Marc Aurèle est-il bien ce philosophe stoïcien régulièrement convoqué, au même titre que Sénèque ou Épictète, par les tenants d'une éthique du souci de soi ? Dans Droiture et mélancolie. Sur les écrits de Marc Aurèle (Verdier), Pierre Vesperini procède à un nouvel examen des écrits de l'auteur, croisés avec toutes les autres sources, exceptionnellement nombreuses, dont nous disposons. Il montre que, conformément à une pratique courante dans l'Antiquité, Marc Aurèle utilise les "discours philosophiques" pour "rester droit", lorsque l'âme est ébranlée par les affects produits par le monde extérieur ou par le déséquilibre des humeurs, notamment de l'humeur mélancolique. Il revèle surtout que le "soi" visé par les pratiques éthiques n'est pas un "soi" intérieur, mais un "soi" tout extérieur, entièrement soucieux du regard des autres, et de donner la plus belle image possible. La "droiture" ne consiste pas en l'adoption d'un "mode de vie" spécifique, mais au contraire en l'adoption d'un mode de vie le plus conforme possible aux attentes sociales, en fonction du statut de chacun. Il rappelle enfin que l'éthique philosophique n'est jamais coupée du religieux, dans la mesure où "bien vivre", c'est "vivre avec les dieux". Rappelons à cette occasion la récente réédition des Pensées pour moi-même aux Belles Lettres.