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Interactivité & éthique (Montpellier)

Interactivité & éthique (Montpellier)

Publié le par Romain Bionda (Source : Catherine Ruchon)

COLLOQUE Interactivité & éthique
16-17 Octobre  2018

Université Paul-Valéry Montpellier 3

La mise en avant des postures ludiques, de l’interaction homme / machine dans les pratiques numériques, de la fragmentation des contenus dans les dispositifs transmédia et de l’idée d’une culture participative (Jenkins, 2006), à l’inclusion des pratiques informationnelles (Weisz-Myara, 2012, Hermida, 2012) et des littéracies numériques (Aigrain, 2009), a construit l’interactivité non plus seulement comme un atout mais comme une valeur. Or cette dernière, rapidement intégrée dans les usages comme un allant-de-soi s’avère largement impensée. Adossée par principe à la rétroaction (notamment des dispositifs techniques), elle vaut désormais pour toute coopération réactive en temps réel. Ainsi, dans les discours circulants, on peine désormais à reconnaître de l’interaction – et moins encore de l’intersubjectivité – sous l’interactivité ou à discerner cette dernière de la participation (des publics). D’autres rapports à la notion relèvent de l’intrication : l’augmentation des données l’intègre, l’intelligence de nos objets techniques (ou de nos villes "du futur") l’incorpore, l’interopérabilité des plateformes et des systèmes y recourt comme à une propriété de la communication humaine transférée aux machines… De même circulent les lexies de "vidéo interactive", "muséographie interactive", "cartographie interactive", "halo interactif", "lumière interactive"… toutes manifestations communicationnelles et socio-techniques qui supposent interfaces et connexions et s’articulent désormais à la "réalité augmentée". De fait, dénomination et technologie s’enchevêtrent plus que jamais dans les urgences et interrelations de la société de la connaissance et des cultures numériques.
Revendiquant une liberté des publics, l’ensemble des démarches susdites recouvre ainsi parfois des paradoxes qui reposent sur le décalage entre le discours et les pratiques mais aussi sur une absence de consensus sur la définition des termes employés. Les enjeux commerciaux et financiers viennent également complexifier la réception de ces notions. Globales, elles relèvent d’une adhésion étayée sur leur caractère opératoire mais forçant les évidences au sens d’une illusio (Bourdieu, 1994 : 151), phénomène du reste récurrent dans le domaine du numérique. Il paraît fondamental, dans ce contexte, d’interroger l’interactivité en tant que notion endoxique et de tenter de cerner les postures éthiques sous-jacentes à ces différentes acceptions. Le questionnement touche du reste aux mutations sociétales liées aux cultures numériques et à leur pharmacologie (Stiegler, 2014) : l’interactivité s’avère "remède" ou « poison ». Croisant la question de l’opinion, et la tension individuel-collectif, l’assomption de l’interactif dans les espaces publics oscille entre modalités de participation citoyenne et formation de « nouvelles foules conventionnelles » (Freud, 1895/1971 : 152 cité par Stiegler, 2016 : 72-76). Comment, dès lors, ne pas interroger l’ambivalence d’un phénomène posé comme mode d’accès facilitateur, au coeur des technologies relationnelles qui s’avère aussi redoutable instrument de prescription sociale, sur la base des algorithmes de prédiction (Cardon, 2016 : 66 sqq) ?

À cette investigation éthique des comportements socio-individuels auxquels elle s’assigne, doit s’adjoindre un cadrage définitoire de la notion d’interactivité, qui permettra de la documenter dans ses déclinaisons plus spécifiques. Ainsi l’interactivité est-elle la même dans le contexte d’un jeu vidéo ou d’un jeu de rôle ? Quelle est sa nature, réelle ou alléguée, et sa gradience dans les pratiques journalistiques en ligne ou dans des dispositifs numériques de prévention des risques liés au jeu d’argent ? Quelle est sa part aveugle dans la pédagogie en ligne ? Se rapporte-t-elle à l’ensemble des régimes informationnels dont les réseaux sociaux ? Comment saisir la portée de l’interactivité dans le cadre de l’efflorescence des pétitions en ligne et de leur ambivalence participative et doxique ? L’interface d’un webdocumentaire est-elle intrinsèquement un espace de liberté et de co-construction du contenu pour l’utilisateur ? Quelle est la place des publics au sein du transmédia storytelling ou dans le contexte des médiations artistiques et culturelles numériques ? Parce que ces objets sont émergents ou connaissent des mutations constantes, ils sont difficiles à saisir. Pourtant, ils entrent toujours plus dans notre quotidien et contribuent à repenser notre rapport à l’information, au récit, à la fiction, au discours ou aux interactions sociales et politiques. Il est donc important de les aborder dans une perspective théorique globale, ouverte et pluridisciplinaire, pour mieux en comprendre les enjeux éthiques.
Le colloque « Interactivité et Éthique » entend donc interroger le discours contemporain sur l’interactivité dans l’art et les médias, les usages langagiers, culturels et sociaux à l’inclusion d’un certain nombre de pratiques émergentes autour d’enjeux éthiques. Il constituera la conclusion d’un projet financé par le Conseil Scientifique et mené par le laboratoire PRAXILING, en partenariat avec le RIRRA 21 et EMMA au sein de l’Université Paul Valéry – Montpellier 3 depuis 2017. Trois workshops exploratoires ont permis jusque là de réunir des chercheurs de différentes disciplines (Sciences du Langage, Littérature, Cinéma et audiovisuel, Arts, Sciences de l’information et de la communication, Langues, etc) afin de mettre en commun les corpus et les approches. Le colloque a pour ambition de développer les réflexions ébauchées lors des ces événements. Les propositions devront ainsi porter sur la définition de la notion d’interactivité, entendue dans sa relation avec celle d’éthique et considérée dans ses différentes applications.


Les propositions de communications (1500 signes maximum) accompagnées d’une mini-biographie sont à envoyer aux membres du comité d’organisation : Claire Cornillon <claire.cornillon@unimes.fr>, Laurent Fauré <laurent.faure@univ-montp3.fr>, Clémence Jacquot <clemence.jacquot@univ-montp3.fr> et Catherine Ruchon <catherine.ruchon@univ-montp3.fr> avant le 15 juin 2018, minuit.

Réponses aux soumissions, après évaluation par un comité scientifique, au début du mois de juillet 2018.

Le colloque se tiendra les 16 et 17 octobre 2018 à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3.

Une sélection d’articles issue du colloque sera retenue pour un ouvrage thématique à paraître ultérieurement.

Une version en ligne de l’appel est disponible sur le carnet Interactivité & Éthique : https://itaque.hypotheses.org/