Essai
Nouvelle parution
D. Rabaté, Marie N'Diaye.

D. Rabaté, Marie N'Diaye.

Publié le par Marc Escola

Dominique Rabaté

Marie N'Diaye.


Coédition CulturesFrance/éd. Textuel, Paris, France
Collection : Auteurs
Prix : 19.00 € / 124.63 F
ISBN : 978-2-84597-300-8
GENCOD : 9782845973008


Sorti le : 28/08/2008

La présentation de l'éditeur

Un CD audio d'archives sonores, des documents visuels, un essai critique : une triple approche pour une plongée vivante et argumentée dans la littérature française contemporaine.

Tel est le parti pris de la collection «Auteurs». Elle a pour ambition de donner accès aux ressorts intimes de la création littéraire, à ses questionnements, à ses hésitations.

La voix de Marie NDiaye se livre ici dans deux entretiens avec Pau la Jacques (Cosmopolitaine, 2001 et 2005). L'analyse de Dominique Rabaté prolonge ces conversations. Ce livre est le premier consacré à l'oeuvre de Marie NDiaye, à la singularité de ses motifs. Dans un parcours en quatre temps (l'étrangeté, la famille, le théâtre, les pouvoirs et les limites de la parole), il rend compte de l'extraordinaire force d'émotion d'une écriture qui sait aller au plus loin dans l'écoute de la douleur d'être.

Un CD audio est joint à ce livre.
«Entretiens avec Marie NDiaye»
Marie NDiaye / Paula Jacques extraits des émissions «Cosmopolitaine» des 4 novembre 2001 et 13 février 2005, France Inter, enregistrements des archives de l'INA, l'Institut national de l'audiovisuel.

Dominique Rabaté
est professeur de littérature contemporaine à l'université de Bordeaux III, où il dirige le Centre de recherches sur les modernités littéraires.
Il a dirigé et publié de nombreux ouvrages, notamment sur Louis René des Forêts et sur le roman français.

Les premières lignes

Etrangetés

Le lecteur qui entre dans l'oeuvre de Marie NDiaye est immédiatement saisi par un sentiment d'étrangeté. Le monde où il pénètre est soumis à des règles dont les lois lui échappent, mais dont la logique s'avère implacable. «J'aime que le livre relève de l'étrangeté. Comme lorsqu'on s'approche de très près d'une affiche et qu'on ne voit plus qu'une somme de petits points. Le dessin d'ensemble disparaît et la chose que l'on voit devient curieuse, bizarre, incompréhensible [...].» «Mettre de l'étrange sans recourir à l'irréalité [...]», tel est bien le programme auquel obéit son oeuvre singulière.

Cette étrangeté, on peut l'approcher par plusieurs biais. Commençons chronologiquement, en remarquant d'abord l'étonnante précocité de l'écrivain qui publie à dix-huit ans son premier roman : Quant au riche avenir, au titre déjà surprenant, suit les pensées torturées d'un jeune adolescent analysant en trois temps ses relations avec son amie, avec sa tante et enfin avec l'école. Ce livre, à la syntaxe savante, s'éloigne des représentations stéréotypées pour livrer tout le raffinement de pensée de l'adolescence. Là où on attendrait un journal en première personne, c'est un récit mental et construit qui se donne à la troisième personne, comme si le narrateur voulait justement se mettre à distance de lui-même, ce jeune Z, dont il entreprend de dire le monde. Et la première page signale que c'est précisément «l'étrangeté» des rapports distants qu'il entretient avec sa tante qui l'a conduit à cette habitude de l'auto-analyse. Comédie classique, le deuxième livre de Marie NDiaye, publié à l'âge de vingt ans, est une sorte de tour de force : il raconte, en une seule phrase gigantesque qui court sur une centaine de pages, la journée «la plus éprouvante» de son héros, traversée par le cortège de ses amis et de ses parents, jusqu'à la catastrophe finale (le cousin Georges prend feu dans son appartement), mais selon un mode qui se joue des codes et des conventions romanesques.

C'est sans doute avec son troisième roman, La Femme changée en bûche, que la jeune romancière trouve plus nettement sa manière, qu'elle déclinera avec virtuosité jusqu'à La Sorcière : ce fantastique renouvelé où diables et sorciers existent selon des modèles dégradés, à la limite de la parodie, dans un monde qui ne reconnaît plus leur grandeur et où les anciennes figures des forces surnaturelles ne sont plus qu'anachronismes gênants, témoins de relations qui n'ont plus cours, dans des familles volatiles et fuyantes, comme si subtilement et indiscutablement toute l'échelle des valeurs sociales avait basculé.

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On peut lire sur le site nonfiction.fr un premier article sur cet ouvrage:

"Aux côtés de Marie N'Diaye", par Margot Demarbaix.