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Maxime Du Camp, deux cents ans après : une incarnation du XIXe siècle ?

Maxime Du Camp, deux cents ans après : une incarnation du XIXe siècle ?

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Thierry Poyet)

APPEL A CONTRIBUTIONS

COLLOQUE MAXIME DU CAMP

9 et 10 novembre 2022

 

Université Clermont Auvergne /CELIS

Maxime Du Camp, deux cents ans après : une incarnation du XIXe siècle ?

Maxime Du Camp est né il y a 200 ans le 8 février 1822, soit quelques semaines après celui qui deviendra son ami de toute une vie, Gustave Flaubert. Et dans la postérité littéraire il semble justement voué à passer définitivement après l’auteur de Madame Bovary

Depuis quelques années, les œuvres de Maxime Du Camp – ses romans comme ses discours – font l’objet de rééditions, des études lui sont consacrées, des thèses aussi, sa place en son siècle est réévaluée et la critique universitaire tente de mesurer à sa juste valeur l’étendue de son apport, qu’il soit littéraire, esthétique, historique ou sociologique.

On sait que l’écrivain a rencontré un large public avec ses deux romans tout comme sa poésie a déclenché des polémiques ; ses nouvelles fantastiques, quant à elles, n’auront pas été sans témoigner de sa proximité amicale et artistique avec Théophile Gautier. Le voyageur, infatigable, a rapporté, lui, les premiers clichés photographiques d’Égypte, bientôt publiés, tandis que, quelques années plus tard, il témoignerait du Risorgimento dans l’Italie de Garibaldi ; l’historien se fera fort, à son tour, de dresser le bilan de 1848, puis de la Commune, quand le sociologue laissera un témoignage précieux sur la vie quotidienne à Paris avec les six volumes de son Paris, ses organes, ses fonctions, sa vie dans la seconde moitié du XIXe siècle (1869-1875). Et puis, dans la carrière de Maxime Du Camp, viendra encore le temps des écrits sur La Charité privée à Paris (1885), La Vertu en France (1887) ou La Croix-Rouge de France (1888). Dans cette curiosité intellectuelle qui pousse l’écrivain à s’intéresser à tout ce qui fait son époque, il reste encore à donner sa place aux travaux du critique d’art, aux témoignages laissés sur les amis écrivains – voir les Souvenirs littéraires (1882-1883) ou le Théophile Gautier (1890) –, à ses Discours à l’Académie française : le polygraphe est infatigable.

Et peut-être une telle boulimie de vivre au cœur de son temps, sans rien en perdre, dans un appétit insatiable de découvertes, de rencontres, d’expériences qui doivent toutes passer par le tamis de l’écriture, lui a-t-elle été préjudiciable. Réduit à n’être plus qu’un des minores d’une époque riche en plumitifs, Du Camp est aujourd’hui méconnu ou plutôt, dans l’ombre de Flaubert, il continue de souffrir d’une rivalité littéraire et esthétique qu’il a pourtant tenté d’éviter en quittant progressivement le monde littéraire. Erreur de stratégie ?

Deux cents après sa naissance, l’heure du bilan a sonné et il convient d’interroger avec une objectivité nouvelle ce que notre temps doit retenir de son œuvre, de sa poétique, de son rapport au monde. Maxime Du Camp incarne à sa manière un certain XIXe siècle, mais lequel ?

1.

Celui qui se construit sur des ruptures ? En littérature, comment la génération nourrie au lait romantique deviendra-t-elle réaliste tout en ne cessant d’admirer Hugo et Gautier ? En politique, comment l’écrivain bien né – rentier – peut-il à la fois concilier son goût de l’aventure – admiration pour Napoléon, engagement avec Garibaldi – et satisfaire aux diktats de son esprit conservateur ? Du point des techniques et du progrès galopant, comment être à la fois un écrivain amoureux des mots et d’une langue classique et le promoteur de la photographie ? Comment être à la fois un artiste et un directeur de revue, un ambitieux des lettres et finir en Académicien ou en « égoutier » selon le mot de Flaubert, en bourgeois ?

2.

Celui qui définit et fonde notre époque ? Maxime Du Camp incarne son siècle remué par un besoin d’aller de l’avant, à travers son goût du voyage, sa soif de modernité et de transformations, ses rêves d’ambition et en même temps, dans une forme de contradiction plus ou moins assumée, il est aussi représentatif d’un temps qui ne cesse de se retourner sur son passé – la gloire napoléonienne encore, un XVIIIe siècle esthétique qui fait rêver et que l’on se prend à regretter –, imprégné de la nostalgie dangereuse du « c’était mieux hier ». Entre illusions et désillusions, entre espoirs de lendemains meilleurs et ressentiment face à un présent ingrat, Du Camp interroge son époque et le lecteur de 2022 peut se reconnaître en lui, dans ses doutes et ses incertitudes.

3.

Celui, littéraire, qui se débat entre l’idéal flaubertien d’un art autotélique et la revendication d’une littérature engagée, à la Hugo ou la Sand ? Celui qui considère avec les années la nécessité de rapprocher les deux ambitions et qui vient faire de la chose écrite – qu’elle soit littéraire, encore, ou seulement un texte d’historien ou de sociologue, sinon de journaliste et d’enquêteur – dans une dimension sociopoétique la nécessaire relation du monde comment il va et évolue ? Celui qui interroge aussi les rapports entre l’écrivain et son lecteur, en fonction de « l’auteur et ses stratégies publicitaires » ? Celui qui doute de la nature exacte de la relation à privilégier entre création et succès ?

4.

Celui de la puissance du Verbe, quand l’écrit avait la force de porter au Panthéon les artistes sujets d’admirations hyperboliques et de condamner au Purgatoire les hérétiques qui avaient trahi les Maîtres ? Du Camp est l’écrivain des grandes amitiés – durables – et celui des polémiques, il est l’homme de lettres par excellence qui croit que les mots ont tous les pouvoirs mais sait qu’ils représentent tous les dangers aussi. Il interroge au fond notre conception de la littérature et celle de l’érudit ou, plus largement, de l’intellectuel selon une définition zolienne. Ambitieux, sinon arriviste, Du Camp a cherché le pouvoir : il a vécu le retrait (la retraite ?) de l’Artiste, la fin annoncée des maîtres à penser, la disparition des grandes consciences qui font une époque, sinon l’humanité. Les derniers textes de Du Camp interrogent l’avenir : ils doutent de la place qui restera au lettré.

C’est la modernité de Maxime Du Camp que ce colloque cherchera donc à interroger, lui qui était né aristocrate, qui a rêvé de reconnaissance et a vécu en grand bourgeois, heureux de son statut de rentier. Dans ses contradictions, ses revirements parfois, les incompréhensions qu’il a pu susciter, Maxime Du Camp incarne-t-il le XIXe siècle pareil à un miroir fidèle ou bien annonce-t-il en devin lucide notre XXIe siècle ?

Comité Scientifique :

Nicolas Bourguinat, Université de Strasbourg, UR 3400 ARts Civilisation et Histoire de l'Europe ARCHE

Michel Brix, Université de Namur

Thierry Poyet, Université Clermont Auvergne, CELIS

 

Envoi de proposition de contribution à :

(le plus rapidement possible, programme en cours de bouclage)

Thierry.Poyet@uca.fr