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Pornotopie

Pornotopie

Publié le par Marc Escola

"Je voulais faire de ce Manoir une maison de rêve. Un lieu où travailler et aussi s’amuser, sans les problèmes et les conflits du monde extérieur. À l’intérieur, un célibataire avait le contrôle total de son environnement. Je pouvais passer de la nuit au jour, visionner un film à minuit et commander à dîner à midi, avoir des réunions au milieu de la nuit et des rendez-vous galants l’après-midi". Tel était le projet de Hugh Hefner, le créateur du magazine Playboy et concepteur du fameux Manoir à l’intérieur duquel il va se confiner pendant plus de quarante ans. Publié pour la première fois en 1953, Playboy n’a pas seulement été le premier magazine érotique populaire des États-Unis ; il a également fini par incarner un style de vie entièrement nouveau, construisant une série d’espaces multimédia et utopiques : manoir, penthouse, clubs, hôtels… tous ultraconnectés, comme s’ils préfiguraient l’ère contemporaine de l’incessante émission-réception d’images et d’informations et d’une vie conçue pour se donner en spectacle. Dans Pornotopie. Playboy et l'invention de la sexualité multimédia (Seuil), Paul B. Preciado étudie les relations stratégiques entre l’espace, le genre et la sexualité dans des sites liés à la production et à la consommation de pornographie hétérosexuelle restés en marge des histoires traditionnelles de l’architecture : garçonnières, lits rotatifs multimédias ou objets de design. En combinant les perspectives historiques avec la théorie critique contemporaine, la philosophie de la technologie et un éventail de sources primaires transdisciplinaires – Sade, Ledoux, Restif de la Bretonne, Giedion ou Banham, traités sur la sexualité, manuels médicaux et pharmaceutiques, journaux d’architecture, magazines érotiques, manuels de construction et romans –, Pornotopia explore l’utilisation de l’architecture comme technique biopolitique pour gouverner les relations sexuelles et la production du genre pendant la guerre froide aux États-Unis, et raconte la genèse de la nouvelle masculinité hétérosexuelle des réseaux sociaux d’aujourd’hui.