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Approches linguistiques de corpus littéraires (Paris)

Approches linguistiques de corpus littéraires (Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : François Rastier)

Journée d’étude

Approches linguistiques de corpus littéraires

2 décembre 2015

Centre Universitaire de Norvège à Paris, CUNP

Fondation Maison des Sciences de l'Homme, 190, Avenue de France, 75013 Paris

 

Organisateurs :

Anje Müller Gjesdal François Rastier Andreas Romeborn

 

Programme

Salle 1
09.30-09.45 : Introduction

09.45-10.45 : François Rastier : De près et de loin : détour instrumental et objectivation dans l'étude de la littérature.

10.45-11.45 : Margareta Kastberg Sjöblom : La tragédie lyrique, genre naissant au XVIIe siècle : Etablissement et exploration d'un corpus patrimonial

11.45-12.00 : Discussion

12.00-13.15 : Déjeuner

Salle 3
13.15-13.45 : Andreas Romeborn : Une figure en position saillante : la syllepse à la fin des

poèmes de Francis Ponge

13.45-14.15 : Anna Vogel : Le concret et l’abstrait dans la poésie de Tomas Tranströmer

14.15-14.30 : Pause

14.30-14.45 : Alexandre Gefen : L'analyse quantitative de la littérature, promesses et limites

14.45-15.15 : Anje Müller Gjesdal : L’Opoponax et sa traduction en norvégien : apports et limites d’une analyse basée sur des corpus

15.15-15.45 : Discussion générale

 

Résumés

Alexandre Gefen, CNRS-Université Paris 4
L'analyse quantitative de la littérature, promesses et limites

En sciences humaines comme en science dures, les numérisations massives des textes et des données produisent depuis plus d’une décennie des big data ou long data ouvrant des pistes de recherche novatrices. Mais les méthodes critiques qui les accompagnent ont des enjeux épistémologiques, institutionnels et pédagogiques considérables. Dans ce qu’on appelle désormais les « humanités numériques », la lecture à distance de corpus constitués par des cartes et graphes offre une forme spécifique de savoir et un paradigme méthodologique et épistémologique qu’il importe de saisir dans toute sa puissante heuristique, sans se laisser entraîner par l’idée naïve d’une production transparente de savoirs par moissonnage des corpus, masse de données qui restent des artéfacts muets en l’absence d’une herméneutique spécifique.

 

Anje Müller Gjesdal, Ecole nationale des hautes études commerciales de Norvège

L’Opoponax et sa traduction en norvégien : apports et limites d’une analyse basée sur des corpus
L’Opoponax de Monique Wittig (1965) a été traduit en norvégien en 1966. Dans ce roman, l’utilisation du pronom ‘on’, ainsi que le recours à un réseau complexe de références intertextuelles, permettent de représenter l’enfance et une subjectivité de portée universelle. Or, le système pronominal norvégien n’ayant pas d’équivalent pour ce ‘on’, la traduction nécessite le recours à d’autres pronoms et des constructions impersonnelles et passives, ce qui neutralise la dominance de ‘on’ de la version originale. En outre, le développement d’une sensibilité artistique, élément central de ce roman, se base dans une large partie sur des références intertextuelles, qui ne sont pas aisément accessibles aux lecteurs et traducteurs norvégiens. Dans cette communication, nous présentons une analyse de ces éléments linguistiques à partir d’un corpus numérique, en comparant l’Opoponax et la traduction norvégienne avec les traductions français-norvégien dans le corpus Oslo Multi-lingual Corpus.

 

Margareta Kastberg Sjöblom, Université de Franche-Comté, EA 4661 ELLIADD

La tragédie lyrique, genre naissant au XVIIe siècle : Etablissement et exploration d'un corpus patrimonial

Ce travail s’intéresse à l'analyse textométrique d'un genre particulier et à une époque particulière de l'histoire de France. Il s'agit de la naissance de l'opéra français, sous le régime de Louis XIV. La constitution d’un fonds numérisé permet une exploitation transversale, hypertextuelle et multidimensionnelle. L’exploration textométrique permet d’analyser la structure, la morphosyntaxe, et le lexique, fournissant ainsi des éléments pour l’interprétation et la connaissance d’un genre et d’un discours.

François Rastier, CNRS (ER-TIM, INaLCO)

De près et de loin : détour instrumental et objectivation dans l'étude de la littérature.

Le romantisme tardif du vécu esthétique et l’antirationalisme de la déconstruction s’accordent pour rejeter comme non pertinente voire impertinente toute approche objectivante de la littérature. On l’a vu jadis avec le structuralisme, décrété périmé ; on le voit à présent avec l’étude instrumentée des corpus littéraires. Si l’on accepte l’objectif d’une objectivation, il faut cependant écarter toute convention positiviste qui confondrait les sorties logicielles avec des interprétations : la démarche herméneutique s’en trouve renforcée dans sa dimension critique.

Il faut cependant pour cela pouvoir articuler l’approche monographique, voire micrologique, qui légitime à bon droit les singularités, avec l’approche sérielle qui cherche à prendre la mesure des normes textuelles de genre et de discours.

L’application des méthodes et des instruments de la linguistique de corpus à la connaissance objective de la littérature exerce enfin un effet en retour sur la linguistique elle-même, car elle se trouve confrontée à de nouveaux observables qui sont autant de défis.

 

Andreas Romeborn, Université de Göteborg

Une figure en position saillante : la syllepse à la fin des poèmes de Francis Ponge

Alors que certaines figures de rhétorique font l’objet de nombreuses recherches, la syllepse ne semble pas avoir suscité le même intérêt. Dans la tradition rhétorique, le cas de la syllepse
« oratoire » a été traité d’abord par Du Marsais (1730) puis, notamment, par Fontanier (1830). Aujourd’hui, la syllepse est généralement mentionnée dans les dictionnaires ou les manuels de stylistique et de rhétorique, mais peu d’études approfondies lui ont été consacrées. Pourtant, cette figure mérite attention, comme en témoigne un ouvrage collectif sur le sujet (Chevalier & Wahl 2006). Nous lui avons consacré une thèse de doctorat (Romeborn 2013) qui traite plus particulièrement de cette figure chez Francis Ponge : notre analyse se base sur un corpus constitué de 90 textes de cet auteur. Selon la définition que nous avons proposée, la syllepse est une figure jouant sur la polysémie ou l’homonymie des unités lexicales et consistant à employer un même mot (i.e. une occurrence de mot) dans deux sens différents. S’inscrivant dans le prolongement de notre étude, cette communication proposera une analyse – à la fois quantitative et qualitative – de la distribution des syllepses dans les textes du corpus choisi. Plus particulièrement, nous nous intéresserons à l’apparition de cette figure à la fin des textes, qui semble être un endroit privilégié pour l’emploi des syllepses chez Ponge.

 

Anna Vogel, Université de Stockholm

Le concret et l’abstrait dans la poésie de Tomas Tranströmer

Comme l’ont montré certaines études littéraires, le poète suédois Tomas Tranströmer, lauréat du Prix Nobel 2011, utilise des « éléments concrets » dans ses poèmes (Schiöler 1999). Et selon l’un de ses traducteurs, les «images situationnelles » décrites par le poète frappent notamment par leur évidence et leur clarté (Neuger 2011). Par ailleurs, Tranströmer a une réputation d’être plus facile à traduire que d’autres poètes suédois (Pietrass 2002). Or, on peut constater que, mis à part quelques travaux d’étudiants, très peu de travaux linguistiques ont été menés jusqu’à présent sur les poèmes de Tranströmer. Nous avons pour notre part effectué une étude linguistique des métaphores et des métonymies employées dans les textes de Tranströmer (Vogel 2015). La présente communication vise à explorer si les poèmes de Tranströmer contiennent plus d’« éléments concrets » que ne font les poèmes de deux autres poètes suédois contemporains, Jesper Svenbro et Gunnar D Hansson. Nous nous intéresserons également à la manière dont les auteurs étudiés utilisent des éléments concrets pour construire des métaphores. Notre recherche s’organise en deux volets. En premier lieu, nous analyserons les éléments concrets représentés dans trois poèmes de Tranströmer ainsi que dans deux poèmes de Jesper Svenbro et de Gunnar D. Hansson. En deuxième lieu, les métaphores de cinq poèmes différents seront étudiées dans le but de voir si la construction des métaphores chez Tranströmer est différente de celle des métaphores utilisées par Svenbro et Hansson.