Questions de société
Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales. Composition du conseil et allocution de V. Pécresse (AFP, SLU 02/09/09)

Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales. Composition du conseil et allocution de V. Pécresse (AFP, SLU 02/09/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Le Conseil des humanités et des sciences sociales est en place - AFP (2 septembre 2009)

Le "Conseil pour le développement deshumanités et des sciences sociales" a été installé mercredi avec unetrentaine de membres et devra définir d'ici un an une "visionstratégique" pour ces disciplines, selon le ministère de l'Enseignementsupérieur et de la Recherche. "Le progrès des sciences que l'on dit parfois +dures+ n'a jamaissigné la fin des humanités et des sciences sociales" qui "ont aucontraire tout pour nous éclairer", a déclaré la ministre ValériePécresse aux membres de ce nouveau conseil.
Ses travaux devront permettre "de définir une vision stratégique"pour ces disciplines, en adoptant une meilleure synergie entreuniversités, écoles et organismes de recherche. Les propositions émises devront aussi "clarifier les enjeux deformation et d'insertion professionnelle des diplômés" issus de cesformations, "favoriser l'excellence académique et la compétitivité","accroître l'ouverture vers la société et l'économie", tout enaméliorant leur visibilité internationale.
Le conseil, présidé par Marie-Claude Maurel, directrice d'étude àl'EHESS et directrice du Cefres (Centre français de recherche ensciences sociales) est constitué de chercheurs etenseignants-chercheurs comme François Dubet, Alain Renaut ou AlainTrannoy et de personnalités extérieures dont Jacques Julliard (anciendirecteur d'études à l'EHESS en histoire, éditorialiste au NouvelObservateur), Bruno Patino (directeur de France Culture), Jean-RobertPitte (ancien président de Paris-Sorbonne) ou Franck Riboud (PDG dugroupe Danone).
Le ministère a précisé que les enseignants-chercheurs pouvaientparticiper aux débats en envoyant leurs contributions à l'adressecdhss@recherche.gouv.fr ou via le sitewww.enseignementsup-recherche.gouv.fr.
En juin la ministre avait déclaré vouloir créer ce Conseilnotamment "pour mettre un terme à l'incompréhension et à la méfiance"entre le gouvernement et les enseignants-chercheurs de ces matières.

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Composition du conseil ici: http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid48762/composition-conseil-pour-developpement-des-humanites-des-sciences-sociales.html

PRESIDENTE :

puce-32883.gif MarieClaude MAUREL – Directrice d'études à l'EHESS – Directrice du CEFRES(Centre Français de Recherche en Sciences Sociales, Prague)

MEMBRES DU COLLEGE SCIENTIFIQUE

puce-32883.gif Madeleine AKRICH - Directrice du Centre de Sociologie de l'innovation (CSI) de l'Ecole des Mines ParisTech
puce-32883.gif Jean-Paul CAVERNI – Président de l'Université de Provence/ Aix-Marseille I
puce-32883.gif AntoineCOMPAGNON – Professeur au Collège de France (Chaire de Littératurefrançaise moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie)
puce-32883.gif StanislasDEHAENE – Professeur au Collège de France (Chaire de Psychologiecognitive expérimentale) - Directeur de l'unité mixte INSERM-CEA 562 deNeuroimagerie Cognitive
puce-32883.gif Philippe DESCOLA – Professeur au Collège de France (Chaire d'Anthropologie naturelle).
puce-32883.gif FrançoisDUBET – Professeur à l'Université Bordeaux II-Victor Segalen etDirecteur d'Etudes à l'EHESS (Centre d'Analyse et d'InterventionSociologiques – CADIS)
puce-32883.gif JonELSTER – Professeur, Chaire Robert King Merton (University of Columbia)- Professeur attaché au collège de France (« Rationalité et sciencessociales »)
puce-32883.gif Claudio GALDERISI – Professeur à l'Université de Poitiers – Directeur du Centre d'Etudes Supérieures de Civilisation Médiévale
puce-32883.gif Claude GAUVARD – Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne/Paris I
puce-32883.gif Michel GRIMALDI – Professeur à l'Université Panthéon-Assas/Paris II
puce-32883.gif Gérard GRUNBERG – Directeur de recherche CNRS au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po)
puce-32883.gif Anne-MarieGUIMIER-SORBETS – Professeur à l'Université Paris X – Directrice duCentre de recherche « Archéologies et sciences de l'Antiquité » au seinde la Maison René Ginouvès
puce-32883.gif Gilles LAURENT –Professeur, Département Marketing de HEC
puce-32883.gif Christiane MARCHELLO-NIZIA – Professeur émérite à l'Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines de Lyon
puce-32883.gif Horst MÖLLER – Professeur à l'Université de Munich (Histoire contemporaine) et Directeur de l'Institut für Zeitgeschichte
puce-32883.gif Philippe MONGIN – Directeur de recherche au CNRS et Professeur à HEC
puce-32883.gif Jean-RobertPITTE – Professeur à l'université Paris-Sorbonne /Paris IV (Chaire deGéographie Humaine) – Ancien président de Paris-Sorbonne – Membre del'Institut
puce-32883.gif Alain RENAUT – Professeur à l'Université Paris-Sorbonne/Paris IV (Chaire de philosophie politique et éthique)
puce-32883.gif Jean-Frédéric SCHAUB – Directeur d'études à l'EHESS (« L'institution des autorités » – Histoire comparée)
puce-32883.gif Aldo SCHIAVONE – Directeur de l'Institut Italien de Sciences Humaines
puce-32883.gif Alain TRANNOY – Directeur d'études à l'EHESS (Groupe d'Etudes et de Recherche en Economie publique)

MEMBRES DU COLLEGE DES PERSONNALITES QUALIFIEES

puce-32883.gif Jean-Louis ETIENNE – Médecin et explorateur
puce-32883.gif Jacques JULLIARD – Historien- Editorialiste
puce-32883.gif Bruno PATINO – Directeur de France Culture
puce-32883.gif Franck RIBOUD – PDG et président du comité exécutif du Groupe Danone
puce-32883.gif Serge VILLEPELET – Président de PricewaterhouseCoopers France

RAPPORTEUR DES TRAVAUX DU CONSEIL

puce-32883.gif Edouard HUSSON – Professeur à l'Université d'Amiens (Histoire des conflits contemporains)

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Allocutionde Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de larecherche, à l'occasion de l'installation du Conseil pour ledéveloppement des humanités et des sciences sociales (2 septembre 2009)

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article2907

Madame la Présidente, chère Marie-Claude Maurel,Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

Permettez-moi tout d'abord de vous le dire, je suis particulièrementheureuse de vous accueillir aujourd'hui. C'est, je le sais, unprivilège rare que de s'exprimer devant une telle assemblée. D'emblée,je tiens donc à vous remercier très chaleureusement d'avoir accepté moninvitation et la proposition qui l'accompagnait.

Car vous le savez, si je tenais à vous réunir dès le début du moisde septembre, c'est au nom d'une très belle cause, une cause qui vouschère, une cause que j'ai depuis longtemps fait mienne : celle deshumanités et des sciences sociales.

On les dit parfois en crise. On les estime souvent marginaliséesdans un monde où règnerait la seule loi de l'utilité immédiate.L'antienne est connue : combien de fois n'a-t-on pas dressé l'acte dedécès des humanités ! Combien de fois n'a-t-on pas remis en causel'existence des sciences sociales, parce qu'on s'interrogeait sur leurstatut exact, sur leur rigueur ou sur leurs méthodes ?

Mais ces sombres pronostics ont toujours été démentis. Le progrèsdes sciences que l'on dit parfois « dures » n'a jamais signé la fin deshumanités et des sciences sociales. Bien au contraire, il les anourries, il les a stimulées, il leur a offert un nouveau souffle.

Et il en va de même des évolutions sociales, qui n'ont jamaisfragilisé ces disciplines, mais les ont toujours confortées. La raisonen est simple : elles seules nous permettent de comprendre et de nousretrouver dans ces changements qui sont parfois si nombreux qu'ilsmenacent tous les repères intellectuels, sociaux et scientifiques quenous avions patiemment construits.

Dans un monde où les changements globaux se multiplient, leshumanités et les sciences sociales n'ont donc rien de savoirssuperflus, reliquats d'une époque surannée où les arts et les lettrestenaient toute la place, faute de mieux.

En des temps incertains, elles ont au contraire tout pour nouséclairer : qui peut nous aider à penser la crise, si ce n'est deséconomistes, des juristes, des historiens, des géographes, desphilosophes, des sociologues, des anthropologues et de tous ceux qui,parce qu'ils étudient nos langages, nous apprennent parfois à nousdéprendre des mots que nous utilisons ?

Dépasser le pathos de l'actualité la plus immédiate pour porter unregard critique, réfléchi et mesuré sur les événements : telle est eneffet la marque des humanités et des sciences sociales. Elles donnent ànos esprits du mouvement pour aller plus loin et c'est cela, Mesdameset Messieurs, qui les rend infiniment précieuses.

C'est pourquoi la société de la connaissance ne se conçoit pas sansdes sciences humaines et sociales fortes. Car il n'y a pas d'innovationsans esprit critique, il n'y a pas de rupture scientifique ettechnologique sans goût du décentrement, de la déconstruction et de lacomplexité. Et ces qualités, c'est grâce aux humanités et aux sciencessociales que nous les cultivons.

A l'heure de la bataille mondiale de l'intelligence, la traditionfrançaise d'excellence dans ces disciplines est un atout toutsimplement exceptionnel. La France peut être fière de ses scienceshumaines et sociales, fière d'être le pays de Bloch, de Febvre et deBraudel, de Lévi-Strauss, de Mauss et de Durkheim, de René Cassin et deBarthes, de Foucault, de Girard et de Derrida.

Ce n'est pas qu'une question de prestige ou de magistère moral etintellectuel. C'est un atout social, un atout qui a fait et ferabeaucoup pour la grandeur et la compétitivité de notre pays. Maisencore faut-il reconnaître aux humanités et aux sciences sociales leurjuste place. Et je me dois de l'ajouter, encore faut-il que cesdisciplines ne craignent pas de l'occuper…

*

Car, je le sais, bien des craintes et bien des inquiétudestraversent la communauté des sciences humaines et sociales. Lemouvement du printemps dernier l'a montré : c'est en son sein que lesinterrogations sont les plus vives.

Mais à mes yeux, les craintes et les inquiétudes qui s'y exprimentdépassent largement le champ des mutations actuelles. Car c'est aussiet peut-être même d'abord sur sa place dans la société tout entière quela communauté des humanités et les sciences sociales s'interroge.

Le contraste est en effet frappant : d'un côté, les spécialistes deshumanités et des sciences sociales sont chaque jour sollicités pourintervenir dans les médias et faire ainsi vivre le débat public. Leurparole est attendue et écoutée, leur prestige est immense.

Mais d'un autre côté, l'image de la culture littéraire ne cesse des'infléchir : la part de la subjectivité et de la sensibilité y estsurvalorisée, aux dépens de la rigueur, du sens de la démonstration etde l'esprit d'analyse que les humanités et les sciences socialesrequièrent tout autant que les sciences dites « dures ».

Cette image est fausse. Elle entretient le sentiment que leshumanités et les sciences sociales constituent un univers certesrespectable, mais parfaitement étanche et que les qualités qu'ellesdéveloppent ou les savoirs qu'elles établissent n'ont pas d'influencesur la vie de la nation ou d'utilité dans la vie professionnelle.

C'est cette image qu'il nous faut changer. Elle fait en effet de lasingularité des humanités et des sciences sociales une faiblesse. Avec,en retour, un risque : celui que la communauté ne s'enferme dans cettespécificité, à laquelle elle se trouve en permanence renvoyée.

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Rien ne serait plus préjudiciable. C'est pourquoi j'ai souhaité quela communauté des sciences humaines et sociales puisse engager laréflexion sur les questions qui se posent aujourd'hui à elle et mettreen évidence la fécondité de son regard singulier.

Pour ce faire, j'ai décidé de faire renaître le Conseil pour ledéveloppement des humanités et des sciences sociales. Créé par ClaudeAllègre en 1998 et présidé par Alain Supiot, le Conseil avait conduitdes travaux remarquables sur l'organisation et l'avenir de la rechercheen sciences humaines et sociales. Christine Marchello-Nizia, qui enétait membre, pourrait, j'en suis sûre, en témoigner !

Avec acuité, le Conseil avait ainsi mis l'accent sur les grandsdéfis de la politique des sciences de l'homme et de la société, enappelant notamment à un décloisonnement des disciplines, à une refontede l'évaluation, à l'internationalisation de la recherche, audéveloppement de l'édition scientifique ou bien encore à une réformeprofonde des règles de financement et d'administration de la recherche.

Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, dès 1998, le Conseil avaitsoulevé bien des questions essentielles. Nombre de ses conclusions ontété mises en oeuvre : je pense en particulier au développement desmaisons des sciences de l'homme ou à la création des instituts d'étudesavancées, qui font aujourd'hui partie des fleurons de notre système derecherche.

Beaucoup a ainsi été fait. Mais beaucoup reste encore à faire :c'est au nouveau Conseil qu'il reviendra de poser les grandes lignesdirectrices d'une politique des sciences de l'homme et de la sociétépour les dix années à venir. Aussi lui faudra-t-il sans doute élargirle champ de sa réflexion.

Car en 1998, le Conseil, conformément à sa mission d'alors, s'étaitconcentré sur les questions de recherche. Il n'avait du même couprencontré qu'incidemment les questions de formation, et notamment cellede l'insertion professionnelle des étudiants. Nul doute qu'il en iraautrement au sein du nouveau Conseil : la formation comme la rechercheseront au coeur de vos réflexions.

Vos travaux, Mesdames et Messieurs, entreront sans nul doute enrésonance avec ceux du groupe « Sciences humaines et sociales » de lastratégie nationale de recherche et d'innovation.

La présence de son Président, Philippe Descola, et de plusieurs deses membres, comme Alain Trannoy et Jean-Frédéric Schaub, permettronttout naturellement d'assurer une continuité certaine entre vosréflexions. Je m'en réjouis, car les conclusions du groupe étaientparticulièrement riches et stimulantes. Je suis sûre qu'ellesnourriront donc vos débats et vos analyses.

Il sera d'autant plus passionnant de les suivre que le nouveauConseil pour le développement des humanités et des sciences socialessera riche d'une double ouverture.

Ouverture à la société française, tout d'abord, grâce aux 5personnalités qualifiées qui ont accepté de siéger à vos côtés. Etquelles personnalités, puisque participeront à vos débats trois chefsd'entreprises, un universitaire qui est aussi un grand éditorialiste etun explorateur qui nous a fait si souvent rêver !

D'autres expériences viendront ainsi alimenter votre réflexion surl'avenir des sciences humaines et sociales. J'en suis extrêmementheureuse, car comment pourrait-on renforcer la reconnaissance socialede ces disciplines sans faire entrer au sein du Conseil ces regardsdifférents, mais toujours précieux ?

Ouverture à la diversité des pratiques internationales, ensuite, carle Conseil comptera dans ses rangs les Professeurs Horst Möller et AldoSchiavone. Permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de les remercier avecune chaleur particulière : ils enrichiront le conseil de leur point devue, qui est non seulement celui de scientifiques de très haut niveau,mais aussi d'excellents connaisseurs des systèmes allemand et italiend'enseignement supérieur et de recherche.

Mais nombreux sont également ceux qui, parmi vous, ont eu l'occasiond'observer de près les systèmes étrangers. Certains, comme vous, cherJon Eslter, les pratiquent même encore quotidiennement. Cetteexpérience, j'en suis certaine, éclairera vos réflexions d'un journouveau : car les questions que nous nous posons aujourd'hui, lesgrandes nations scientifiques du monde ont dû et doivent encore yrépondre.

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Ces questions sont en effet au coeur de toute politique en matièred'enseignement supérieur et de recherche : comment garantir l'insertionprofessionnelle des étudiants ? Comment accroître le rayonnement denotre recherche ? Comment reconnaître les projets les plus novateurs ?

Sur chacun de ces sujets, la communauté des humanités et dessciences sociales doit faire entendre sa voix singulière, non pouraffirmer une irréductible spécificité, mais pour enrichir notrecompréhension des défis qui s'offrent à nous et esquisser des solutions.

Sur l'insertion professionnelle, par exemple : pour qui resteprisonnier d'une approche mécanique du lien entre formation et emploi,il est facile de dresser un portrait caricatural des sciences humaineset sociales, qui seraient alors l'archétype des « filières sansdébouchés ».

D'où une tentation que nous connaissons parfois, celle de refusertoute ouverture professionnelle et d'affirmer par contrecoup lagratuité du savoir et de la culture, qui sont à elles-mêmes leurspropres fins. Mais céder à cette tentation, c'est confirmer le jugementque l'on voulait réfuter. Et c'est aussi s'enfermer dans des débatsqui, très vite, pourraient se révéler stériles.

Car étudier les humanités et les sciences sociales, ce n'est passeulement se faire une culture et aiguiser son intelligence, c'estaussi acquérir dans le même mouvement des compétences et des aptitudes,qui ont tout pour intéresser les recruteurs, du public comme du privé.

J'en veux pour preuve la présence au sein de ce conseil dedirigeants d'entreprises prestigieuses. Ils n'ont pas hésité un instantà accepter la proposition que je leur faisais : je tenais à les enremercier tout particulièrement.

Cher Frank Riboud, cher Serge Villepelet, vous adressez ainsi untrès beau signe aux étudiants de ces filières, le signe de votreintérêt pour leur formation et leur intelligence, bien sûr, mais ausside votre envie de vous engager au service de la reconnaissance socialeet professionnelle de leurs études.

C'est pourquoi les sciences humaines et sociales pourraient à mesyeux devenir les pionnières de la professionnalisation par lescompétences, avec un seul objectif : celui de garantir à chaqueétudiant qu'il aura, à la fin de ses études, tous les atouts en mainpour faire valoir les qualités qui sont les siennes.

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De la même manière, les sciences humaines et sociales ont tout pourfigurer à l'avant-garde de la réflexion sur l'évaluation ou, pourutiliser les termes du rapport d'Alain Supiot, la « valorisation » dela recherche.

Car les humanités et les sciences sociales sont, par nature,particulièrement conscientes des difficultés qui accompagnent laconstruction d'une position objective. C'est en effet l'un de leurssujets de réflexion privilégiés.

Forte des enseignements de l'épistémologie, de la sociologie, de laphilosophie ou de l'anthropologie, la communauté des sciences humaineset sociales est sans doute la mieux à même de proposer des règles pourla construction d'un évaluation réfléchie et, pour tout dire, bienpensée. Et j'en suis certaine : de telles réflexions ne tarderaientalors pas à essaimer dans les autres disciplines, contribuant ainsi àaiguiser notre compréhension et notre pratique de l'évaluation.

Une chose est sûre : rien ne serait plus préjudiciable à mes yeuxque d'opposer à toute tentative d'évaluation le fait que les scienceshumaines et sociales échappent par nature à l'objectivation. Sans doutel'objectivité est-elle toujours à construire et imparfaite. Mais poserson impossibilité dans ces disciplines, ce serait les vider de leursens même.

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Au coeur de vos réflexions, il y aura également, j'en suis sûre,l'organisation de l'activité de recherche en sciences humaines etsociales.

Car si les individualités étaient par tradition plus fortes dans cesdisciplines, de plus en plus nombreux sont aussi les chercheurs quiéprouvent le besoin d'associer d'autres approches et d'autresspécialités à leur réflexion. Et c'est bien souvent ainsi que naissentles projets de recherche les plus féconds et les plus novateurs.

A ce besoin de décloisonnement épistémologique répond laconstruction de lieux où les sciences humaines et sociales seretrouvent : je pense par exemple aux maisons des sciences de l'homme,qui sont devenues des espaces privilégiés pour l'interdisciplinarité etle travail en équipe, mais aussi aux instituts d'études avancées, quiparticipent du même mouvement de questionnement des frontièresdisciplinaires ; et bien entendu à l'Institut SHS du CNRS qui va devoirtrouver toute sa place dans le nouveau paysage de la recherchefrançaise.

Aux formes traditionnelles de la recherche collective qu'étaient lecolloque et le séminaire s'en juxtaposent donc de nouvelles, au risque,parfois, de donner l'impression de multiplier les entités transversales.

Celles-ci sont sans aucun doute nécessaires, mais la place et lafonction de chacune reste à définir. Sur ce sujet comme sur tous lesautres, j'ai hâte de connaître le fruit de vos réflexions.

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Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, c'est un large champ quis'ouvre aux réflexions du Conseil. Les sujets que je viens d'évoquersont de simples pistes et je ne doute pas qu'au fil de vos travaux,beaucoup d'autres sujets ne se présentent à vous.

Car qu'il s'agisse des grandes infrastructures de recherche, del'avenir de l'édition et de la traduction ou bien encore des débuts decarrière des jeunes doctorants, nombreux sont les sujets que vousrencontrerez sans doute. Là encore, je serai heureuse d'entendre lesanalyses et les propositions que vous pourrez formuler à ce sujet.

Je sais que sur chacune de ces questions, vous aurez à coeur deprendre en compte le nouvel environnement de la formation et de larecherche, qui vivent désormais à l'échelle européenne etinternationale. Maurice Godelier et tous ceux qui, avec lui, avaientréfléchi au rôle essentiel des sciences humaines et sociales dans laconstruction d'un espace européen de la recherche, l'avaientparfaitement souligné en 2002.

Connaissant l'intérêt que chacun de vous porte à ces questions, etsingulièrement votre présidente, Marie-Claude Maurel, je sais que vousmettrez l'accent sur ce nouvel espace où se déploient vos disciplines.

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Mes derniers mots seront pour vous, Madame la Présidente. Vous avezaccepté la lourde tâche de conduire les travaux du Conseil et, àtravers lui, de faire vivre au sein de la communauté universitaire uneréflexion capitale sur l'avenir des sciences humaines et sociales.

Je tenais à vous en remercier très chaleureusement. J'ai bienconscience qu'en vous confiant cette mission, je vous arrache un peu àvotre centre de Prague, auquel vous êtes si profondément attachée.

Mais rares sont ceux qui, comme vous, conjuguent parcours académiqueexemplaire, connaissance intime de l'université, mais aussi desorganismes de recherche et enfin intérêt pour les sciences humaines etsociales dans leur ensemble.

Grâce à vous, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs lesmembres du Conseil, la réflexion va s'engager, une réflexion qui, vousl'aurez compris, est à mes yeux capitale pour l'avenir non seulementdes sciences sociales et des humanités, mais également pour lerayonnement et la compétitivité de la grande nation scientifique qu'estla France.

C'est pourquoi je crois nécessaire que cette réflexion soit la pluslarge et la plus ouverte possible : ensemble, nous pourrons alorsconstruire des réponses aux questions qui nous sont désormais posées.Je ne peux donc que vous souhaiter d'excellents et de fructueux travauxet vous donner rendez-vous en décembre, pour un premier point d'étapesur vos réflexions et vos propositions.

Je vous remercie.