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L’interface processus/produit. Regards croisés sur l’écrit(ure) / Writing(s) at the crossroads: the process/product interface

L’interface processus/produit. Regards croisés sur l’écrit(ure) / Writing(s) at the crossroads: the process/product interface

Publié le par Natalie Maroun (Source : Georgeta Cislaru)

Dans le cadre du projet ANR Ecritures, deux journées d'étude se tiendront les 20 et 21 juin 2013, sur le thème
L’interface processus/produit. Regards croisés sur l’écrit(ure) / Writing(s) at the crossroads: the process/product interface

Lieu : Université Sorbonne nouvelle, amphi D02, bâtiment D, 13 rue Santeuil, Paris 5e. Entrée libre.

Vous trouverez ci-dessous le descriptif des journées et le programme à :
http://www.univ-paris3.fr/journee-interfaces-workshop-interfaces-221404.kjsp?RH=1295620557102

On peut envisager l'écriture sous deux angles, parfois distingués, parfois confondus : l'écriture comme processus et l'écriture comme produit. Ces aspects sont l'objet de disciplines multiples: la psychologie cognitive, la génétique ou l'anthropologie appréhendent l'écriture en tant que processus - en portant sur celui-ci des regards très différents ; l'analyse de discours ou la linguistique textuelle traitent du produit, le texte ou discours écrit. On peut aussi tenter de saisir l'interface entre l’écriture comme production et l’écriture comme produit, en faisant dialoguer les différentes approches et en favorisant les croisement disciplinaires. Dans quelle mesure les observations de ceux qui travaillent sur l’écriture (production) ont-elles une pertinence dans le cadre des disciplines linguistiques ou interprétatives qui interrogent le fonctionnement de l’écrit (produit), et vice-versa ?

Quel que soit l'angle choisi, des questionnements transversaux sont cependant régulièrement formulés, et plusieurs travaux interrogent le lien entre les deux versants, ou visent à établir un lien entre les deux. La pragmatique de l'écrit développée dans Perrin (éd.) (2003) est exemplaire d'une telle démarche d'articulation, qui confronte les intentions communicationnelles explicites ou supposées aux stratégies d'écriture réellement observées in situ.

Sous l'angle du parcours longitudinal complexe ou sous l'angle de la dynamique s'inscrivant dans une temporalité (le temps réel de l'écriture, par exemple) et révélant la "mise en texte", le processus peut intégrer des dimensions aussi variées que le contexte (social, culturel, historique, matériel) de production, les pratiques d'écriture en tant qu'inscrites dans des pratiques socio-cognitives - des courants comme la Literacy et l'anthropologie de l'écrit contribuent grandement à appréhender les pratiques et à ancrer l'écrit dans un contexte demandant à être interprété (Barton & Papen éds 2010, Fraenkel 2007) - les étapes du processus d'écriture, avec les phases de rédaction et de révision, par exemple (Fuchs et al. 1987), les opérations mentales telles que stipulées par la psychologie cognitive (voir Alamargot & Chanquoi 2001 pour une synthèse), l'écriture en temps réel, enregistrée grâce à des logiciels de suivi de rédaction (Leijten & Van Waes 2006), etc. Deux grandes questions semblent sous-tendre la mise en relation du texte et du processus de production, celle de l'interprétation, où le processus d'écriture est doté d'un pouvoir explicatif, et celle des contraintes, dont le potentiel explicatif n'est pas négligeable, mais dont la portée centrale semble être la saisie de la complexité de l'activité d'écriture puisqu'intégrant les dimensions temporelle, textuelle (le texte déjà-là ou encore la qualité même du texte), mémorielle, visuo-spatiale, neurocognitive, etc. (cf. Olive et al. 2008, Plane et al. éds 2010, Van Weijen et al. 2008). L'étude des contraintes d'écriture permet de faire dialoguer linguistique et psychologie, l'activité mentale étant confrontée à la matérialité linguistique et la textualité dont l'écrit produit est constitué.

Sous l'angle de la textualité, de la matérialité linguistique et de la finalité pragmatique, l'écrit en tant que produit ne se détache pas nécessairement d'une réflexion sur le processus, bien que la "mise en texte" elle même en reste au statut de boîte noire le plus souvent. Le poids des pratiques sociales, culturelles, institutionnelles dans la configuration et l'interprétation des textes est par exemple souligné par Candlin & Hyland éds (1999), qui s'intéressent aux pratiques (d'écriture) dans une perspective interdisciplinaire. L'observation des pratiques d'écriture est envisagée ailleurs comme une façon de mieux comprendre et mieux interpréter les textes (Bazerman & Prior éds 2004). Dans le même souci interprétatif, Bhatia (1993) conçoit une analyse des genres textuels d'un triple point de vue linguistique, sociologique et psycholinguistique, s'interrogeant sur les choix stratégiques du scripteur, par exemple. L'analyse de discours pose traditionnellement la question des "conditions de production" (cf. Courtine 1981), même si la relation entre celles-ci et le processus effectif d'écriture reste plutôt abstraite. Toujours dans l'optique de l'analyse de discours (CDA), Wodak (1992: 494, 525) s'interroge sur les relations entre compréhension de texte et production de texte et constate que les deux constituent des processus à la fois cognitifs et émotionnels. L'interface peut ainsi être questionnée à un niveau "macro-", qui tente d'articuler la dimension contextualisée, idéologique, interactionnelle et engagée de l'écrit (cf. Ivanič 1998, Hyland 2005, avec le concept de métadiscours) et le discours lui-même.

Si les questionnements sont multiples et la littérature très riche, il semble néanmoins apparaître qu'à l'heure actuelle des efforts restent à faire afin de mettre en commun les outils et les méthodes, et de tenter d'aller plus loin dans le dialogue entre les tenants des deux versants jusqu'à la formulation de problématiques bifaces. Ainsi, l'interface processus/produit est par ailleurs susceptible d'être questionnée par le prisme des phénomènes langagiers que l'on peut dégager de l'observation du processus d'écriture d'une part, de l'analyse des textes d'autres part. Il est évident que l'on ne les aborde pas avec les mêmes méthodes, mais dans quelle mesure pourrait-on considérer travailler sur les mêmes objets? Si, dans la tradition de la génétique textuelle, une réelle porosité des concepts et des méthodes est de mise (Fuchs et al. 1987, Fenoglio & Adam éds 2009), comment se nouent les fils des observables linguistiques à la croisée de la psycholinguistique et de l'analyse linguistique des textes et des discours? Par ailleurs, quelle est la part de description et la part d'explication (interprétation) dans ces différentes approches de l'écrit?

En multipliant les points de vue sur le processus et le produit, en insistant sur l'interface des deux, nous nous proposons de favoriser une réflexion générale sur le rapport entre "processus" et "produit" de l'écriture, et de contribuer ainsi à une approche interprétative de l'écrit et de sa dynamique. A partir de ces différents angles d’approche, nous examinerons les possibilités d’instaurer, au-delà de la différence des objets, un parcours cohérent entre le processus d’écriture dans sa dynamique observée en temps réel et le produit considéré dans l’optique de ses conditions formelles et de ses finalités pragmatiques. L’objectif est de voir comment des observations faites sur un versant permettent de faire avancer des hypothèses bâties sur l’autre, afin de tenter une approche mixte de l'interface processus/produit.

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Writing as a process and writing as a product are sometimes clearly distinguished, and sometimes they become confused. These two aspects are studied by various domains: Cognitive Psychology, Text Genetics, and Anthropology are interested in writing as a process, which is analyzed through different angles; Discourse Analysis or Text Analysis are concerned by the product, i.e. the written text or discourse. One possibility to grasp the process/product interface may sought to confront disciplines and to mix methodologies in order to verify to what extent the data that are provided by the study of the process are relevant to linguistic and interpretive approaches interested in the functioning of the text as a product, and vice-versa.

Cross-disciplinary issues have been formulated in recent years from various theoretical standpoints, and a number of works question the relationship between both aspects, or attempt to establishing a clear link between them. The pragmatics of writing developed in Perrin (2003) perfectly illustrates complex approaches to writing, by connecting the explicit or supposed communicative intentions with the writing strategies observed in situ.

In terms of either a complex longitudinal path or a dynamics falling within temporal constraints (the real-time of writing, for example) and revealing the way the text is shaped, the process implies various dimensions such as:

    • the context of production (social, cultural, historical, physical);
    • the writing practices articulated to the socio-cognitive habits - domains such as the Literacy and the anthropology of writing contribute to the description of these practices and help anchoring writing within contexts that need additional interpretation (Barton & Papen 2010, Fraenkel 2007);
    • the steps of the writing process, like composition and revision, for instance (Fuchs et al. 1987);
    • the mental operations stipulated by cognitive psychologists (see Alamargot and Chanquoy 2001, for a review);
    • the "real-time" process, recorded by key-stroke logging programs (like Inputlog, see Leijten & Van Waes 2006), etc.
Two fundamental questions seem to underpin the process and product articulation. The first one is about interpretation, where the writing process is ascribed an explicative potential. The second one is about the constraints - which also have an explicative power, although their main scope seems to be grasping the complexity of the writing activity through the temporal, textual, memorial, visual, neurocognitive, etc., dimensions (cf. Olive et al. 2008, Plane et al. éds 2010, Van Weijen et al. 2008). The study of the constraints that impact on writing connects Linguistics and Psychology, inasmuch as the mental activity is confronted with the linguistic materials and the textuality of writing as a product.

In terms of textuality, linguistic material and pragmatic issues, writing as a product is not necessarily separated from the reflexion on the process, even though the way the text is shaped remains "in the black box" more often than not. The impact of social, cultural and institutional habits during the process of shaping and interpreting the text is detailed in Candlin and Hyland (1999), who study writing practices from an interdisciplinary standpoint. The study of writing practices may also be considered as a cue to a better comprehension of texts (Bazerman & Prior 2004). The interpretive needs push Bhatia (1993) to propose a triple approach to text genres, from the point of view of Linguistics, Sociology and Psycholinguistics, by questioning the strategic choices of the writer, for example. Discourse Analysis is also traditionally concerned by the "conditions of production" (cf. Courtine 1981), although their effective relationship with the writing process stays unclear. In the frame of the Critical Discourse Analysis, Wodak (1992: 494, 525) is interested in the relationship between text comprehension and text production, and considers that both are cognitive and emotional processes at once.

The process/product interface may thus be questioned at a "macro-" level that attempts articulating the contextualized, ideological, interactional and engaged aspects of writing (cf. Ivanič 1998, Hyland 2005, with the notion of metadiscourse) and the discourse itself.

Although many researchers formulate the question of the process/product interface, it seems however that not enough effort have been made in order to bring together tools and methodologies, in order to promote a constant dialogue between the different domains and formulate a two-folded problematic. Indeed, the process/product interface may be analyzed through the language phenomena emerging both from the study of the process and from the study of the texts. While different methods are applied to these phenomena by different disciplines, to which extent may we consider working on the same objects? Text Genetics already stipulates porosity between concepts and methods (Fuchs et al. 1987, Fenoglio & Adam, 2009), and it would be fruitful to observe the articulations about linguistic features at the crossroads of Psycholinguistics and Text or Discourse Analysis. How do description and interpretation (explication) correlate and oppose in different domains concerned by the study of writing?

The workshop aims at contributing to an interpretive approach to writing and its dynamics. It will favor a general scope on the process/product interface by offering the possibility to multiply the points of view on both the process and the product and their links. The possibility of installing a coherent path from the real-time dynamics of the writing process to the product anchored in its formal dimensions and its pragmatic functioning thus will be examined. The issue is to see the way results provided by different domains may nurture each other to develop a mixed approach of the process/product interface.