Essai
Nouvelle parution
C. Bertiau, D. Sacré (dir.), Le latin et la littérature néo-latine au XIXe siècle. Pratiques et représentations

C. Bertiau, D. Sacré (dir.), Le latin et la littérature néo-latine au XIXe siècle. Pratiques et représentations

Publié le par Université de Lausanne (Source : Christophe Bertiau)

Christophe Bertiau et Dirk Sacré (dir.),

Le latin et la littérature néo-latine au XIXe siècle. Pratiques et représentations,

Brepols, collection "Études (Institut historique belge de Rome)", 2020.

EAN13 : 9789492771322.

 

Le XIXe siècle est connu comme l'époque où l'essor des nationalismes et des langues nationales en Europe a définitivement relégué le latin aux marges du monde social. Or, si le latin connaît alors un indéniable déclin, il n'en demeure pas moins tout un temps une langue importante pour les nations modernes.

 

Le présent volume étudie les manifestations d'une tradition linguistique pluriséculaire qui ne s'est pas éteinte à l'aube de la modernité. Fruit d'une collaboration internationale, il rassemble des contributions portant sur différents pays d'Europe occidentale et centrale. Les auteurs retracent l'histoire du latin au XIXe siècle, s'interrogent aussi bien sur les raisons de son succès que sur celles de son déclin et prêtent une attention particulière aux aspects thématiques et stylistiques des textes. La littérature néo-latine, qui n'est pas indifférente au surgissement des romantismes européens, est passée à la loupe. L'ouvrage met également en évidence l'inflexion que l'inspiration latine antique a pu donner à une œuvre poétique en langue moderne.

Dirk Sacré a soutenu sa thèse de doctorat en philologie classique à la KU Leuven en 1986 sous la direction du professeur Jozef IJsewijn. Il a enseigné à l'Université d'Anvers entre 1987 et 1998, et à la KU Leuven de 1994 à 2017. Il consacre ses recherches à une grande variété de sujets dans le domaine des études néo-latines. Il s'intéresse tout particulièrement à l'épistolographie des Temps modernes, à la poésie néo-latine (du XVIe siècle à nos jours) et à la réception de l'Antiquité classique.

Christophe Bertiau a rédigé une thèse de doctorat à l'Université libre de Bruxelles (2016) sous la direction des professeurs Paul Aron et Dirk Sacré sur l'importance du latin dans l'Europe du XIXe siècle, et plus spécifiquement sur l'écrivain néo-latin Jean Dominique Fuss. Il travaille actuellement sur le dramaturge François Ponsard et ce que l'on a appelé "l'École du Bon Sens", ainsi que sur la réception allemande du théâtre français durant le Vormärz.

 

Résumés des contributions :

Christophe Bertiau, "Le latin, une matière ‚bourgeoise‛? Sur le déclin du latin dans l'enseignement à l'époque contemporaine"

L'article remet en cause l'idée selon laquelle le latin serait une matière scolaire "bourgeoise". Il affirme au contraire que l'ascension politique et économique de la bourgeoisie permet d'expliquer le déclin du latin dans l'enseignement moderne au cours des deux derniers siècles. Bien que le latin ait conservé sa position dominante dans les programmes tout au long du XIXe siècle, sa suprématie fut de plus en plus contestée par des représentants de la bourgeoisie qui réclamaient que l'école fût davantage en phase avec le monde professionnel.

Jan Spoelder, "The decline of Latin as the academic language at Dutch universities and its consequences for education in Latin"

Au cours du XVIIIe siècle, le latin perdit son statut de langue universelle des savants dans des pays tels que la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Toutefois, le Décret royal de 1815 stipulait que le latin resterait la langue universitaire exclusive du royaume des Pays-Bas. Une tension croissante se fit ainsi sentir entre la volonté de maintenir l'idéal d'un enseignement d'inspiration classique et la nécessité de recourir au vernaculaire. Il fallut attendre la loi sur l'enseignement supérieur de 1876 pour que l'usage du latin cessât d'être obligatoire dans les universités néerlandaises. C'est à cette époque que l'école latine, qui préparait à l'université dans les villes des Provinces-Unies puis du royaume des Pays-Bas, perdit sa raison d'être. Ce type d'établissement fut réorganisé pour répondre aux évolutions de la modernité sous le nom de Gymnasium. Ces écoles qui dispensent un enseignement obligatoire en grec et en latin connaissent jusqu'à aujourd'hui une fortune remarquable.

Patrizia Paradisi, "Il latino nelle cerimonie ufficiali del Regno d'Italia, dall'Università di Bologna al Campidoglio a Roma (Gandino, Albini e Pascoli)"

Patrizia Paradisi souligne l'importance du latin pour les cérémonies officielles du royaume d'Italie à l'époque de Giovanni Battista Gandino, de Giuseppe Albini et de Giovanni Pascoli. Il apparaît que le latin fut utilisé pour composer des discours, des lettres, une inscription pour une médaille, un hymne ou encore un journal à l'occasion de cérémonies variées.

Giacomo Dalla Pietà, "L'evoluzione stilistica del latino all'interno della curia romana nel secolo XIX"

Giacomo Dalla Pietà retrace l'évolution du style latin des encycliques durant le XIXe siècle. Il interprète l'adoption d'un style élevé, de plus en plus cicéronien, sous le pontificat de Léon XIII, comme une preuve du projet universaliste de ce dernier et d'une nouvelle manière de concevoir la fonction papale.

Šime Demo, "Stubborn persistence at the outskirts of the West: Latin in nineteenth-century Croatia"

L'article donne un aperçu du statut du latin dans la Croatie du XIXe siècle. Le latin y conserve jusqu'au milieu du siècle une importance centrale comme moyen de communication internationale, comme instrument politique, comme langue d'enseignement ou comme langue littéraire. Cependant, le croate tendait de plus en plus à supplanter le latin dans ses usages. En conséquence, dans la seconde moitié du siècle, on n'utilisa plus guère le latin que dans l'Église et l'enseignement.

Neven Jovanović, “Two gentlemen-translators from nineteenth-century Dubrovnik”

L'auteur étudie les traductions latines d'Antonio Sivrich et Blasius Ghetaldi, deux poètes de Dubrovnik. Il compare les façons dont ces traducteurs ont travaillé et s'interroge sur les raisons qui les ont poussés à faire passer en latin des sonnets italiens et des poèmes anacréontiques (Sivrich) ou l'épopée croate Osman d'Ivan Gundulić (Ghetaldi).

Svorad Zavarsk?, "‚Et meus vere paradisus audit: mandra, poesis‛: The poetry of Antonius Faber"

Svorad Zavarsk? présente le travail du poète néo-latin de Bratislava Antonius Faber. Il soutient que l'intérêt principal de la poésie peu classique d'A. Faber réside dans son originalité. Cette poésie peut être considérée comme un compromis entre la poésie néo-latine traditionnelle et le renouveau romantique. Elle reflète assez bien la situation linguistique du temps : la langue nationale était alors de plus en plus souvent préférée au latin.

Florian Schaffenrath, "Antonio Mazzetti's neo-Latin epic poem on Emperor Ferdinand I (1838)"

Florian Schaffenrath aborde un panégyrique (gratulatio) adressé par Antonio Mazzetti à l'empereur Ferdinand I et examine sa réception. Il souligne l'enthousiasme qu'a suscité ce poème inspiré par les affaires politiques courantes, bien que les vers latins ne fussent plus à la mode.

Antonino Zumbo, "Scrivere una novella romantica in versi latini: il Polymetron di Giovanni Andrea Vinacci"

L'article s'intéresse au Polymetron, une nouvelle romantique en vers latins conçue par Andrea Vinacci. L'intrigue affiche une inspiration byronienne ; elle est située durant les guerres d'indépendance italienne du XIXe siècle. Ces deux caractéristiques laissent penser que la littérature néo-latine, loin d'être un pur dialogue formel avec les Anciens, a toujours cherché à rester en phase avec son époque.

Romain Jalabert, "Des vers latins romantiques, en France"

Romain Jalabert montre que tout un pan de la poésie néo-latine française du XIXe siècle s'est ouvert au romantisme. Les poèmes latins originaux inspirés par le romantisme et les traductions latines de poèmes en langues modernes connaissaient une certaine vogue, dans laquelle l'école joua un rôle central. Alphonse de Lamartine connut un vrai succès comme source d'inspiration pour les vers latins.

Dirk Sacré, "Colonel William Siddons Young (1832-1901) as a Latin poet"

Dirk Sacré présente la vie et l'œuvre du colonel William Siddons Young (1832-1901) un poète britannique néo-latin atypique. Young fut un officier affecté à l'administration du Bengale. Alors que quelques latinistes le considérèrent comme le plus grand poète latin vivant, ses vers latins trahissaient des imperfections et il tomba rapidement dans l'oubli après sa mort. Mais son profil atypique lui a justement permis de servir la cause du latin comme langue de communication universelle. À travers la figure de Young, cet article nous donne à voir l'évolution du latin vivant à la fin du XIXe siècle.

Marie-France David-de Palacio, "Un epigrammaton liber fin-de-sieÌcle: les ‚latineries‛ de Jean Richepin”

La présente contribution démontre à partir des "Latineries" de Jean Richepin comment un écrivain peut insuffler une vie nouvelle dans sa langue poétique en imitant les auteurs anciens. Alors que le style des "Latineries" se calque sur les épigrammes de l'Antiquité romaine, et plus particulièrement de Martial, leur contenu exhibe un caractère "gaulois".