Michel GUÉRIN,
Le Temps de l'art (Anthropologie de la création des Modernes),
ACTES SUD, octobre 2018.
EAN13 : 9782330111656.
436 p.
L'enquête consacrée à "ce que l'art dit du temps et ce que le temps fait de l'ar" ancre la réflexion dans une analyse du concept d'époque, en partant de la situation présente et en s'appuyant sur la notion d'ambition. L'essai reconstitue sur un mode narratif une histoire réflexive de la création artistique depuis la Renaissance et suggère avec force que l'oeuvre est d'abord figuration du temps.
De fait, à mesure que les grands ordonnateurs faiseurs d'éternité (Dieu, la Nature, la Beauté, l'Idéal) s'éclipsaient, laissant l'acte créateur orphelin de sa raison d'être, une éclosion "explosive" du présent se produisait, aussi séduisante que déstabilisatrice. En se détournant ainsi des transcendantaux qui longtemps l'inspirèrent, l'art grisé par sa propre liberté se condamnerait-il à buter sur le constat qu'il n'est plus rien qu'une activité gratuite coulée dans le temps, vulnérable et incertaine, dont le sens et la portée font question?
Moderne, hypermoderne, postmoderne, ce que l'acte de créer rapporte du temps, c'est une énergie inquiète, une expérience singulière qui ne conquiert son originalité qu'en débat avec sa "condition épochale". En critiquant son héritage, la négativité nourrit une ambition créatrice que, parfois, le nihilisme menace. Et si chaque mort annoncée de l'art le conduisait pourtant à se réinventer une enfance?
Dans le sillage des deux "chercheurs d'art" Walter Benjamin et André Malraux, à qui le livre est dédié, cette anthropologie de la création des Modernes invite à une nouvelle lecture de l'histoire des modernités en révélant les étapes d'un dévoilement du lien affectif et réflexif entre le sentiment intime du temps et le geste d'autonomie de l'art.
Table :
Introduction
I - La condition épochale
1. La notion moderne d'époque
2. Le leurre et l'ambition
3. La postmodernité comme crise de l'historicité
II - Carré de fouilles: au commencement était la perte
4. Que veut dire créer?
5. L'Absente ou de la Beauté
6. Du romantisme à la modernité
7. Le "mystère de la prose"
III - L’art son cosmos
8. L’art somnambule ou la vie d’artiste
9. L’ironie au piège de sa puissance
10. Discord - Origines du sentiment de l’absurde
11. Perte d’auréole de l’art - ou de l’Un au multiple
IV - La quête du nouveau
12. L’insolite ou la particularité désinvolte
13. L’esprit moderne est pétri d’’ambition
14. De la modernité aux manifestes modernistes
V - L’Inédit
15. Trois paradigmes de la réception de l’art
16. De l’endurance des croyances faibles
17. D’un réel sans appel ou la fin des phénomènes
*
Michel Guérin, philosophe et écrivain, né en 1946, est professeur émérite de l'Université d'Aix-Marseille (AMU) et membre honoraire de l'Institut universitaire de France. Il est l'auteur de plus de trente ouvrages, principalement théoriques ou critiques. La majeure partie de son oeuvre a été publiée chez Actes Sud (par exemple Philosophie du geste, 1995, 2011 pour la 2e éd.) et aux Belles Lettres-encre marine (par exemple, La Croyance de A à Z, 2015, ou Le Cimetière marin au boléro, un commentaire du poème de Paul Valéry, 2017). Le Temps de l'art poursuit la réflexion sur les époques modernes commencée avec Nihilisme et modernité (Essai sur la sensibilité des époques modernes de Diderot à Duchamp), Jacqueline Chambon, 2003) et La Grande dispute, Actes Sud, 2006.