cet exemple est frappant, car l'allocationd'étude est la dernière chose qu'a gagné l'Unef nationalement pour les étudiants. Lors desa suppression, aucune campagne n'a été lancée pour le maintien de ce système.

D'autre part, lors du débat autour des « masters enseignements », l'Unef a appelé àles approuver au sein des conseils d'administrations, allant à l'encontre de la stratégie quise dessinait dans de nombreuses villes. C'est pourtant la stratégie développée localementqui est sortie victorieuse et qui a permis que de nouvelles négociations aient lieu.

Mais si nous partons, ce n'est pas uniquement pour des questions d'orientation etde stratégie syndicale.

Notre engagement à l'Unef dépassait la « simple » défense des droits desétudiants. Nous pensions également pouvoir défendre au sein de notre organisation desvaleurs auxquelles nous croyons. Démocratie, égalité, solidarité, autant de valeurs quidevraient être défendues au sein de l'Unef. Une organisation se voulant être le fer delance de l'émancipation intellectuelle de la jeunesse ne peut s'abaisser à des pratiquesque nous avons du mal à qualifier tant elles sont révoltantes. Le temps n'est pas venu dedétailler toutes les pratiques détestables du syndicat, ce qui à coup sûr aurait des impactsimportants sur le taux de syndicalisation et sur les étudiants eux-mêmes. Nous souhaitonssimplement alerter l'ensemble de nos camarades pour que tous ensemble nous nousremettions sur les rails du syndicalisme, pour que tous ensemble nous lancions uneréflexion profonde sur ce que doit être l'Unef aujourd'hui. Le débat autour de l'allocationd'autonomie, du financement des universités est devenu stérile dans l'Unef, d'autant plusque celui qui ne suit pas la ligne se voit aussitôt marginalisé. La direction actuelle dusyndicat ne permet pas que ce débat ait lieu, et c'est pourquoi nous décidons de couperles ponts. Rester dans l'incompréhension face à la stratégie que suit notre syndicat nenous mènera à rien. Au contraire, cela ne ferait qu'entraver notre démarche syndicale. Àforce de combats internes, le risque était d'en oublier les réelles batailles syndicales.

Parce que nous voulons continuer à défendre les étudiants, et le faire dans descirconstances appropriées, nous devons quitter l'Unef.

Il ne faut néanmoins pas nous contenter d'un simple départ. Notre démarche doits'inscrire dans un élan rassembleur et doit donner un cadre aux étudiants qui souhaitents'organiser afin de défendre leurs droits. Nous poursuivrons notre travail de réflexion et deterrain avec l'ensemble des organisations et des institutions qui souhaiteront le faire à noscôtés. Pour ce faire, une nouvelle structure verra le jour à la rentrée universitaire. Elle secréera dans la recherche de l'unité la plus forte possible, sans exclusive et sansconditions. L'Unef n'est plus en capacité d'être le syndicat étudiant au service des intérêtsmatériels et moraux des étudiants. Nous appelons tous ceux qui le souhaitent à nousrejoindre afin de créer ensemble un tel outil sur Nantes !