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Le désir de belle radio aujourd'hui : le documentaire (Montpellier)

Le désir de belle radio aujourd'hui : le documentaire (Montpellier)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Pierre-Marie Héron)

 
Université Paul Valéry Montpellier 3 / site Saint-Charles 2 / Auditorium 

Lundi 15 novembre 14h-20h & mardi 16 novembre 9h-17h

Tramway ligne 1 / arrêt « Place Albert 1er »


Colloque organisé par Éliane Beaufils (Paris 8), Christophe Deleu (université de Strasbourg, Centre universitaire d’enseignement du journalisme/Sage, et auteur radio), Pierre-Marie Héron (Montpellier 3) et Florence Vinas-Thérond (Montpellier 3), avec le concours d’Irène Omélianenko, documentariste et ex-conseillère de programme pour le documentaire et la création sonore à France Culture, en partenariat avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et Addor.

Le colloque sera ouvert par la productrice franco-australienne Kaye Mortley, bien connue de tous ceux qui œuvrent dans ce domaine.

Durant le colloque, deux performances live de créations sonores documentaires seront faites par leurs auteurs : lundi 18h, Bouilleur de crû de Benoit Bories (en version concert multicanale 8.1), mardi 11h30, Amazonas PhoNosynthesis de Stéphane Marin.

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Il y a eu, dans les années 1970-1980, la pléiade des grands noms : José Pivin, René Jentet, Andrew Orr, Jean Couturier, Yann Paranthoën, René Farabet… Il y a eu les mémorables documentaires sonores (on préfère longtemps dire « film radiophonique ») de l’Atelier de création radiophonique (1969-2011… 2018), peaufinés en équipe ou en solitaire des semaines durant. Et ceux de Nuits magnétiques (1978-1999) avec Jean Daive, Olivier Kaeppelin, Franck Venaille, Jean-Pierre Milovanoff et d’autres, qui en prenaient le contrepied, en quête de mondes sonores plus librement composés, plus improvisés parfois, et de relations avec les auditeurs plus directes, familières et "magnétiques". Il y a eu en Arles à partir de 1989, avec Kaye Mortley qui venait de l’ACR, les ateliers de « documentaire sonore de création » de Phonurgia Nova – ça continue aujourd’hui. Il y a eu les années 2000, grandes années de reconnaissance et d’explosion du genre – et, en 2009, la création de l’Addor, Association pour le développement du documentaire radiophonique. Il y a eu Sur les docks (2006-2016), Les passagers de la nuit (2009-2011), Création on air (2015-2019), les podcasts d’Arte radio (ça continue) et il y a aujourd’hui LSD. La série documentaire (depuis 2016), L’Expérience (depuis 2019), des radios associatives (Radio Grenouille, Radio Campus, Jet FM...) et des auteurs indépendants (Floy Krouchi, Olivier Minot, Benoit Bories, Stéphane Marin…). Et ailleurs, côté programmes francophones, il y a Par Ouï-dire en Belgique, Le Labo en Suisse et les productions du site Magneto au Canada. Il y a eu l’engouement des années 2010 pour le webdocumentaire, les formes courtes, le son en binaural et en multicanal – aubaine pour tous ceux qui travaillent sur la spatialisation du son in situ et trouvent bien limitées les possibilités acousmatiques et compositionnelles de la radio ou du podcast. Il y a aussi depuis le milieu des années 2010, avec l’essor du podcast, une invisibilisation progressive du « documentaire », mot absent aujourd’hui des nouvelles plateformes de podcast. Et il y a, dans tout cela, un désir de belle radio, pour explorer et faire entendre le monde à travers des formes originales ou du moins élaborées.


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Lundi 15 novembre

14h      Ouverture, par Pierre-Marie Héron, Christophe Deleu, Irène Omélianenko

Modération : Pierre-Marie Héron

14h15  Grand témoin : Kaye Mortley
Quelques réflexions sur « le beau documentaire » et sa difficulté d’être ici et ailleurs

Le poète dit :
La vérité est beauté, la beauté vérité ˗ voilà tout ce que l'on sait en ce bas monde, et tout ce que l'on a besoin de savoir...
Derrière ce couple vertueux se profile l'ombre d'un « bien » forcément à venir.
Et le bien, le beau, et le vrai se constituent en triumvirat redoutable auquel le documentaire est (souvent) censé faire obéissance...
Mais le documentaire est fait de bouts de réel...
Et le réel est imparfait, désordonné, désobéissant...

15h15 Marion Chénetier-Alev
Les documentaires africains de José Pivin 

José Pivin entre aux services de Radio France en 1959, et devient l'un de ces réalisateurs qui ouvrent le documentaire à sa dimension créative, le trempant dans des milieux encore inexplorés par la radio. Emmenant le magnétophone au cœur de l'Afrique, il produit entre 1975 et 1977 une série d'émissions qui explorent la réalité africaine, dont nous commencerons à analyser la facture singulière.

16h     Pause

Modération : Christophe Deleu

16h15  Philippe Langlois (en visio-conférence)
À la conquête du réel

Le documentaire radiophonique s'appuie par définition sur un document sonore, une trace, une empreinte, un morceau de réalité prélevé au temps à travers lequel il est possible de témoigner. De 2002 à 2011, l'Atelier de création radiophonique de France Culture, piloté par Frank Smith et Philippe Langlois, a cherché à explorer une infime portion de ce genre. À travers le regard ‒ pour ne pas dire l'oreille ‒ de nombreux artistes, à travers des formes variées, créatives et sensible, il a été tenté d'aborder ce territoire infini d'une manière singulière. Un retour sur dix années de création documentaire et un panorama ouvert sur quelques tentatives d'essais radiophoniques loin d'être achevées aujourd'hui. 

17h      Portraits de documentaristes : Elise Andrieu, Sophie Simonot, Marc-Antoine Granier
Table ronde animée par Irène Omélianenko

Échange avec et entre trois documentaristes sur leur pratique du documentaire. Pour l'une l'essentiel est dans l'émotion, le deuxième jongle entre les mots et les sons, la troisième a abordé maints rivages sonores. Comment cet autre pays qu'est le documentaire leur est-il parvenu ? À partir de quel moment et pourquoi se sont-ils/ elles sentis documentaristes ? Quel est le fragment documentaire qu'ils nous feront entendre pour partager leur univers ? Leur territoire documentaire est-il un éternel enchantement, ou bien les modalités contemporaines modifient-elles leur parcours ?

18h      Pause

18h10  Benoit Bories
La création sonore hors du champ de la radiodiffusion et du podcast

18h50-20h Bouilleur de crû (2021), une performance live de Benoit Bories. Création sonore documentaire et acousmatique proposée en version concert multicanale 8.1 (huit haut-parleurs). Coproduction Faïdos Sonore et Le Labo RTS Culture, avec le soutien de la DRAC Occitanie et du Centre d'art et design La Cuisine. Durée 1h10.

Marc connaît le métier de bouilleur de crû depuis son enfance, où il suivait parfois ses parents en tournée de distillation. Il travaille dans son atelier pour les locaux mais passe beaucoup de temps à promener ses alambics dans toute la région. Ses étapes sont les mêmes depuis plusieurs décennies. Il a noué des liens forts et pu entretenir des relations sur la longueur avec les paysans pour lesquels il distille. Chacun de ses arrêts est une occasion de prendre des nouvelles et collecter de nouvelles histoires. Mises bout à bout, elles créent une cartographie sonore des réalités d’un monde paysan que Marc connaît depuis sa naissance.
 

Mardi 16 novembre

MATIN

Modération : Christophe Deleu

9h        Antoine Chao
La formation au documentaire au CREADOC

Quand, porté par le numérique et les nouvelles pratiques d’écoutes, l’engouement pour le sonore explose, l’enjeu de la formation et de la transmission des savoirs est crucial pour accompagner de nouveaux talents à s’exprimer pleinement.

9h45   Simone Douek
Le non-sonore à la radio


Il y a parfois des situations qui semblent des apories. Comment faire entendre un tableau accroché à un mur, un sourire énigmatique, des montagnes qui se dessinent sur l'horizon, un panneau annonçant l'entrée d'une ville, une friche au milieu d'une rivière, un film muet qui défile sur un écran ?
On pourrait dire que l'on se trouve devant cette contradiction de vouloir faire entrer dans un creuset sonore et invisible une image réelle qui se déploie devant nos yeux. Il faudrait plutôt parler d'un paysage invisible qui se révèle dans le champ radiophonique par la mobilité du son. 
Comment retrouver le trajet qui mène au son, déplier, mettre en mouvement une image fixe, être à l'écoute du muet pour imaginer sa sonorité, afin de tendre vers la création d'un objet esthétique ? 

10h30  Pause

Modération : Irène Omélianenko

10h45   Stéphane Marin
Vers une « belle » écoute ?

À travers une trajectoire toujours aux frontières, entre écoute des espaces et espaces d’écoutes, Stéphane Marin témoignera ici de son parcours d’écritures sonores situées, plutôt hors les murs, et radicalement hors La Radio. 
Il fera état de sa pratique phonographique déployée au sein d’expériences, de rituels et de dispositifs d’écoutes partagées in situ, comme l’auxiliaire de ce qui pourrait être un des hors-champs du documentaire, entendu comme sa condition de réception, voire d’émergence : une « belle » écoute, tout au moins une écoute « autre ».

11h35-12h05 Amazonas PhoNosynthesis (2020), une performance live de Stéphane Marin. Production EspaceS SonoreS. Durée : 30 mn.

« Il nous faut écouter battre le cœur des arbres, car les arbres sont comme nous, des êtres vivants » (Sunderlal Bahuguna, porte-parole du mouvement Chipko).
Stéphane Marin nous propose une plongée dans les paysages sonores re-composés d’une (in)certaine Amazonie. De la Tres Fronteras (Colombie ‒ Pérou ‒ Brésil) à la côte caribéenne, des périphéries au centre de Medellìn, cette autre jungle andine… Cette phoNosynthèse sera opérée inclusivement en live aux trois frontières vivantes et vibrantes des bio, géo et anthropo- phonies.

12h     Déjeuner

 APRÈS-MIDI

 Modération : Florence Vinas

14h     Marie-Laurence Rancourt
Esquisse pour une émancipation par le son

Alors que le podcast connaît une popularité phénoménale, comment préserver le « beau documentaire » non pas uniquement en le fondant et le justifiant uniquement par ses aspects esthétiques, mais également, au regard des possibilités émancipatrices qu’il offre, des chaînes de libération qu’il peut produire, induire ? Comment le fond et la forme, dans le « beau documentaire » peuvent-ils se rencontrer pour donner vie à des créations qui, mieux que les autres, peuvent contribuer à ouvrir sur des expériences relatives à nos mondes sociaux, et ce, afin de contribuer à les transformer ? 

14h45   Ella Waldmann
Le soupçon de la fiction : le podcast S-Town, aux frontières du réel

Le podcast documentaire américain S-Town (2017) a été perçu comme « trop beau pour être vrai » en raison de sa littérarité revendiquée. Cette communication se propose d’étudier ce qui se joue lorsqu’un documentaire sonore s’empare des codes du roman, genre traditionnellement associé à la fiction. Les ambitions littéraires peuvent-elle porter atteinte à la visée documentaire d’une œuvre ? Nous verrons comment S-Town, en tant que création sonore pour le podcast, interroge à sa manière les frontières du réel, de la vérité et de la vraisemblance.

15h30  Pause

 Modération : Eliane Beaufils

15h45   Fanny Dujardin
Écrire avec les voix des autres : quels enjeux éthiques derrière le « beau documentaire » ?

Les documentaristes radio écrivent avec les voix des autres : ils et elles sollicitent, enregistrent, manipulent et resituent les paroles d'autrui pour créer un récit second. Quels sont les enjeux éthiques de ce processus de création ? En quoi la définition d'une esthétique documentaire (journalistique, poétique, ethnographique ...) engage-t-elle différentes manières de "traiter" la parole de l'autre, social ou culturel, depuis la situation d'enregistrement jusqu'au montage ?

16h30  Séverine Leroy
L’auctorialité des documentaristes au sein du circuit de production de France Culture

Comment se met en place le geste artistique qui préside à la création d’un beau documentaire ? Comment s’organise-t-il ? Car il existe un hiatus entre le rôle du producteur délégué, responsable de son projet depuis la proposition adressée au producteur de l’émission ciblée jusqu’à la phase de mixage qui assurera le « prêt à diffuser » et les rôles d’une équipe technique dédiée au projet. Plusieurs questions sont alors en jeu dans le processus de création d’un documentaire de création. Peut-on parler d’une circulation de l’auctorialité au sein des duos éphémères que représente l’association producteur délégué-réalisateur ?

17h15  Mot de clôture. Fin du colloque.