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Phantasia, volume 10, juin 2020 :

Phantasia, volume 10, juin 2020 : "Zones, passages, habitations. Les espaces contemporains à l’aune de la littérature" (M. Delcour, É. Ieven, dir.)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Manon Delcour & Emilie Ieven)

Phantasia, volume 10, juin 2020 : 

 

"Zones, passages, habitations. Les espaces contemporains à l’aune de la littérature"

dirigé par Manon Delcour et Émilie Ieven (USL-B)

Université Saint-Louis (Bruxelles), 2020.

 

Les articles qui composent ce dixième numéro de la revue Phantasia sont issus du colloque international qui s’est déroulé à l’Université Saint-Louis – Bruxelles les 22 et 23 novembre 2018. L’objet de cette réunion scientifique était d’étudier la représentation de l’espace dans des textes de langue française publiés, pour la plupart, depuis 1990, à partir de trois dispositifs spatiaux : les zones, les passages et les habitations. Il s’agissait d’analyser certaines œuvres singulières en mesurant comment celles-ci travaillent les paradigmes qui structurent la représentation de l’espace (dedans/dehors, proche/lointain, visible/invisible, quotidien/ailleurs, sédentarisme/nomadisme, etc.) et comment elles construisent, interrogent, voire déjouent certains traits des (non-)lieux contemporains.

L’espace fait partie de ces notions littéraires qui échappent et se dérobent constamment, simultanément trop évidentes et éminemment paradoxales. Du célèbre « espace littéraire » de Blanchot aux nouveaux lieux « hors du livre » (Ruffel ; Hanna) qu’investissent certaines œuvres contemporaines, les conceptions et les formes de l’espace en littérature se révèlent aussi nombreuses que variées. À la faveur de ce qu’il est convenu d’appeler le Spatial turn, de nombreuses approches se sont développées pour tenter d’analyser cette hétérogénéité : des orientations comme l’écocritique, la géopoétique, la géocritique, l’écopoétique, la géographie littéraire ont ainsi accompagné un intérêt nouveau pour la géographie, la cartographie et l’architecture tout en renouvelant les façons d’aborder ces dernières au sein de la littérature. L’étude de thèmes tels que l’environnement et la mondialisation s’est corrélativement amplifiée et, par la même occasion, les recherches portant sur la description littéraire se sont considérablement enrichies.

Que l’espace constitue une pierre de touche pour appréhender de nombreux romans contemporains est loin d’être un hasard : les productions et les expérimentations des auteurs s’inscrivent au sein d’une époque caractérisée par des mutations spatiales profondes. Si, comme l’annonçait déjà Foucault en 1967, « nous sommes à un moment où le monde s’éprouve […] moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise un écheveau », c’est-à-dire si le monde contemporain s’éprouve à partir d’un paradigme de la spatialité, celui-ci se révèle foncièrement incertain. De la globalisation aux mouvements migratoires actuels, les phénomènes qui déstabilisent les rapports entre individu et espace provoquent des bouleversements dont les caractéristiques et les conséquences, tout autant que les énoncés qui les rapportent, appellent à être analysés. Dans ce collectif, nous partons du postulat que les œuvres artistiques, en l’occurrence littéraires, détiennent une capacité à radiographier les événements et les discours du monde contemporain. La littérature n’endosse pas un simple rôle de miroir qui reflèterait les mutations et les idéologies actuelles mais, grâce à ses capacités d’analyse et de création, elle se fait activement riposte et relance.

Les contributions au colloque se sont attachées aux espaces hétérogènes de la littérature, en particulier aux zones, passages et habitations envisagés comme des dispositifs, géographiques, cartographiques ou architecturaux. Cette perspective constitue un paradigme opératoire pour interroger les formes et les déterminations spatiales contemporaines. Ainsi, ayant trait à l’entre-deux, aux interstices et aux lieux provisoirement ou définitivement inoccupés, les zones offrent autant d’occasions d’interroger la fortune et les avatars du concept de « non-lieu » développé par Marc Augé. Les passages, quant à eux, constituent une voie féconde pour interroger le rapport du sujet à l’espace à travers une série de questions : quelles sont les différentes manières d’être à l’espace investies pour se déplacer ? Quels sont les dispositifs qui facilitent, régulent ou empêchent les mouvements des individus ? Quelles relations se tissent entre l’ici et l’ailleurs dans un monde marqué par la mondialisation ? Enfin, les habitations permettent de questionner les notions de chez-soi et d’intime, de revoir les catégories d’intérieur ou d’extérieur ou encore de réfléchir à la construction de l’identité et de l’altérité à partir du lieu clos.

Qu’ils étudient un ou plusieurs de ces dispositifs spatiaux, les différents articles que nous avons rassemblés poursuivent un même but : analyser les formes et usages de l’espace à partir d’une perspective méthodologique précise (géopoétique ou écopoétique, par exemple) et souvent enrichie par des savoirs théoriques issus d’autres disciplines (la géographie, la psychanalyse ou encore la philosophie). Ainsi, ce numéro vise ultimement à mesurer combien l’espace littéraire se fait performatif, en ce qu’il appréhende, ausculte, malmène quelques-uns des enjeux et des discours liés à la représentation des sujets contemporains et des différents espaces dans lesquels ils évoluent. Plus précisément, les dix contributions de ce numéro mesurent les décalages, malaises ou bouleversements ayant cours aujourd’hui dans des catégories spatiales quasi séculaires : l’espace urbain, le milieu naturel et l’habitation.

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