Questions de société
L'

L'"autonomie" selon le MESR. Un exemple édifiant (SLU - 24/06/09)

Publié le par Bérenger Boulay

L'« autonomie » selon leMinistère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Un exempleédifiant. Communiqué de SLU (24 juin 2009)

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article2777

Unedécision unilatérale du Ministère de l'Enseignement supérieur et de laRecherche vient d'être rendue publique : elle ôte à l'Université Paris8 une de ses composantes, l'Institut Français d'Urbanisme (IFU), pourla rattacher à l'Université de Paris-Est/Marne-la-Vallée.

Résumons les faits : l'Institut Français d'Urbanismeest une composante de l'Université Paris 8 depuis sa fondation en 1969.A l'époque, il n'était pas situé très loin du site principal del'Université Paris 8 qui se trouvait dans le bois de Vincennes. Entre1980, date du déménagement forcé de l'Université à Saint-Denis et 2005l'IFU a continué sans problème majeur - ni scientifique, ni financier,ni logistique - à se développer comme une des composantes del'Université Paris 8, largement autonome dans ses choix puisquerelevant de l'article 33 sur les Instituts. Un des fondateurs de l'IFU,Pierre Merlin, a même été élu à la Présidence de l'Université Paris 8 àla fin des années 1970. Depuis 2005, un débat a été ouvert : une partiede l'IFU demandant un rattachement de cette composante à une universitéplus proche, territorialement parlant, à savoir l'Université de ParisEst-Marne-la Vallée. A plusieurs reprises, les instances élues de Paris8, après en avoir débattu, ont affirmé leur désaccord avec cetteproposition. Passant outre cette position très claire de l'université,la direction de l'IFU s'est adressée directement au Ministère detutelle en lui demandant d'intervenir. Ce dernier, sans même débattrede la chose, a décidé de trancher en donnant tort aux instances élueset légitimes de l'Université Paris 8.

S'il peut donc certes être fait état, pour justifiersemblable décision, de considérations logistiques, d'aspirationsindividuelles ou de synergies scientifiques qui ne sont pas absurdes,il n'en reste pas moins que la chose demeure confondante dès lors quel'on se penche sur les faits et sur la méthode adoptée. A conditiontoutefois de considérer qu'une université n'est pas un simple agrégatdes intérêts d'individus ou de groupes circonscrits.

Passons sur le fait que la décision intervient à lasortie d'un mouvement dans lequel l'université pénalisée par cettedécision ministérielle - Paris 8 - a été l'un des établissements lesplus mobilisés. Passons aussi sur le fait qu'on ne puisse dire que ladirection de l'université qui « bénéficie » de cette décision aitbrillé par son opposition à la politique gouvernementale. Passons enfinsur le fait que la décision datée théoriquement du 26 mai dernier a étécommuniquée au seul recteur de l'Académie de Créteil et qu'elle n'a ététransmise que le 16 juin à l'Université Paris 8. Ce n'est pas là ce quicompte le plus en effet.

Ce qui importe c'est la méthode suivie et la façon dontla chose est mise en oeuvre par notre Ministère de tutelle. En premierlieu, la décision est prise sans que les instances régulièrement éluesde l'Université Paris 8 aient été consultées - ni le Président, ni lesconseils centraux. En second lieu, la décision est prise sans que leMinistère ait sollicité le moindre avis du CNESER. Enfin, elle fait fides règles élémentaires d'attribution des moyens aux établissementspublics, ce qui est un cas unique pour la transformation du périmètred'un établissement d'enseignement supérieur. L'autoritarisme etl'arbitraire dominent donc dans l'ensemble de ce processus. Au momentmême où est en train de se conclure le « dialogue stratégique » lié aufutur plan quadriennal de l'Université Paris 8, cette forme de dépeçagea lieu au mépris de la position officielle affichée maintes fois parles conseils centraux unanimes de cette université, comme si c'étaitbien là une communauté universitaire tout entière qu'il s'agissait de« punir ».

Le gouvernement, pensant avoir « gagné » contre lesuniversitaires qui ont lutté plus de quatre mois contre sa politique,considère sans doute qu'il peut désormais se permettre n'importe quoi.Il agit d'ailleurs avec une précipitation étonnante. L'injonction estclaire et ne souffre pas la moindre discussion : tout doit être réglé(transfert des biens et des personnels, nouvelle intégration) d'ici lemois de septembre 2009. Et, cela va sans dire, aucune mesure decompensation, tant pour les locaux que pour les postes perdus, n'a étéenvisagée !

Depuis la mi-mai se sont accumulées les interventionsrectorales et les pressions ministérielles pour contraindreuniversitaires et présidents rétifs à l'application de la loi LRU ou deses décrets d'application à rentrer dans le rang. On tient là uneparfaite illustration de la conception de l'autonomie universitaire quiprévaut en haut lieu.

L'« autonomie » octroyée a donc pour limite permanentela volonté politique du gouvernement. Un avertissement est-il ainsilancé par ce dernier à toute institution qui serait tentée de lui êtrepar trop hostile ? En tout cas, quoi qu'il en soit, la voie est ouverteà une sorte de foire aux Instituts qui pourraient bien voir d'autrescomposantes d'université demander au nom d'arguments théoriquementaudibles un changement de rattachement - dont on peut imaginer qu'ilfera l'objet d'âpres négociations et de contreparties. Bref, voilà unenouvelle pierre posée pour l'édification de la concurrence de touscontre tous chère à ceux qui nous gouvernent. Voilà aussi unencouragement à la destruction programmée de ce qui peut rester desolidarités internes et de vision collective au sein des universités.

Bienvenue dans un monde meilleur !