Compte rendu publié dans Acta fabula (mars 2014, vol. 15, n° 3) : "Feux sur Proust" par Géraldine Dolléans.
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Francofonia, n° 64, 2013 : "Du côté de chez Swann 1913-2013"
Sous la direction de Mariolina Bertini & Patrizia Oppici
ISSN 1121-953X
212 p.
Prix 40EUR
Sommaire
Mariolina Bertini et Patrizia Oppici, «Une œuvre infinie»: relire Du côté de chez Swann
Saggi e studi
Luzius Keller, Proust 1913: instantanés, retours en arrière, sauts en avant
Résumé : 1913 est l’année de Du côté de chez Swann: recherche d’un éditeur; contrat avec Grasset; correction des épreuves: incipit, scène d’ouverture, Vinteuil, titres, perspectives, pointes…; campagne de promotion, parution, échos. C’est aussi l’année d’Agostinelli: arrivée inopinée, installation, chagrins, folies pécuniaires, départ brutal, poursuite… Enfin, c’est une année jalonnée de moments musicaux: quatuors de Beethoven par le quatuor Capet, sonate de Franck par Enesco et Goldschmidt, Boris Godounov, Le sacre du printemps...
Giorgetto Giorgi, La poétique du narrateur de Du côté de chez Swann dans l’économie de la Recherche
Résumé : Après avoir mis en lumière que la Recherche est structurée sur la base d’une série d’«illuminations» (souvenirs spontanés et impressions esthétiques), dont les premiers exemples se trouvent dans Du côté de chez Swann, mais dont le héros ne déchiffrera à fond la signification que dans Le Temps retrouvé, l’auteur affirme qu’une semblable structure ne s’est dévoilée que tardivement à Proust. C’est ce qui peut dans une certaine mesure expliquer l’échec de Jean Santeuil et le rejet de nombreux avant-textes de Du côté de chez Swann, où les grands thèmes proustiens sont déjà présents, mais où le héros interprète sans délai le message que véhiculent ses moments privilégiés, c’est-à-dire ne fait en aucune façon une découverte tâtonnante et progressive de la signification de ses «illuminations», et donne ainsi l’impression d’une sorte de piétinement. Mais l’importance de Du côté de chez Swann dans l’économie de la Recherche consiste aussi dans l’influence déterminante que le personnage de Swann exerce sur le héros: ce dernier connaîtra en effet grâce à Swann presque tous les milieux et tous les êtres avec lesquels il entretiendra des relations, et on peut en outre le considérer comme un véritable double de Swann, dans la mesure où il éprouvera les mêmes souffrances que lui dans le domaine de l’amour et fera la même expérience de l’aridité des milieux mondains. Un écart marquant toutefois les sépare: Swann restera toute sa vie un esthète, un dilettante, tandis que le héros finira par franchir le seuil de la création artistique.
Alessandra Ginzburg, Du baiser refusé à la jalousie rétrospective dans le dernier rêve de Swann
Résumé : À l’occasion de la publication d’Un amour de Swann, en 1913, Proust donna lui-même, au cours d’un entretien, une idée de la complexité de son œuvre: «Mon livre serait peut-être comme un essai d’une suite de “Romans de l’Inconscient”». Mon hypothèse est que la Recherche contient à l’état de fulgurances une partie des découvertes de Freud et surtout qu’il est possible de rapprocher l’œuvre des théories d’Ignacio Matte Blanco sur la logique subversive de l’inconscient. Ce présupposé conduit à voir dans la scène du baiser refusé par la mère au narrateur enfant, l’origine obscure de la Recherche, partout innervée et évoquée comme «la fête inconcevable, infernale, au sein de laquelle nous croyons que des tourbillons ennemis, pervers et délicieux entraînent loin de nous, la faisant rire de nous, celle que nous aimons». Ainsi, dans le dernier rêve de Swann, les dernières lueurs d’une jalousie rétrospective éclairent une vérité jusqu’alors volontairement niée. Avec le rêve et la douleur, l’amour et la haine révèlent, dans ces lignes, qu’ils sont des piliers de la construction de l’œuvre.
Alberto Beretta Anguissola, Du côté de chez Legrandin
Résumé : Dans la première partie de l’article, l’auteur nous offre ses «impressions» à partir d’une relecture récente de Du côté de chez Swann, quarante-cinq ans après sa première rencontre avec la Recherche. Dans l’histoire de la «fortune» de l’œuvre de Proust il y a eu, à son avis, trois périodes qui correspondent grosso modo aux trois poétiques qui, en se superposant, ont engendré le roman: description poétique et prose d’art, analyse psychologique et méditation philosophique, effets comiques obtenus grâce à une conversation presque théâtrale. Dans la deuxième partie, l’auteur remarque la ressemblance entre les tirades très ou trop «poétiques» de Legrandin et certaines descriptions proustiennes. Il réinterprète les thèses critiques de Feuillerat à la lumière d’une page célèbre de Gianfranco Contini, en établissant un rapport entre la «Bildung» du Narrateur et l’évolution artistique de l’écrivain d’un côté et, de l’autre, la thèse de Bourget et de Nietzsche sur la dialectique entre détail et totalité et entre la décadence littéraire et son contraire. Beretta oppose le style «sec» de Swann et de la duchesse de Guermantes à celui de Legrandin et du jeune Narrateur (ou de l’auteur du premier volume de la Recherche) et se demande si la vraie antithèse ne consisterait pas dans le contraste entre le côté de chez Legrandin et celui de chez Swann, qui représentent deux dimensions successives de la vision du monde et de la créativité de Proust lui-même.
Laurence Teyssandier, Swann et Charlus: une amitié exemplaire?
Résumé : L’amitié de Swann et de Charlus semble aller de soi mais dès que l’on veut essayer de la cerner de près, la tâche se révèle plus délicate. De fait, les deux personnages sont rarement réunis dans le roman et les points communs qui les rapprochent sont souvent présentés sous forme d’incidentes ou de parenthèses qui n’attirent guère l’attention. Ces derniers sont pourtant nombreux et justifient pleinement l’existence d’une affection partagée. Toutefois, bien des incertitudes, des énigmes et des non-dits entourent l’amitié de Swann et de Charlus: une enquête à leur sujet s’impose si l’on veut aller au cœur du lien qui unit Swann et Charlus, déterminer sur quel socle il s’est construit puis développé et s’il peut être qualifié d’exemplaire.
Anna Isabella Squarzina, Emplois de maintenant dans Du côté de chez Swann
Résumé : Cet article prend en examen les occurrences de maintenant dans Du côté de chez Swann. Cet adverbe figure en association avec différents temps verbaux, du présent (déictique et historique), à l’imparfait, au passé simple. Après avoir passé en revue les théories attribuant à maintenant en contexte non embrayé la fonction de créer un effet de point de vue ou d’éclairer la conscience d’un personnage, l’auteur décrit deux cas où l’emploi du déictique apparaît par contre comme un stratagème pour employer cet «éternel imparfait» que Proust théorisa dans À propos du style de Flaubert.
Alessandro Grilli, Fascination, lecture, désir: Combray et les stratégies esthétiques d’à la recherche du temps perdu
Résumé : Cet essai tente de retracer les fondements textuels et l’encodage sémiotique de la fascination que l’oeuvre de Proust exerce sur son lecteur. L’implication émotive singulière que favorise la Recherche est mise en relation avec le statut narratif de la narration, dans laquelle l’expérience de la fascination joue un rôle tout à fait déterminant. La fascination subie par le lecteur, entraîné dans un vertige de désir mimétique, reflète en abyme celle que met en scène le roman, où un héros-lecteur est représenté parcourant le chemin qui conduit de l’adoration idolâtre à la compréhension de vérités enfin absolues.
Guillaume Perrier, Du côté de chez Swann 1913, 1919, 1927: une transformation matérielle et immatérielle
Résumé : En 1913 paraît la première édition de Du côté de chez Swann. En 1919, une nouvelle édition accompagne la deuxième partie du roman, À l’ombre des jeunes filles en fleurs. En 1927, après la publication de cinq tomes intermédiaire, Le Temps retrouvé vient couronner l’ensemble romanesque de Marcel Proust. Ces trois dates privilégiées permettent d’approcher la singularité plurielle de Du côte de chez Swann, à travers le point de vue mobile du lecteur. Elles permettent non seulement de mettre en évidence les modifications textuelles et paratextuelles qui affectent l’aspect matériel du livre, mais aussi d’esquisser les reconfigurations de ce livre dans la pensée du lecteur, à divers moments significatifs de le lecture d’À la recherche du temps perdu. Les annonces dans le premier tome et les rappels dans les tomes suivants font de Du côté de chez Swann le champ privilégié des expériences de mémoire de la fin du roman. Ils donnent au livre une existence immatérielle, mentale, affective, qui contribue à définir la singularité de Du côté de chez Swann dans l’histoire de la littérature romanesque.
Joseph Brami, Premières réceptions critiques «juives» de Swann. 1923-1941
Résumé : Cette étude a pour objectif de mettre en valeur, principalement à travers le personnage de Swann, ce qu’ont été les premières perceptions de la dimension juive dans l’œuvre de Proust, depuis la mort de l’écrivain jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale et de la Shoah. Le but est de montrer ce que le traitement de l’identité juive par Proust, dans La Recherche, a pu signifier pour des lecteurs de l’époque, la part d’innovation et l’apport qu’il a constitués à leurs yeux du point de vue de l’histoire de la littérature française. Pour ces lecteurs, Proust est le premier écrivain à créer des personnages juifs, qui soient et juifs et hommes, avec leurs singularités et leurs complexités, leurs qualités et leurs défauts de juifs assimilés ou en voie d’assimilation, et non pas des personnages aux caractères correspondant aux images conventionnelles et caricaturales du Juif à travers l’histoire. Ces premières perceptions de la dimension juive chez Proust sonnent comme autant de déclarations, prononcées comme par anticipation, contredisant les soupçons ultérieurs – quand ce ne sont pas des dénonciations – d’un antisémitisme de l’écrivain. Proust, sensible aux problèmes liés à l’identité juive dans la société française de son temps: tel est l’argument qu’aident à mettre en avant ses premiers lecteurs sur le sujet.
Fabio Vasarri, Un amour de Natalia Ginzburg
Résumé : Traductrice de Du côté de chez Swann à la fin du fascisme, Natalia Ginzburg a été profondément marquée par la Recherche. Dans ses essais, elle s’interroge sur les rôles du temps et de la connaissance chez Proust. Dans ses romans, elle a tiré profit de l’enseignement de la Recherche touchant au style familier, en explorant les liens de la mémoire et du langage. Sa lecture très personnelle constitue un exemple méconnu de la réception italienne de la seconde moitié du XXe siècle, du néoréalisme au postmodernisme.
Recensioni
G. Henrot, Pragmatique de l’anthroponyme dans À la recherche du temps perdu (A.-I. Squarzina)
N. Aubert (dir.), Proust and the Visual (L. Acquarelli)
J.-Y. Tadié (dir.), Le Cercle de Marcel Proust (P. Oppici)
L. Gauvin, Aventuriers et sédentaires. Parcours du roman québécois (C. Fratta)
H. Jaccomard, Les Fruits de la passion. Le Théâtre de Yasmina Reza (S. Kassab-Charfi)
R. Chollet, S. Vachon, À l’écoute du jeune Balzac. L’écho des premières œuvres publiées (M. Bertini)
C. Braga, Les Antiutopies classiques (C. Imbroscio)
Pubblicazioni ricevute e schede
Pubblicato con un contributo del Dipartimento di Lingue, Letterature e Culture Moderne dell'Università di Bologna.