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La poésie, au

La poésie, au "défaut des langues"

Publié le par Laurent Zimmermann (Source : Anne Gourio)

Elseneur,

Revue annuelle de littérature française, Université de Caen

Numéro à paraître en 2012.

La poésie, au « défaut des langues »

Pourquoi le genre poétique est-il gagné par la tentation cratyléenne ? Pourquoi est-il traversé par une rêverie « motivante » ? S'il s'agit de « rémunérer le défaut des langues » en créant une langue autre, utopique, en pleine adéquation avec le sensible, on interrogera les enjeux de ce cratylisme secondaire : mimer le monde ? le refigurer ? ou en retenir l'empreinte sensible ? et s'inscrire dans sa continuité ontologique ? Le poème saisirait-il donc une ombre du monde, s'établirait-il dans une distance libératrice qui donnerait à voir ? ou s'approprierait-il sa substance sensible et sa qualité de « présence » ? Il y a là un ensemble de questions qui, surgissant avec insistance dans les poétiques de la fin du XIXème siècle, courent souterrainement au fil du XXème siècle, réunissant paradoxalement des esthétiques ayant emprunté des voies fort diverses : des recherches avant-gardistes sur la spatialité du poème, sur le surgissement du texte et l'invention d'un mode de lecture non linéaire, aux écritures de l'élémentaire brut et de l'extrême dénuement, du littéral au minéral, le cratylisme semble bien questionner la vocation d'immanence du langage poétique.

Il faudrait en outre interroger les relations entre cratylisme poétique, origine et histoire : comment le cratylisme, cette pensée du cosmos et de l'harmonie, est-il compatible avec le hasard et le « désenchantement » propres à la modernité ? Quelle utopie le XXème siècle poétique s'emploie-t-il à rebâtir ? A quelles fins le poème choisirait-il d'abolir l'être sensible et de le préserver dans un même mouvement ?

D'origine linguistique, cette question semble alors déborder le cadre du langage vers de plus vastes enjeux : contre l'idée de re-présentation verbale, le poème proposerait peut-être une réconciliation avec le monde (réconciliation du poème et du monde, mais aussi du sujet et du monde). N'est-ce pas là l'espace possible d'une « poéthique » du poème ?

L'expression mallarméenne donnant son titre à ce numéro pourra alors ouvrir sur deux lectures : est-ce la pluralité des langues qui est contestée dans la définition d'un absolu du langage poétique ? ou est-ce, à l'inverse, le langage qui fait défaut, le poème s'établissant dans un en-deçà des mots ?

   Nous proposons plusieurs directions possibles de l'analyse : les aspects de ce cratylisme (harmonie imitative, coloration des voyelles, synesthésies, jeux sur l'espace (calligrammes, logogrammes…), raréfaction du poème, écritures minérales…) ; ses variantes au cours de la période considérée (de Rimbaud aux expérimentations contemporaines) ; ses enjeux (jeux de langage ? mime du monde ? continuité ontologique avec les éléments ? « poéthique » du poème ?).

   Une proposition (une dizaine de lignes), accompagnée d'une notice bio-bibliographique, est à envoyer avant le 30 septembre 2010 (anne.gourio@unicaen).

   Les articles (30 000 à 35 000 signes) devront être remis en mars 2011.