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La prescription culturelle en questions (Dijon)

La prescription culturelle en questions (Dijon)

Publié le par Marc Escola (Source : Fabrice Pirolli)

La prescription culturelle en question

Appel à communications pour le colloque international organisé par

le Groupe d'Études sur la Prescription à la MSH de Dijon

les 5, 6 et 7 avril 2017.

Avec le soutien de l'Université de Bourgogne-Franche-Comté (UBC)

et des laboratoires CIMEOS et GERIICO (Lille 3).

 

Chercheur-es invité-es : Philip Schlesinger (University of Glasgow), Tia DeNora (University of Exeter, par visioconférence), Ghislaine Chartron (Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris).

 

Un peu d'histoire(s)

L'Europe des 17e et 18e siècles a été le théâtre de ce que l'on désigne usuellement par le terme de Révolution Scientifique, tout à la fois un nouveau régime de connaissance, d'organisation sociale et de rapport au monde. L'une des manifestations les plus significatives de cette cosmogonie s'est traduite par l'essor, la professionnalisation croissante de la sphère scientifique et son corollaire la disqualification des savoirs populaires. En parallèle, les  différentes variantes de la philosophie des Lumières, qu'elles soient cartésiennes ou plus expérimentales, ont insisté sur l'importance de l'éducation, l'inéluctabilité du progrès et la fiabilité des savoirs scientifiques. Ce processus de constitution et de légitimation de corps d'experts professionnels s'est approfondi tout au long du 19e siècle et notamment dans ce qu'on appelle communément sphère culturelle ou encore art. Trouvant place dans l'espace public et dans des marchés dédiés, la production, la circulation et la consommation de biens culturels a coïncidé avec l'essor d'une multitude d'organismes (état, musées, bibliothèques, écoles, fondations, galeries, éditions musicales, presse, médias etc.) et de personnes (critiques, historien-n-e-s de l'art, libraires...) chargés de conseiller et de former le public (et les marchés) de l'art.

 Une vaste galaxie qui doit être pensée comme un continuum où prennent place tant des prescripteurs que des consommateurs engagés dans des relations donnant lieu à d'incessantes reconfigurations. Tout au long du 20e siècle, tout du moins dans les pays qui avaient accès à ces ressources, l'essor de l'industrie des spectacles et de la musique, de la radio, du cinéma, de la télévision, de l'offre muséale et plus généralement des réseaux de communication a impliqué une forte diversification des modes de prescription culturelle et de leur circulation. Si ce mouvement a soutenu le développement de métiers et de réseaux de prescription, il a également été accompagné de formes profanes d’expertise, de modalités plus ou moins équipées de médiation du savoir et de la culture, d’une économie informelle du conseil entre pairs. De ce fait, les amateurs-consommateurs ont appris à élaborer et organiser leurs univers artistiques et à faire leurs choix en combinant des formes diverses de prescription – critiques professionnels, littérature académique, médias, participation à des formes collectives d’évaluation, fanzines, conseils d’amis etc. Le développement des dispositifs communicationnels propres à l'Internet et leurs usages ont reconfiguré, disséminé et multiplié les médiations et les formes de prescription. Tout ce faisceau de pratiques brouille ainsi les frontières traditionnelles entre pratiques  professionnelles et amateures de la prescription.

 

Questions

Ce colloque se propose de décrire, discuter et analyser différentes formes de prescription culturelle que celles-ci soient traditionnelles ou émergentes et ce dans un contexte de globalisation croissante et de crise de l'expertise. Pour cela, nous proposons une série de questions et d'hypothèses afin d'aborder de façon panoramique et ouverte la prescription culturelle :

Tout d'abord, comment définir la prescription culturelle ? S'agit-il plutôt d’un échange d’informations, de connaissances, de formes spécifiques d'expertise, de critique journalistique ou académique, de recommandations normatives ou d’injonctions commerciales, d’actions  et de techniques qui soutiennent des réputations voire des marques ? Peut-on (ou pas) articuler ces différentes entrées ou étapes ?  Que nous disent ces différentes déclinaisons  du périmètre même de la culture ? Comment les différentes approches disciplinaires — information et communication, media studies , sociologie, histoire des arts, humanités numériques — contribuent-elles à nous informer sur ces processus ?

En deuxième lieu, se pose la question de savoir qui délivre ces prescriptions et dans quels espaces ? S'agit-il d'institutions, d'entreprises, de médias, de personnes particulières, de groupes sociaux (les fans d'une série TV regroupés sur la toile), de dispositifs techniques (le programme de saison d'un théâtre, des moteurs de recherche, des préconisations algorithmiques d'achats sur la toile), de productions artistiques (un film, une série télévisée, un disque de David Bowie) ? Comment décrire et qualifier les spécificités de ces différentes entités. Peut-on repérer des langages, des objets, des canaux d'information, des discours qui seraient privilégiés par tels ou tel type de prescription ? S'agit-il essentiellement de gate keepers dont la fonction consisterait à sélectionner, et donc à éliminer, les bons produits ? Qu'en est-il de l'efficience de ces différents prescripteurs et peut-on les comparer ?

Troisièmement : qu'en est-il de la relation qui unit prescripteurs et destinataires ? Comment décrire les interactions, les formes d'appropriation, les usages des contenus prescrits à l'échelle individuelle ou collective ? Comment apprécier la dimension prescriptive des groupes de fans, des communautés d'usagers, et plus généralement des formes de mutualisation de savoirs, en et hors ligne. Peut-on considérer que ces interactions infléchissent les modalités même de la prescription ? L'analyse comparée des dispositifs de prescription d'avant et d'après le Web permet-elle de repérer des transformations dans les processus cognitif ou décisionnel ? Quelles formes de résistance, de détournement et d’autonomie le consommateur/amateur/public manifeste-t-il à l’égard de ces différents dispositifs ?

Ensuite, dans un monde d'hyperchoix culturel comment les consommateurs/trices s'y prennent-ils/elles pour repérer les prescripteurs capables de les orienter ? Quelles sont les modalités selon lesquelles les usagers accordent leur confiance à des prescripteurs ? Quels types de pratiques informationnelles et quels objets sont ainsi mobilisés sur et hors la toile ? Dans un contexte d'extension du Web, comment analyser la place respective des pratiques professionnelles et amateures d'une part, et leurs relations, d'autre part ?

Enfin, compte-tenu des ces pratiques et de leurs transformations, qu'est-ce que la prescription culturelle nous dit de la culture, de ses modes de diffusion, de consommation, de ses différentes incarnations ?

 

Suggestions

À partir de ces différentes pistes, des communications sont attendues qui donneraient à voir et à comprendre ce que l'on pourrait appeler la chaîne de prescription, c'est-à-dire l'ensemble des acteurs, des techniques, des discours et leurs interactions qui donnent corps à une ou des prescriptions. Par exemple, un blog culturel implique non seulement un bloggeur, une blogosphère, des internautes mais aussi des commentaires, des liens, des contenus récurrents, un lay-out, un fournisseur d'accès, des sites de recensement, la mesure de l'audience et de la notoriété sur la toile etc. Considérer la prescription comme une série d'interactions amène probablement à s'interroger également sur la façon dont les prescripteurs sont (in)formés et à s'intéresser aux façons dont les usagers analysent et discutent leurs  propres relations aux productions artistiques. On pourra également s’intéresser aux formes locales et courantes du “bouche-à-oreille” qui constituent des modalités plus ou moins  formalisées de prescription et sont à prendre en compte dans l'analyse de la chaîne de prescription.

 Et encore, ne peut-on pas considérer une prescription culturelle comme une épreuve, c'est-à-dire non seulement comme une situation où l'efficience du prescripteur et la confiance de l'usager sont à chaque fois remises en jeu mais aussi un espace où des valeurs et des convictions sont mobilisées. Une épreuve dont la consistance et le sens embarquent des pratiques, des relations, des séquences d’action orientées comme des moments de tâtonnement improductifs, donc des temporalités multiples. Dans cette acception, des communications sur la temporalité spécifique de la prescription culturelle seraient les bienvenues.

D'une façon générale, toute approche comparatiste visant à mettre en rapport des formes de prescription culturelle avec d'autres (par exemple juridique ou médicale) serait la bienvenue. Enfin, et toujours dans une perspective comparatiste, des travaux traitant des différences d'énonciation et de pratiques dans différents pays enrichiraient très certainement les perspectives de ce colloque.

Bien entendu cette liste de suggestions n'est pas exhaustive et le comité prêtera attention à toute autre proposition.

 

Des propositions de panels ou de posters sont également les bienvenues.

Le colloque est ouvert à toutes les disciplines et aux approches transversales voire indisciplinaires.

 

Forme et date limite de remise des propositions

Les propositions devront prendre la forme d’un résumé de 3000 signes maximum en français ou en anglais, accompagné d’une courte présentation de leur auteur (statut, rattachement à une institution, laboratoire de rattachement, adresse email). Les propositions présenteront la problématique de recherche, la méthodologie employée, les axes de réflexion et les principales sources bibliographiques. Elles seront transmises avant le 25 novembre 2016 aux adresses suivantes : francois.ribac@u-bourgogne.fr et fabrice.pirolli@univ-lemans.fr

Le comité d'organisation répondra par email le 15 décembre au plus tard.

Le colloque se déroulera en français et en anglais et il est demandé à chaque intervenant-e d'accompagner sa communication d'une présentation de type Power Point en anglais, comprenant au moins les titres de sa présentation.

Il est prévu de publier dans une revue à comité de lecture un certain nombre de textes issus de communications présentées lors du colloque.

 

Comité d'organisation

Groupe d'Études sur la Prescription (GEP) : Brigitte Chapelain, Émilie Da Lage, François Debruyne, Pierre Delcambre, Sylvie Ducas, Catherine Dutheil-Pessin, Fabrice Pirolli, François Ribac.

 

Comité scientifique

Chris Atton (Edinburgh Napier University), Andy Bennett (Griffith University), Jérôme Berthaut (UBC), Mélanie Bourdaa (Université Bordeaux 3), Brigitte Chapelain (Université Paris 13), Émilie Da Lage (Université Lille 3), François Debruyne (Université Lille 3), Pierre Delcambre (Université Lille 3), Sylvie Ducas (Université Paris-Ouest Nanterre La Défense), Catherine Dutheil-Pessin (Université Grenoble Alpes), Carles Feixa (Universitat de Lleida), Sylvette Giet (Université de Versailles-Saint-Quentin), Frédéric Gimello-Mesplomb (Université d'Avignon), Éric Heilmann (UBC), Matthieu Letourneux (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), Jean-Marc Leveratto (Université de Lorraine), Sophie Maisonneuve (Université Paris-Descartes), Isabelle Moindrot (Université Paris 8), Fabrice Montebello (Université de Lorraine), Nanta Novello Paglianti (UBC), Fabrice Pirolli (Université du Maine), Philippe Poirrier (UBC), François Ribac (UBC), Paola Sedda (UBC) Sarah Sepulchre (Université catholique de Louvain), Élodie Sevin (Université Lille 3), David Vandiedonck (Université Lille 3)