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Les formes nationales du rire. Territoires, frontières et circulations des cultures comiques (Paris Nanterre)

Les formes nationales du rire. Territoires, frontières et circulations des cultures comiques (Paris Nanterre)

Publié le par Marc Escola (Source : Denis Saint-Amand)

Les 19 et 20 mai prochains, l’université Paris Nanterre accueillera le colloque international Les formes nationales du rire. Territoires, frontières et circulations des cultures comiques, organisé par le Centre des sciences des littératures en langue française (CSLF) de l’université Paris Nanterre, la Faculté des lettres de l’université de Lausanne, l’Observatoire des littératures sauvages (OLSa) et le Namur Institute of Language, Text and Transmediality (NaLTT).

Si le rire a été abondamment étudié à l’aune de ses évolutions historiques et manifestations intermédiales, il n’a pas encore fait l’objet d’une ample recherche dans son rapport avec les identités nationales. Or il est évident que la culture du rire doit être abordée dans une optique transnationale, qui prenne en compte l’ensemble des phénomènes de transfert, d’échange et d’hybridation entre les différents espaces où il émerge (qu’il s’agisse de zones géographiques ou de supports matériels de diffusion).

Le rire est un paramètre indispensable des identités culturelles, en lien avec le passé et la tradition, qu’il alimente, remet en jeu et solidifie (entre autres par la parodie). Fluidifiant les échanges sociaux, il est un phénomène hautement politique et médiatique, autrement dit patrimonial. Le rire est fondamental par son effet de soudure communautaire : il crée de la connivence et du lien aussi bien à l’intérieur d’un groupe que par opposition à d’autres groupes ; il peut aussi bien être inclusif qu’exclusif. Dès lors, jusqu’à quel point le rire est-il un ferment de l’unité nationale ? Une nation se légitime-t-elle sur la base de modèles culturels et stéréotypes renforcés par le rire ? Nous nous intéresserons à toutes les formes et manifestations du rire, en interrogeant leurs soutènements culturels : qu’est-ce qui distingue et qu’est-ce qui a façonné historiquement l’humour anglais (pince-sans-rire, « tongue-in-cheek »), l’esprit français (mondain, séduisant, provocateur), le grotesque allemand (rire populaire, de caserne, de brasserie)…?

Si la critique a exploré les rapports entre rire et politique, ou entre rire et langues, la question des liens étroits entre rire et imaginaire national a souvent été évincée. Réinvesti positivement par les approches contemporaines, valorisé comme facteur d’émancipation et de subversion, le rire voit-il occultés ses pouvoirs disciplinaires, conservateurs voire réactionnaires ? Sans omettre l’existence de rires nationalistes concourant à la reconduction des stéréotypes culturels, il s’agira d’examiner comment le rire construit des identités nationales, et comment un imaginaire national influe sur certaines conceptions et pratiques collectives du rire. À l'heure de la mondialisation, est-il encore pertinent de parler d'humours nationaux ? Y a-t-il un colonialisme ou un impérialisme du rire, et comment penser la question des cultures comiques dans un contexte postcolonial ? Les rires nationaux se diluent-ils dans un universalisme comique à l’ère numérique ?

Étudier les formes nationales du rire n’implique pas seulement d’établir une topographie des cultures comiques, mais d’interroger les effets de frontière et de circulation entre ces dernières, en tenant compte de divers paramètres et approches : géographique, historique, politique, culturelle, médiatique, littéraire, anthropologique, éthique. Par ailleurs, enquêter sur la construction d’une philosophie et d’une culture topiques du rire ne peut faire l’impasse d’une archéologie des identités nationales. Anderson (dans Imagined Communities, 1983) montrait la dimension construite voire fictive des communautés nationales, et soulignait la pauvreté philosophique de la notion de nation(alisme) par contraste avec sa puissance politique, sa prétendue ancienneté et universalité. Plus récemment, Anne-Marie Thiesse en a retracé les soubassements institutionnels. Nous supposerons que le rire a joué un rôle clé dans la constitution et la consolidation de ces « communautés imaginées ».

Nous pourrons notamment envisager comment l’humour a permis à des cultures excentrées (donc, pourquoi pas, excentriques) de se distinguer, en marge de l’hégémonie des grandes nations, et de faire valoir d’autres critères d’innovation, d’autonomie et de légitimité artistiques. De même, les rires des communautés infranationales ou des milieux marginalisés s’érigent-ils contre une culture comique nationale plus officielle, plus institutionnelle ? ou au contraire s’en nourrissent-ils, et la nourrissent-ils en retour ? Dans ses déclinaisons intermédiales, le rire circule par de nombreux canaux, qu’il sera important de considérer ensemble et dans leurs particularités esthétiques. Il mobilise aussi différents publics, induit des connivences et des distinctions de classe. Porter un regard sociologique sur le phénomène permettra de l’éclairer dans sa dimension proprement politique.

Programme 

Jeudi 19 mai (Bâtiment Weber, salle de séminaire 1)

Matin
9h00    Accueil des participant.e.s
9h30    Introduction générale par Alice Bottarelli (Université de Lausanne), Denis Saint-Amand (FNRS – UNamur, NALTT) et Alain Vaillant (université Paris Nanterre, CSLF).

Les grands modèles : États-Unis, Royaume-Uni, France (présidence : Denis Saint-Amand)
10h      Yoan Vérilhac (Université de Nîmes / RIRRA 21) : « Réification et utopie du rire moderne : l’humour américain, vu depuis la France »
10h45   Corinne François-Denève (Université de Bourgogne) : « Humour(s) anglophone(s) »
11h30   Jonathan Ervine (Bangor University, Royaume-Uni) et Alain Vaillant (Université Paris Nanterre / CSLF) : « Le rire français : une tradition nationale en voie d’américanisation ? »

Après-midi
En Europe et à ses marges (présidence : Alain Vaillant)
13h45   Denis Lakine (Centre de Recherche Europes-Eurasie / Institut National des Langues et Civilisations Orientales) : « Que faire lorsque les lendemains qui chantent n’arrivent jamais : le rire sotériologique du socialisme tardif en Russie »
14h30   Vilmos Keszeg (Université Babeș-Bolyai, Roumanie) : « La conjoncture, les formes et les fonctions du rire dans la Roumanie communiste et post-communiste »
15h15   Piet Lincken (Fédération Wallonie-Bruxelles et ministère de la Culture du Danemark) : « Le rire dans les Pays scandinaves »
16h      Pause
16h15   Sjef Houppermans (Leiden University, Pays-Bas) : « Rire et humour dans le contexte des Pays-Bas »
17h      Arie Sover (The Open University of Israel, Israël) : « Israeli Humor »

Vendredi 20 mai (bâtiment Ricœur, 4ème étage, Salle des conseils)
Matin
Le rire latin (présidence : Alice Bottarelli)
9h15    Graça Dos Santos (Université Paris Nanterre / CRILUS) : « Traditions populaires et rire de contestation : le cas portugais »
10h00   Mélanie Toulhoat (École des hautes études hispaniques et ibériques, Casa de Velázquez) : « Un rire transatlantique lusophone ? Circulations et reconfigurations de l'humour graphique entre Brésil et Portugal »
10h45   Pause
11h00   François Malveille (Université Paris Nanterre / CRIIA): « Rire avec, rire contre en Espagne depuis 1945 »
11h45   Laetitia Dumont-Lewi (Université Lumière Lyon 2) : « Rire à l’italienne »

Après-midi
Les rires francophones (présidence : Denis Saint-Amand)
13h45  Bacary Sarr (Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal) : « Parenté à plaisanterie et esthétique du rire en Afrique de l'Ouest »
14h30   Camille Noël (Université de Mons - Université Polytechnique Hauts-de-France) : « Le rire au Québec, entre héritage culturel français et influences anglo-saxonnes »
15h15   Paul Aron (Université libre de Bruxelles, Belgique / FRS-FNRS) : « Les revues satiriques belges : éléments pour une approche comparée »
16h00   Pause
16h15   Alice Bottarelli (Université de Lausanne / CLSR, Suisse) : « Rire en Suisse : un humour sous cape ? »
17h00   Samia Kassab-Charfi (Université de Tunis, Tunisie) : « Les rires tunisiens »

Responsables :  

Alice Bottarelli (Université de Lausanne), Denis Saint-Amand (FNRS - UNamur-NaLTT), Alain Vaillant (Université Paris Nanterre, CSLF)