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Le milieu (MSH Clermont-Ferrand)

Le milieu (MSH Clermont-Ferrand)

Publié le par Marc Escola (Source : Pierre Souq)

« Le milieu »

Journées d’études / Colloque

Jeudi 16 ou vendredi 17 janvier 2020,

à la Maison des Sciences de l'Homme de Clermont-Ferrand (63)

 

I. Programme

8h45-9h00
Accueil ouverture.

9h-10h00
Alain Petit (UCA)
Milieu et vacuité

10h-11h00
William Niéra (Sorbonne Université/Laval Québec)
Le mi-lieu de la caverne de Platon

11h-11h15 Pause

11h15-12h15
Bruce Bégout (Univ. Bordeaux)
Milieu et ambiance. De l’influence à la résonance, ou le tournant atmosphérique des théories de l’environnement.

12h15 Pause repas

14h-15h
Augustin Berque (EHESS)
Du milieu entre logos et lemme selon Yamauchi (1890-1982).

15h-16h
Pierre Souq (UCA)
"Au milieu de l’étant" avec Heidegger, à l’approche du Geviert.

16h-16h15 Pause

16h15-17h15
Vincent Gérard (UCA)
"L’animal n’a aucune question, ni par conséquent aucune réponse". Instinct de curiosité et monde environnant chez Husserl.

17h15-17h45
Conclusion et perspectives

 

II. Argumentaire

Dans la présentation de son Glossaire de mésologie (2018), Augustin Berque rappelle que la « mésologie » a été créé par le médecin Charles Robin au XIXe siècle en tant que « science des milieux ». Tout comme ce terme, rapidement remplacé par celui d’ « écologie » (Ökologie) sous l’influence d’Ernst Hæckel, le « milieu » a d’abord disparu des sciences naturelles au bénéfice de celui d’ « environnement », plus à même de qualifier le monde objectif au sein duquel les êtres vivants interagissent.

Le mot « milieu » est ambivalent. D’origine grecque, si mésos (μέσος) signifie effectivement « milieu », il renvoie d’abord à une valeur quantitative qui montre ce qui se trouve entre deux choses, c’est-à-dire le point qui divise une mesure en deux parties égales. Il s’agit d’un « entre-deux » que l’on retrouve dans middle en anglais et Mitte en allemand. Rapporté au vivant, le milieu serait l’interface qui sépare le sujet de l’environnement. Dans Streifzüge durch die Umwellen von Tieren und Menschen (1934), le biologiste belge Jakob von Uexküll rejette, lui, le terme d’environnement (Umgebung) au profit de celui de milieu (Umwelt). Selon lui, tous les êtres vivants vivent dans un « milieu » en raison de significations (Bedeutung) vitales qui leurs sont propres, lesquelles déterminent à la fois des perceptions et des actions particulières. Chaque sujet vit ainsi dans un milieu (Umwelt), regroupant un monde perceptif (Merkwelt) et un autre actif (Wirkwelt), au sein duquel chaque individu d’une même espèce se retrouve. Plusieurs difficultés surgissent. La première est manifeste dans les traductions françaises du titre de l’ouvrage de von Uexküll. La première traduction, établie par Philippe Muller en 1965, donne Mondes animaux et monde humain, la seconde, produite par Charles Martin-Freville en 2010, propose Milieu animal et milieu humain. Si la formulation du titre original reste ambigüe quant à l’attribution du pluriel « die Umwellen », le choix des termes de « milieu » ou de « monde » peuvent montrer des enjeux théoriques différents. Y a-t-il donc « un » milieu animal et « un » milieu humain ou bien « plusieurs » milieux pour les animaux et pour les Hommes ? Y a-t-il « plusieurs » mondes pour les animaux mais « un » seul pour les êtres humains ? Y a-t-il un « milieu » pour les animaux mais un « monde » pour les humains ? Et puis pourquoi séparer a priori le milieu des animaux de celui des humains ? D’autre part, le terme allemand d’Umwelt comporte le terme de « monde » (Welt) qui pourrait sembler plus juste en français. C’est ainsi qu’est traduit sans polémique ce terme lorsqu’il s’agit des textes de Martin Heidegger, dont on sait l’influence qu’a pu avoir von Uexküll sur sa pensée (l’Umwelt devient alors « monde ambiant »). Du coup, le choix des termes est-il disciplinaire, celui de « milieu » convenant plus à une science naturelle qui questionne son rapport à l’environnement, et celui de « monde », plus philosophique, posant des problèmes notamment phénoménologiques et ontologiques ?

Il semblerait qu’au-delà d’une définition quantitative du terme de « milieu », il existe une qualité intermédiaire permettant de comprendre le rapport du sujet au monde. Dans ce sens, le « milieu » n’est pas tant le point qui se situe entre le sujet et le monde qu’une médiation qui comporte à la fois les marques du sujet et celles du monde. Si cette médiation (que Berque appelle « médiance ») relève de l’existence humaine selon Heidegger, comment penser le milieu, qui peut prendre, peut-être, les noms de « place » (Stelle), de « contrée » (Gegend), de lieu (Ort), de « maison » (Heimat) ou de « hutte » (Hut), sans lui donner une réalité plus grande ? Si de fait, l’architecture prend en compte une structure spatiale et physique afin de permettre à l’Homme d’y « habiter », quelle est la place laissée au milieu entre l’habitat et le sujet ? Enfin, dans le cadre d’une anthropologie de la technique, André Leroi-Gourhan a montré qu’il existe un « milieu technique », à l’intersection d’un « milieu intérieur », composé de déterminants biologiques et de valeurs culturelles, et d’un « milieu extérieur », c’est-à-dire d’un environnement, lui aussi nécessaire à l’ouverture du geste et à sa concrétisation dans le monde sous la forme de l’outil ou de l’œuvre (éventuellement de l’œuvre d’art). S’il existe là aussi une médiation entre deux milieux différents, comment comprendre le mouvement qui permet de les joindre ? En définitive, une pensée du milieu, peut-elle se dispenser d’une ontologie réaliste ?

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Responsables :

Vincent Gérard                                                                        Pierre Souq

Professeur de Philosophie                                                       Agrégé / Doctorant