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Colloque Impertinence générique et genres de l'impertinence

Colloque Impertinence générique et genres de l'impertinence

Publié le par Marielle Macé (Source : Olivier Leplatre)

Impertinence générique & genres de l'impertinence

du XVIe au XVIIIe  siècle

Colloque international organisé par le GADGES (Groupe d'Analyse de la Dynamique des Genres et des Styles)

Université Jean-Moulin Lyon 3

8, 9, 10 décembre 2010

Comité d'organisation

Violaine Géraud : violaine.geraud@wanadoo.fr

Olivier Leplatre : olivierleplatre@hotmail.com

Lorsque le nom impertinence apparaît au XVIe siècle, deux siècles après l'adjectif impertinent d'emploi juridique puis didactique, la valeur dépréciative qui le caractérise se teinte progressivement d'axiologie : après avoir signifié "absence de conformité", le substantif prend le sens de "sottise ", comme dans les Essais. Selon Furetière et l'Académie (1694), le terme dénote une "action ou parole sotte", non seulement contre la raison mais aussi "contre la bienseance & le jugement". Si les dictionnaires n'enregistrent que tardivement le sens moderne d'irrévérence (première moitié du XIXe siècle), cette nouvelle acception émerge notamment avec l'emploi injurieux de l'adjectif substantivé : "Quel impertinent !".

Le surgissement de ce terme et de ses dérivés dans le discours semble donc souligner un hiatis, un écart, une discordance, une infraction par rapport à une norme : norme de la raison qui dénonce une extravagance (les médecins selon la Toinette du Malade imaginaire sont des "impertinents"), norme de codes littéraires ou linguistiques ; les univers de référence, nombreux et variés, mettent en valeur des facettes complémentaires de la notion d'impertinence. La linguistique moderne fait de la pertinence l'une des lois du discours réglementant tout échange conversationnel et formant un code de bonne conduite. L'impertinence correspond à une suspension de cette loi de pertinence, plus ou moins soudaine et fugitive comme dans le cas de l'humour, qui prend le destinataire à contrepied, et lui présente une réalité sous une forme plaisante et inattendue.

Au regard des codes littéraires, la notion d'impertinence appelle celle de convenance : l'Antiquité, sous le terme d'aptum, cherche à établir un code de la pertinence générique, que le Moyen Âge illustrera par la roue de Virgile établissant une classification tripartite des sujets, des genres et des styles. La Renaissance hérite de cette codification et tente de la préciser, mais en dépit de recommandations de plus en plus précises au cours du XVIe siècle, un grand nombre de textes paraissent transgresser le précepte de pertinence générique. Avant que l'impertinence littéraire ne se déploie au XVIIe siècle autour du couple "style burlesque" et "style héroïcomique", le XVIe siècle offre des précédents : Rabelais, Du Bellay, Montaigne déjouent les codes en voie d'élaboration par une tendance à l'hybridation générique – toutes oeuvres qu'a distinguées l'histoire littéraire : l'impertinence a-t-elle partie liée avec la consécration ?

Si l'impertinence malmène les bienséances avec des retombées sur le terrain moral (place du corps, honnêteté, politesse des moeurs, inquiétude de l'obscène), c'est sur le terrain poétique qu'elle soulève les plus âpres débats. Les querelles autour du Cid, à propos de l'hybridité de la tragi-comédie ou de l'indétermination du roman, les débats sur la grossièreté homérique (au coeur de la controverse entre Anciens et Modernes), la promotion de notions morales et esthétiques comme la délicatesse, la vraisemblance, sont quelques-unes des traductions du problème posé par l'impertinence au siècle classique, qui trouvent des prolongements dans la littérature en amont et en aval.

Dans la bataille que les écrivains des Lumières livrent contre les obscurantismes, les dogmes et les abus, l'impertinence devient irrévérence face à de vieilles idoles. Elle est le signe patent de l'irrespect de l'ordre établi, de sa remise en cause. Elle s'accomplit en insolence par rapport aux puissants, par rapport à ceux qui imposent leurs prérogatives, sans souci du prochain. L'impertinence émancipatrice unit Montesquieu à Beaumarchais, en passant par Voltaire et Diderot. Mais elle se rencontre aussi, sous la forme plus sulfureuse de la transgression, chez les écrivains qui exploitent la veine libertine et remettent en question l'ordre moral, de Crébillon à Sade. La dépréciation apparente de l'impertinence ne doit pas cacher son éventuelle mise en valeur comme conduite éthique, credo moral anticonformiste et formule existentielle dans la littérature d'Ancien Régime.

Le but du colloque est donc d'interroger la notion d'impertinence dans sa relation avec la problématique des genres littéraires :

-On observera par exemple comment s'élabore le retournement sémantique de la notion, et quels sont les types d'oeuvres qui l'accueillent et le favorisent. Les textes comiques, burlesques, plus généralement les écrits de la mouvance libertine et leur goût du détournement, de la subversion, du contre-pied, de la digression et de l'oblicité sont certainement les foyers de cette mise en avant de l'impertinence en tant que posture littéraire et proposition morale voire politique.

-On se demandera quels sont les genres favorisés par une littérature "rebelle", et en particulier s'il y en a qui basculent du côté de l'impertinence et d'autres qui sont créés pour la soutenir. Mais aussi bien y a-t-il des genres autorisés pour l'impertinence ? Le coq à l'âne et l'éloge paradoxal au XVIe siècle, ou bien la fable et le conte, comme La Fontaine ou Perrault les saisissent, sont-ils par exemple des genres qu'investit l'impertinence pour en déplacer les enjeux, ou bien une certaine marge d'impertinence est-elle tolérable en eux ? Où se situent alors les limites de cette tolérance ? Jusqu'où – sinon à faire débat voire à être censurée – l'impertinence est-elle littérairement acceptable, agréable, attendue même ? A partir de quel point doit-elle avancer masquée et ses provocations se faire clandestines ?

-Il y aura aussi à évaluer le véritable poids des règles, la valeur exacte de leur imprégnation et de leur force de contrainte sur la modalisation générique et plus globalement sur la pratique littéraire, et sa liberté. On pourra élargir et poser le problème d'une impertinence "réactionnaire" et de ses modalités pour voir quels instruments littéraires, neufs ou réactivés, elle privilégie.

-La question des motivations de la transgression que constitue l'impertinence méritera enfin d'être prise en compte : est-ce l'inadvertance d'un auteur ignorant des codes, ou au contraire un moyen conscient de sortir des catégories génériques reçues pour renouveler la poétique et faire oeuvre originale ? L'enquête sur la littérature comique et satirique amènera à interroger la position de l'auteur, figure en train de naître, et celle de son complice bon entendeur, le lecteur, à travers son implication dans le geste, l'efficacité et les répercussions de l'impertinence.

Les propositions de communication, qui se détacheront dans la mesure du possible d'une approche exclusivement monographique, sont à adresser par courriel aux membres du comité d'organisation avant le 15 mai 2010.