
Penseur engagé dans la vie politique américaine depuis le combat pour les droits civiques, Michael Walzer est une figure marquante de la gauche intellectuelle aux États-Unis. Convaincu que le débat philosophique n’est utile que s’il est adossé aux pratiques concrètes et à la moralité des sociétés, il développe une critique sociale aux antipodes de la philosophie désincarnée, qui ne répond ni aux préoccupations quotidiennes des gens ordinaires ni au sentiment d’injustice des perdants de la globalisation. Il est inutile, selon lui, de vouloir écrire une théorie de la justice à l'instar de John Rawls dont l'impeccable édifice théorique n'oublie qu'une chose : que l'injustice est première et que la justice a d'emblée des inégalités à corriger. C’est à "penser la justice" en fonction du contexte donné (politique, économique, religieux, etc.) qu’il faut s’employer, comme l'a montré Michael Walzer dans plus d'un ouvrage. Un recueil d'entretiens avec Astrid von Busekist paraît ces jours-ci chez Albin Michel sous le titre Penser la justice, qui invite à défendre l'idée d'une morale politique pleinement "commune", enracinée dans des traditions culturelles particulières, mais capable de dialoguer par-delà les frontières. Face à l’urgence de l’engagement et de l’extrême attention à porter aux inégalités et aux injustices, elle définit le rôle que peut – et que doit – jouer le critique social ou le philosophe dans la cité moderne.