Questions de société
Diplômes du Vatican homologués en France : la riposte s'organise (Rue 89 02/06/2000)

Diplômes du Vatican homologués en France : la riposte s'organise (Rue 89 02/06/2000)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : sorbonneengreve.revolublog)

Diplômes du Vatican homologués en France : la riposte s'organise

Par Catherine Kintzler | Philosophe | Rue 89 02/06/2009

http://www.rue89.com/2009/06/02/diplomes-du-vatican-homologues-en-france-la-riposte-sorganise

Catherine Kintzler, philosophe et professeur émérite à l'Université de Lille 3 nous a envoyé cette tribune au titre du Collectif pour la promotion de la laïcité. Celui-ci, inquiet de l'accord entre la France et le Vatican sur la reconnaissance des diplômes,organise ce mercredi avec quinze parlementaires une conférence depresse pour demander l'annulation du décret. Par ailleurs, une pétition sur ce sujet a déjà recueilli 12 000 signatures.

Dans la lignée des discours sur la « laïcité positive » prononcés par Nicolas Sarkozy à Latran et à Riyad,la France a signé le 18 décembre avec le Saint-Siège un accord ayantpour objet « la reconnaissance mutuelle des grades et des diplômes del'enseignement supérieur délivrés sous l'autorité de l'une desparties ».

Cela veut dire qu'un diplôme délivré par l'enseignement supérieurcatholique habilité par le Saint-Siège sera reconnu, à niveaucomparable, par la République. On peut lire ici le décret du 16 avril 2009.

A première vue, pas de quoi s'alarmer : ce genre d'accord estfréquemment signé avec d'autres Etats européens… Alors pourquoi pas leSaint-Siège ? C'est un Etat comme un autre, et puis nous sommes dans unvaste mouvement de reconnaissance des diplômes au niveau européen.

Sauf que le Saint-Siège n'est pas un Etat comme un autre.

Dirigé par un monarque, il ne fait pas partie de l'Union européenne,laquelle impose des conditions démocratiques pour toute admission,conditions que le Saint-Siège ne remplit pas.
Et, comme chacun sait, ce n'est pas seulement un Etat : c'est uneinstance religieuse fixant une doctrine qu'elle a pour mission derépandre - une puissance religieuse prosélyte.

La République Française, supposée « laïque et sociale »

La République ne l'empêche nullement de répandre sa parole dans lasociété civile, mais, jusqu'à nouvel ordre, elle ne lui accorde aucuneprérogative dans le champ des compétences publiques.
Démocratique, la République française n'est pas comme un autre Etat démocratique : elle est de plus « laïque et sociale ».

Elle laisse ses chercheurs et universitaires travailler librementsans leur fixer d'objectif idéologique ou religieux. Elle leur interdittoute propagande, tout prosélytisme dans le cadre de leur enseignement,a fortiori dans celui des diplômes.

Lorsqu'on lit de près le décret, on s'aperçoit qu'il reconnaît auSaint-Siège la compétence pour nommer les établissements catholiquesconcernés par l'accord - on comprend alors que la nouvelle ait étéaccueillie par nombre d'instituts catholiques avec une certaineréticence.

Il y a là un consentement donné par la République à une éventuellereprise en main par le Vatican de l'enseignement supérieur catholiquefrançais, qui se fait ainsi court-circuiter (voir l'analyse parue dansLe Monde « Décret France-Vatican, flou et mécontentement »). Et pour faire bonne mesure, l'accord porte sur toutes les disciplines.

Double violation du principe constitutionnel de laïcité

Faisons la fiction d'un établissement habilité par le Saint-Siègequi délivrerait un doctorat en médecine comportant un moduleobligatoire d'éthique médicale condamnant les préservatifs, lescontraceptifs et l'IVG…

Est-ce le rôle de la République française, démocratique, laïque etsociale, de reconnaître des diplômes délivrés par une puissancemonarchique religieuse dont l'une des fins est la propagande et leprosélytisme ?

Réciproquement, est-ce le rôle d'un Etat laïque de s'immiscer dansles affaires religieuses en se prononçant sur le contrôle quel'enseignement catholique supérieur français devrait recevoir de telleou telle instance religieuse ?

Faire entrer les affaires religieuses dans le champ de l'autoritépublique, accorder à l'autorité publique le droit de mettre son nezdans les affaires d'une religion : il y a là une grave et doubleviolation du principe constitutionnel de laïcité.

De plus, l'accord court-circuite le Parlement, qui est pourtant seulcompétent car seule la voie législative peut prendre des dispositionsen la matière.
Cela fait beaucoup.
Alors pourquoi avoir signé un tel accord, si ce n'est pour démolir unefois de plus la laïcité, et pour réduire une fois de plus l'action dela représentation nationale ?

Une saisine du Conseil d'Etat pour excès de pouvoir est en préparation.

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