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L’acteur et le handicap

L’acteur et le handicap

Publié le par Thomas Parisot (Source : François Bon)

Laboratoire La présence et limage & Atelier de Recherche Théâtrale (Université Rennes 2 - Haute Bretagne)
Théâtre de lEntresort (Morlaix)
Le Campement - Saint-Jacques de la Lande (Rennes sud)

Je ne sais ni parler ni écrire, je suis infirme en parole et empêché en pensée. Cest le contraire dune aisance, dune maîtrise, le contraire dun don. (...) Sil est doué, si lartiste est doué, cest dun manque. Sil a reçu quelque chose, cest quelque chose en moins. (V. Novarina, Entrée dans le théâtre des oreilles, 1980.)
Sans jouer abusivement sur les mots, peut-être pouvons-nous effectivement partir de lidée dune absence ou dun manque pour examiner ce qui saccomplit dans la présence en excès de lacteur. Parce que lexpérience esthétique, aujourdhui, se nourrit davantage du tremblé des figures que de laccomplissement de la forme, de la trajectoire du geste que de son résultat, quelque chose dune vérité de lacte artistique est en jeu dans ce travail du manque, dans son appel vers le plein. Ainsi en va-t-il, particulièrement, lorsque nous assistons à leffort de celui qui savance sur la scène de son personnage : tout à la fois manquant à lui-même, à la continuité de son être, et comblant ce vide momentané par lemprunt dune parole et dun agir étrangers.
Définir lacte artistique par lexploration dun manque, ce peut être, aussi, créer le terrain dune rencontre avec ceux que leurs propres failles menacent de rejeter à la lisière de la vie sociale. Car si tout comédien peut décider de la plus ou moins grande visibilité quil donnera à ce travail du manque, lacteur handicapé mental, lui, na pas le choix. Il ne peut ni cesser dêtre ce quil est (pourtant, comme tout artiste, il le poussera jusquaux frontières du possible), ni surtout le faire oublier un seul instant au public. Même la démonstration de ses compétences techniques (celles dune reconnaissance musicale de la hauteur des voix, par exemple), parce quelle restera décalée en regard de nos attentes, ne pourra effacer la coupure qui se manifeste entre lui et lautre du personnage, tenu à bout de bras. Obligé de rester sur le seuil dune vie psychique qui lui demeure étrangère, menacé par les défaillances dune trop courte mémoire, lacteur handicapé nous fait souvenir que les paroles quil prononce - et que toutes les paroles de théâtre, avec elles - sont soufflées.
Ce sont donc les potentialités scéniques et dramaturgiques de cette " distanciation " par défaut que nous proposons dexplorer au cours de ces journées, en prenant appui sur le travail des acteurs handicapés de Cat@lyse et des étudiants qui, au sein dun Atelier de Recherche Théâtrale, ont exploré avec eux pendant deux années universitaires les territoires du dialogue et de léchange artistiques. Parmi les questions qui pourront être traitées :
- " Limperfection apparaît comme un tremplin qui nous projette de linsignifiance vers le sens " (A. G. Greimas, De limperfection, 1987). Vers quel(s) sens nous projettent les imperfections du jeu de lacteur handicapé?
- Dans le jeu avec lacteur handicapé, quels sont les manques que peut explorer, pour sa part, lacteur non handicapé?
- EN FACE de ceux qui étaient demeurés de ce côté-ci, un HOMME sest dressé EXACTEMENT semblable à chacun deux et cependant (par la vertu de quelque opération mystérieuse et admirable) infiniment LOINTAIN, terriblement ÉTRANGER, comme habité par la mort (...) (T. Kantor, Le Théâtre de la mort, 1975). Cette définition de lacteur peut-elle être appliquée (et avec quels ajustements?) à lacteur handicapé?