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« La nation nommée Roman » face aux histoires nationales : quels enjeux éthiques pour l'écriture romanesque depuis 1960 ?

« La nation nommée Roman » face aux histoires nationales : quels enjeux éthiques pour l'écriture romanesque depuis 1960 ?

Publié le par Vincent Ferré (Source : Danielle Perrot-Corpet)

« La nation nommée Roman » face aux histoires nationales :

quels enjeux éthiques pourl'écriture romanesque depuis 1960 ?

[Actes en ligne]

Colloque international et interdisciplinaire duCentre de Recherche en Littérature Comparée de l'université Paris-Sorbonne(Paris IV)

Les 4-5-6 juin 2009 à la Maisonde la Recherche de l'université Paris-Sorbonne

28 rue Serpente75006 Paris. Salle D-035

Organisation : Danielle Perrot-Corpet (ParisIV/CRLC), Lise Gauvin (Université de Montréal / CRILCQ), Jean-Yves Masson(Paris IV/CRLC)

Site du CRLC : www.crlc.paris4.sorbonne.fr

Contact : danielle.perrot@wanadoo.fr

ARGUMENTAIREET PROGRAMME

Dans un mondeoù le grand récit de la Raison occidentale a laissé la place à une« archipélisation » des discours (Édouard Glissant), le roman a vul'émergence de consciences linguistiques inédites, qu'elles soient liées aubilinguisme imposé par l'expérience coloniale, aux expériences de l'exil et del'errance, ou encore au malaise de nombreux écrivains allemands, autrichiens,français, espagnols et autres vis-à-vis d'une langue maternelle dont la mémoirehistorique est ressentie comme chargée de crimes. Aux yeux de Carlos Fuentes,« la nation nommée Roman » rassemble ainsi ses « citoyens »romanciers à travers le monde, au gré d'un mouvement de relativisation et dedémultiplication des critères d'appartenance identitaire, mouvement qui, depuismaintenant plusieurs décennies, vise à remettre en cause la désormais classiquedistribution des scènes littéraires entre « centre » et« périphérie » : « Nous sommes tous périphériques — écritFuentes —, ce qui est peut-être la seule façon d'être aujourd'huiuniversel » (Geografía de la novela,1993 / Géographie du roman, 1997,p. 21).

On peut sedemander dans quelle mesure une telle position ne suppose pas résolues destensions qui sont peut-être inhérentes à la littérature elle-même, dans soneffort pour se constituer en espace autonome, pour se libérer desdéterminations historiques et culturelles qui pèsent sur tout écrivain. Si l'onchoisit de voir dans la littérature l'effetspécifique d'un processus d'arrachement à des déterminations historiques(et en particulier « nationales ») qui, elles, demeurentdifférenciées d'une scène littéraire à une autre : jusqu'à quel pointsera-t-on fondé à reconnaître et à décrire de mêmes enjeux dans les entreprises littéraires d'écrivains séparés a priori par des contextes historiquestrès contrastés ? Jusqu'à quel point, par exemple, un Allemand, un Suisse,un Colombien et un Québécois sont-ils susceptibles de partager la même idée dece que peut ou doit la littérature ?

Il nous sembleque seule la mise en regard de lectures attentives à la manière dont chaqueoeuvre articule l'expérimentation formelle à une inscription du destinateur etdu destinataire dans un espace éthique pourrait apporter quelques éléments deréponse à ces questions. Des éléments de réponse certes très partiels, maissusceptibles de fournir quelques précieux (contre?) - exemples auxnombreux discours généraux qui fleurissent actuellement sur la littérature« mondialisée ».

Pistes de recherche possibles

-Les similitudes sont frappantes entre le travail des romanciers des aires postcoloniales pour donner un nom aux réalités masquées par le discours européocentriste, pour donner une voix aux « vaincus », esclaves, marginaux et autres parias de la culture dominante (travail théorisé notamment par Edouard Glissant ou Carlos Fuentes), et l'effort que mènent depuis les années 1960 certains auteurs européens pour « décoloniser » leur propre langue occupée par une mythologie identitaire qui, des spéculations romantiques sur le « génie des langues » à la langue de bois des totalitarismes, fait obstacle à l'émergence d'une authentique « expérience du divers » (Segalen), seule susceptible de féconder une réflexion sur l'Europe comme espace ouvert et creuset d'influences en perpétuelles variations.
Pour autant, ce travail de « décolonisation » de la langue par l'écriture romanesque est-il le même en Europe, dans les aires postcoloniales, ou encore au Québec ? Si le romancier doit chercher, selon la formule de Juan Goytisolo dans Juan sin tierra (1975), à « penser contre sa propre langue » en travaillant à la libérer des habitudes mentales qu'une longue domination idéologique a comme calcifiées jusque dans ses mots et ses structures, ce romancier livre-t-il le même combat lorsque la langue en question est celle de l'ancienne puissance coloniale, et lorsque cette même langue est dénoncée comme chargée d'une mythologie aliénante voire criminelle par l'écrivain européen lui-même ?

-    Il est remarquable que la quête d'une littérature capable de faire entendre la langue « hors Pouvoir » (Roland Barthes) mène aujourd'hui nombre de romanciers européens et extra-européens à voir en Rabelais et en Cervantès, non seulement les « origines », mais aussi les références tutélaires du roman actuel. La tendance chez les auteurs francophones est d'ailleurs de mêler explicitement les deux références, le jeu entre réalité et fiction étant « rapporté » à Cervantès, et le jeu sur la langue à Rabelais (comme dans Don Quichotte de la démanche (1974) du Québécois Victor-Lévy Beaulieu). Ainsi, Kundera, après avoir défini le « roman européen » comme une « entreprise historique née avec Rabelais et Cervantès », affirme que « les romans nés au-dessous du trente-cinquième parallèle, quoique un peu étrangers au goût européen, sont le prolongement de l'histoire du roman européen, de sa forme, de son esprit, et sont même étonnamment proches de ses sources premières ; [car] nulle part ailleurs la vieille sève rabelaisienne ne coule aujourd'hui si joyeusement que dans les oeuvres de ces romanciers non-européens » (M. Kundera, Les Testaments trahis, (1993), Folio, 2000, p. 43-44). Quant à C. Fuentes, il lit dans la « poétique de la relation » d'Édouard Glissant un héritage de Cervantès : la littérature hispano-américaine, littérature « périphérique » dans un monde qui n'a plus de centre, est sous sa plume une « littérature de la Manche, roman impur, fiction métisse » (Géographie du roman, op. cit., p. 23).
Il serait intéressant de confronter ce type de propos aux diverses formes de réception effective de Rabelais et de Cervantès dans le roman actuel : quelles sont les formes — communes ? — que prend l'intertextualité cervantine et/ou rabelaisienne dans ces littératures européennes et extra-européennes ? Quelles sont les significations —communes

— d'un « héritage » qui s'accompagne — plus ou moins sciemment selon les cas — de processus de mythification ?
Enfin, il serait fructueux de s'intéresser aux diverses façons dont certains romans prennent explicitement en charge la comparaison entre littérature européenne et littérature extra-européenne, qu'il s'agisse pour le romancier d'affirmer une communauté d'enjeux, ou au contraire de souligner des différences irréductibles.

-------------  PROGRAMME --------------

 Jeudi 4 juin : qu'est-ce que la « nation nommée Roman » ?

-    9h 15 Ouverture du colloque par Jean-Yves MASSON, Directeur du CRLC.
-    9h30 Danielle PERROT-CORPET (Paris-IV) : « “La nation nommée Roman” face aux histoires nationales : introduction ».

Conférence inaugurale
Introduite par Lise Gauvin

-    9h 45 Edouard GLISSANT : « Faire l'Histoire, écrire l'Histoire ».

10h 30 : débat et pause.

« Littérature mondiale » et mondialisation : enjeux théoriques
Président : Jean-Yves MASSON (Paris IV)
-    11h Wolfgang ASHOLT (Osnabrück) : « Une Weltliteratur postcoloniale est-elle possible ? »
-    11h30 Alfonso de TORO (Leipzig) : « Transversalité - Hybridité - Positionalités : “l'autre histoire”  - “la vraie histoire” »
- 12h : discussion.

12h45 : Déjeuner au Club des Enseignants.


Frontières et espaces sud-américains
Présidente : Véronique GELY (Paris IV)
14h 30 Daniel-Henri PAGEAUX (Paris III) : « Sur quelques espaces  imaginaires du roman hispano-américain : zone, nation, continent, Weltliteratur »
15h Jean-Claude LABORIE (Lyon III) : « Le border-line, ou l'expérience intime de la frontière, chez W. Faulkner, G. Rosa et J. Saer ».

15h30 : Discussion et pause.
Traversée des frontières et relations plurielles
Présidente : Danielle PERROT-CORPET (Paris IV)
-    16h15 Vincent MESSAGE ((Paris VIII) : « Défense et illustration du pluralisme chez Carlos Fuentes et Edouard Glissant ».
-    16h45 Valérie DESHOULIERES (Saarbrücken) : « Déterritorialisations et reterritorialisations du roman. Romain Gary, Edouard Glissant : de l'Europe au Tout-Monde ».

-    17h15 : discussion.

18h : Cocktail à la Maison de la Recherche,
 offert par la Délégation générale du Québec à Paris.

Soirée libre


Vendredi 5 juin : Penser la langue, penser contre la langue

D'une langue à l'autre
Présidente : Amelia SANZ (UCM)
-    9h30 : Gisèle SAPIRO (CNRS) : « Le rôle des traductions littéraires dans la construction et la déconstruction de l'identité nationale ».
-    10h : Isabelle POULIN (Bordeaux III) : « Roman et exactitude : Sur le travail de la traduction dans Cien años de soledad (1967), Cent ans de solitude (1968) et One Hundred Years of Solitude (1970) ».

-    10h30 : discussion et pause.

Ecrire dans la langue de l'autre
Présidente : Valérie DESHOULIERES (Saarbrücken)
-    11h 15 Joseph JURT (Freiburg) : « L'étranger comme métaphore : la littérature des auteurs immigrés en Allemagne ».
-    11h 45 Crystel Pinçonnat (Paris VII) : « Entre revendication d'appartenance et impertinence. L'ethos national en question (Azouz Begag, Hanif Kureishi et Fouad Laroui) ».

-    12h15: discussion.


Déjeuner libre

Langue et codes esthétiques dans la littérature québécoise
Président : Wolfgang ASHOLT (Osnabrück)
-    14h 30 : Dominique COMBE (Paris III) : « Fictions de langues (A. Djebar, R. Robin) ».
-    15h: Lise GAUVIN (Université de Montréal, CRILCQ) : « Entre la défense et l'illustration : le roman québécois comme laboratoire de langue(s) ».
-    15h 30: Irène LANGLET (Rennes II) : France-Québec : deux provinces en littérature-monde».

-    16h : discussion et pause.

Ecriture romanesque et dénationalisation linguistique
Président : Joseph JURT (Freiburg)
-    16h45 Emmanuel BOUJU (Rennes II) : « Les cavaliers fantômes et les papillons d'argent : figures de l'écriture en exil dans les romans de David Albahari, Aleksandar Hemon, Dubravka Ugresic´ ».
-    17h15 Miriam LLAMAS (Universidad Complutense, Madrid) : « Transformismes textuels dans les romans postcoloniaux en allemand des années 90 ».

- 17h45 : discussion.

20h : dîner au restaurant « Mabillon 4 »






Samedi 6 juin : Le roman, la nation et l'universel : mythes et pouvoirs

Rabelais et Cervantès, pères d'un « roman universel » ?
Présidente : Karen HADDAD-WOTLING (Paris X)
-9h15 : Guy ASTIC (Aix-Marseille I) : « Constellations cervantine et rabelaisienne : Günter Grass, Milan Kundera, Salman Rushdie : Une approche anachronique et tabulaire ».
- 9h45 : Christiane CHAULET-ACHOUR (Cergy-Pontoise) : « Héroïsme dégradé, érotisme jubilatoire - Le Mas de cocagne de René Depestre ».
-    10h15 Lakis PROGUIDIS (Université Mc Gill, Montréal) : « Rabelais ou la naissance d'une nation universelle ».
-    10h 45 : discussion et pause.

La théorie postcoloniale en débat
Présidente : Lise GAUVIN (U. Montréal/CRILCQ)
- 11h30 Charles BONN (Lyon II/Leipzig) : « Le roman produit-il la nation? Pertinence et limites du processus d'“affirmation forte de l'espace d'énonciation” dans la théorie postcoloniale ».
-    12h Michel BENIAMINO (Limoges) : « Postcolonialisme, monde et -philies : que penser de la “nation nommée Roman” ? »
- 12h30 : discussion.

13h : Déjeuner à la Maison de la Recherche

Modèles littéraires et dominations culturelles
Président : Lakis PROGUIDIS (U. Mc Gill, Montréal)
- 14h30 Pascale CASANOVA (Chercheur associé au CRAL/EFISAL, Paris): « Nation et domination dans l'espace littéraire mondial ».
-    15h Véronique GELY (Paris IV) : « Sommes-nous tous gréco-romains ? Le roman contemporain et la matière antique ».

-    15h 30 : discussion et pause.

Littérature et nation : représentations en question
 Président : Alfonso de TORO (Leipzig)
-    16h 15 Marcos EYMAR BENEDICTO (Université de Picardie): « Des ambassadeurs sans pays ? Représentation diplomatique et représentation littéraire dans le roman du boom hispano-américain ».
-    16h45 Dolores ROMERO, Amelia SANZ (Universidad Complutense, Madrid) : « Autour des nations littéraires: voies et issues ».

-    17h15 : Discussion et clôture du colloque.

18h : Cocktail de clôture