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Croyances et mythes en Orient : Marina Warner, La fuite en Égypte ou l’accueil de l’étranger/Paul-André Claudel, Salammbô/Salomé: Flaubert illustré sous le signe de Salomé, ou la confusion des femmes fatales  (Séminaire TIGRE «Mythes et Illustration»)

Croyances et mythes en Orient : Marina Warner, La fuite en Égypte ou l’accueil de l’étranger/Paul-André Claudel, Salammbô/Salomé: Flaubert illustré sous le signe de Salomé, ou la confusion des femmes fatales (Séminaire TIGRE «Mythes et Illustration»)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Evanghelia Stead)

Marina Warner (écrivain, Professor of English and Creative Writing, Birkbeck College, University of London; Distinguished Fellow, All Souls College, Oxford)

La fuite en Égypte ou l’accueil de l’étranger

Raconté dans les sources chrétiennes et islamiques, le voyage entrepris par Marie, son mari, et l’enfant Jésus/Issa s’est inscrit dans le territoire lui-même, où il a inspiré un pèlerinage qui continue jusqu’à nos jours. La persécution et la misère restent à la base des déplacements mondiaux, et la fuite en Égypte, dans la version coranique ainsi que biblique, préfigure les diasporas et la migration forcée de nos jours. Je proposerai de voir dans la longue existence de cette histoire qu’elle révèle le rôle que joue l’imaginaire pour établir les lieux de mémoire. Je considérerai de célèbres représentations de la fuite en Égypte dans la tradition visuelle, et les multiples légendes qui se sont accrues, y compris celles qui concernent ‘le jardin où le vrai saint-baume fut cultivé’ et où Marie a logé pendant son exil.


Paul-André Claudel (Université de Nantes)

Salammbô/Salomé
Flaubert illustré sous le signe de Salomé, ou la confusion des femmes fatales                                                                                             

« Jamais, moi vivant, on ne m’illustrera », s’offusque Flaubert en 1862, alors que Michel Lévy songe à une édition illustrée de son roman carthaginois. Si l’auteur refuse catégoriquement une mise en images de son récit, il ne pourra empêcher que son personnage devienne, aussitôt après sa mort, une source d’inspiration majeure : dès la fin du xixe siècle, Salammbô est un objet iconographique autonome, dépassant largement le roman qui lui a donné naissance. Le corpus d’œuvres plastiques qui se sont inscrites, d’une façon ou d’une autre, dans le sillage de Salammbô – gravures, tableaux, sculptures – est tout à fait conséquent, comme l’a montré notamment Gisèle Séginger (Salammbô dans les arts, 2017). Une exposition itinérante, inaugurée à Rouen en 2021 et actuellement accueillie par le MUCEM de Marseille (« Salammbô : Fureur ! Passions ! Éléphants ! ») détaille toutes les facettes de ce succès.

Dans cette constellation, les éditions illustrées, particulièrement nombreuses – Victor Poirson (1887), Gaston Bussière (1921), François-Louis Schmied (1923), Suzanne Lagneau (1923), William Walcot (1926), Alméry Lobel-Riche (1935), pour ne citer que les principales – composent un sous-ensemble fascinant, et méritent une analyse : il s’agira moins de relever les scènes retenues par les illustrateurs, les « ambiances » suggérées et les symboles mis en valeur – en observant combien Flaubert était fondé à craindre le travail de l’illustratore-traditore – que de repérer, derrière ces Salammbô de papier, la présence d’une autre femme fatale, venue cette fois du Nouveau Testament : Salomé, fille d’Hérodiade. Cette Salomé/Salammbô – associée à la danse, à la séduction et à la mise à mort – est une créature hybride, qui affecte notre propre appréciation du roman, et crée un singulier effet de lecture. « Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre », elle nous montre un jeu de contaminations et d’échos à l’œuvre entre les deux figures féminines.