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Théorie,analyse, interprétation des récits
Theory, analysis, interpretation of narratives
12-13décembre 2008
BâtimentLes Grands Moulins
5,rue Thomas Mann, 75013 Paris
Entrée C, 6e étage, sallePierre Albouy (685 C)
Endépit de son titre vague, ce colloque est consacré à l'examen de problèmesprécis qui se posent actuellement dans la théorie littéraire etparticulièrement dans la théorie du récit.
1.Le problème des rapports entre la théorie et l'analyse. Quel rôle doit jouer lathéorie dans l'analyse du récit ? Quel peut être l'effet en retour del'analyse sur la théorie du récit ? On se demandera, par exemple, si la priseen compte du plan de l'analyse ou de l'interprétation permet de trancher entredes théories concurrentes. On se demandera également si la théorie doit rendrecompte de certains « récits » modernes, non canoniques ; voir Ruwet,1975, p. 349 : « […] cela ne me gênerait pas si une théorie poétiquefaisant jouer un rôle central aux parallélismes excluait certains types de“poésie” moderne — pas plus que ne me gênerait une théorie musicale généralequi rendrait compte de Mozart, Debussy, Gesualdo, Schönberg, le gagaku, lechant grégorien, etc., mais qui exclurait, comme non-musique, par exemple leRadio Music de John Cage ; j'y verrais plutôt une corroboration de lathéorie ».
2.Le problème des rapports entre l'analyse et la lecture « courante ».Le but de l'analyse est-il de rendre compte de ce qui se passe dans la lecture« courante » du récit ? Les études menées sur des groupes de lecteursempiriques conduisent-elles à modifier l'analyse, voire la théorie du récit ?On envisagera également des problèmes tels que la valorisation de l'oppositionentre récits fictionnels et non fictionnels dans la théorie narrative, et lanégation de cette opposition dans certains travaux de psychologie cognitive.
3.Le problème de la portée historique et culturelle de la théorie du récit. Ondemandera à des spécialistes du Moyen Âge ou de l'âge classique, par exemple,et de littératures non occidentales, d'évaluer la pertinence des méthodes etdes concepts de la théorie du récit pour l'analyse de leurs propres corpusnarratifs.
Despiteits vague title, this conference is devoted to examining specific problems incurrent literary theory and particularly in narrative theory.
1.The problem of the relationship between theory and analysis. What role shouldtheory play in the analysis of narrative ? What might be the return effectof analysis on narrative theory ? We will question, for example, whethertaking into account the blueprint of narrative analysis or interpretation will allow us to come to cutthrough competing theories. We will also raise the question as to whethertheory should take into account certain modern, non-canonical«narratives» ; see Ruwet, 1975, p. 349 : « […] it wouldn't botherme if a poetic theory that gave parallelisms a central role excluded certaintypes of modern “poetry” — just asI wouldn't mind a general musical theory that would take into account Mozart,Debussy, Gesualdo, Schönberg, gagaku, Gregorian chants, etc., but would excludeas non-music, for example, John Cage's Radio Music; rather I would see this ascorroborating the theory ».
2.The problem with the relationship between analysis and « current »reading. Is the goal of analysis to take into account what is happening in the« current » reading of narrative ? Do studies conducted onempirical groups of readers modify narrative analysis or even narrativetheory ? We will also consider problems such as the development of theopposition between fictional narrative and non-fictional narrative in narrativetheory, and the negation of this opposition in some works of cognitivepsychology.
3.The problem of narrative theory's cultural and historical influence. We willask classicists and specialists of Medieval literature for example, andspecialists of non-occidental literature, to evaluate the pertinence ofnarrative theory's methods and concepts to the analysis of their own narrativecorpus.
Références / References
ABBOTT,H. Porter (2008 [2002]), The CambridgeIntroduction to Narrative, Cambridge, Cambridge University Press.
DUCHAN,Judith F., BRUDER, Gail A., HEWITT, Lynne E., éds. (1995), Deixis in Narrative : A Cognitive Science Perspective,Hillsdale, Lawrence Erlbaum Associates.
FLUDERNIK,Monika (1996), Towards a « Natural »Narratology, London and New York, Routledge.
GERRIG,Richard (1993), Experiencing NarrativeWorlds : On the Psychological Activities of Reading, New Haven and London,Yale University Press.
GIBSON,Andrew (1996), Towards a PostmodernTheory of Narrative, Edinburgh, Edinburgh University Press, « PostmodernTheory ».
HERMAN,David, éd. (1999), Narratologies : NewPerspective on Narrative Analysis, Columbus, Ohio State University Press.
KINDT,Tom, et MÜLLER, Hans-Harald (2003), « Narrative Theory and/or/as Theory ofInterpretation », dans Tom Kindt et Hans-Harald Müller, éds., What Is Narratology ? Questions andAnswers Regarding the Status of a Theory, Berlin and New York, Walter deGruyter, « Narratologia », pp. 205-219 ;
—(2006), The Implied Author : Concept andControversy, Berlin and New York, Walter de Gruyter, « Narratologia ».
RICHARDSON,Brian (2006), Unnatural Voices :Extreme Narration in Modern and Contemporary Fiction, Columbus, The OhioState University Press.
RUWET,Nicolas (1975), « Parallélismes et déviations enpoésie »,dans Julia Kristeva, Jean-Claude Milner et Nicolas Ruwet, éds., Langue, discours, société. Pour ÉmileBenveniste, Paris, Éditions du Seuil, pp. 307-351.
SPEARING,Anthony C. (2005), Textual Subjectivity: The Encoding of Subjectivity inMedieval Narratives and Lyrics, Oxford, Oxford University Press.
Vendredi12 décembre
9h : accueil des participants.
Ouverture du colloque : SylviePatron (Université Paris Diderot-Paris 7 ; sous réserve)
Premièresession : « Théorie, analyse, interprétation du récit »
Modérateurs :Régis Salado, Francis Marmande (Université Paris Diderot-Paris 7)
9h15 : Tom Kindt (UniversitéGeorg-August de Göttingen, Allemagne) et Hans-HaraldMüller (Université de Hambourg, Allemagne)
« WhatThen Is Narratology ? A Last Look »
10h: BrianRichardson(Université du Maryland, États-Unis)
« Narrative Theory,Methodology, and the Unusual Text »
10h45 : Pause
11h : James Phelan(Université d'État de l'Ohio, États-Unis)
« WhatKafka and a Rhetorical Theory of Narrative Can Do for Each Other :
TheCase of “Das Urteil” »
12h-14h :Déjeuner au restaurant du CROUS, Bâtiment Buffon, 17 rue Hélène Brion.
14h15 : GuntherMartens (Université libre de Bruxelles / Université de Gand, Belgique)
« Personification between Rhetoric and Narrativity »
15h : Sylvie Patron (UniversitéParis Diderot-Paris 7 ; sous réserve)
« Lamort du narrateur et l'interprétation du roman. L'exemple de Pedro
Páramo de Juan Rulfo »
15h45 : Pause
16h : John Pier (UniversitéFrançois Rabelais de Tours / EHESS-CNRS, Centre de recherches sur les arts etle langage)
« Narrative Embedding »
16h45 : FrançoiseRevaz (Université de Fribourg, Suisse)
« Le roman postmoderne : leretour du récit ? »
Samedi 13 décembre
Deuxièmesession : « L'analyse et la lecture courante du récit »
Modératrice :Cécile Sakai (Université Paris Diderot-Paris 7)
9h : HenrikSkov Nielsen (Université de Aarhus,Danemark)
« Natural Authors, UnnaturalNarratives »
9h45 : Raphaël Baroni (École defrançais langue étrangère de l'Université de Lausanne, Suisse)
« Narratologiepost-classique, lecture ordinaire et récits intrigants »
10h30 : Pause
10h45 : Jérôme Pelletier (Université de Brest/ EHESS-CNRS-ENS, Institut Jean Nicod)
« Deux concepts de compréhensiond'une narration »
Hors-session
11h30 : PhilippeRoussin (EHESS-CNRS, Centre de recherches sur les arts et le langage)
« Nouveaux usages sociaux du récit : l'exemplede l'enquête de la Banque Mondiale, Voicesof the Poor »
12h30-14h30 :Déjeuner à la Brasserie des Grands Moulins, 73 quai Panhard et Levassor.
Troisièmesession : « La portée historique et culturelle de la théorie du récit »
Modérateur :Philippe Roussin (EHESS-CNRS, Centre de recherches sur les arts et le langage)
14h45 : MichèleGally (Université d'Aix-Marseille I)
« “Li contes dist que”. Le roman médiéval : aporie oudéfi pour les théories du récit ? »
15h30 : Patricia Eichel-Lojkine (Universitédu Maine)
« Quelle théorie pour unobjet mouvant, le conte ? »
16h15 : Pause
16h30 : AkihiroKubo (Université de Kyoto, Institute for Research in Humanities, Japon)
« La narratologie a-t-elle des frontièreslinguistiques et culturelles ? La théorie narrative de Sadakazu Fujii »
17h15 : Cécile Sakai (Université Paris Diderot-Paris 7)
« La littérature japonaise et le sujetflottant : jalons d'une esthétique »
Premièresession : « Théorie, analyse, interprétation du récit »
« Qu'est-ce que lanarratologie ? Ultime regard sur la question » / « What Then IsNarratology ? A Last Look »
TomKindt (Université Georg-August de Göttingen, Allemagne) et Hans-Harald Müller(Université de Hambourg, Allemagne)
Dansle passé, les réflexions portant sur le statut, la structure et la fonction dela narratologie en sont généralement restées à un stade purementprogrammatique. Nous proposons quant à nous une réponse en deux temps qui sebase sur la philosophie des sciences actuelle. Dans un premier temps, nousdévelopperons l'idée que la narratologie devrait être conçue comme une« théorie des objets » et considérée fonctionnellement comme une «heuristique interprétative ». La deuxième partie de notre exposé seraconsacrée à l'application des théories narratives, problème qui a généralementété négligé dans les débats contemporains sur le sujet. À rebours d'uneconception très répandue de la narratologie, nous soutiendrons que lesapplications heureuses ou malheureuses de la narratologie ne peuvent pas (ou dumoins ne peuvent pas à elles seules) servir de critère pour son évaluation.Enfin, nous affirmerons qu'une évaluation comparative des approchesnarratologiques ne devrait pas considérer ces approches comme desgénéralisations empiriques, mais comme des systèmes conceptuels compréhensifs.
In the past questions about the status, structure, andfunction of narratology have merely produced programmatic statements. Incontrast, our contribution seeks to provide a two-step answer to thesequestions grounded in present-day philosophy of science. Against the backgroundof a typology of textual theories, we develop, in a first step, the proposalthat narratology should be conceived of as a « theory of objects »and functionally be regarded as an « interpretive heuristics ». Thesecond part will be dedicated to the application of narrative theories, aproblem that has widely been neglected in current debates. Distancing ourselvesfrom a conception of narratology that has found widespread acclaim in thetextual and social sciences, we will argue that and why successful orunsuccessful applications of narratological approaches cannot (or at least notalone) serve as criteria of their evaluation. Finally, we contend that acomparative evaluation of narratological approaches should not regard theseapproaches as empirical generalizations but as comprehensive conceptualsystems.
« Théorienarrative, méthodologie et textes insolites » / « Narrative Theory, Methodology, and the Unusual Text »
BrianRichardson (Université du Maryland, États-Unis)
La communication est centrée sur le problème de la définition etde la délimitation de l'objet de la théorie narrative. La théorie narrativepeut-elle rendre compte de tous les récits sans exception ? Si non, quelssont les principes que nous utilisons ou que nous devrions utiliser pourdéterminer ce dont la théorie narrative doit nécessairement rendre compte et cequ'elle peut au contraire laisser de côté ? La question revêt une importanceparticulière lorsqu'on est confronté au corpus des récits postmodernes etexpérimentaux. Pour prendre un exemple, un certain nombre d'auteurs importantsdu XXe siècle ont écrit des romans à la deuxième personne dusingulier ou à la première personne du pluriel ; cependant, ces romans nereprésentent qu'une part infime des romans publiés au XXe siècle.Sur quelles bases devrions-nous inclure ou exclure ces pratiques de nosconsidérations théoriques ? Cela m'amène à une autre question, corollairede la première : une poétique des récits postmodernes ouantimimétiques peut-elle apporter quelque chose à la théorienarrative ?
Dansle cours de la communication, je m'appuierai sur un certain nombre d'exemples(Beckett, Rushdie) et j'essaierai de montrer que ces textes insolites peuventéclairer certains problèmes de la théorie narrative, comme la narration, letemps, le personnage, l'intrigue, la clôture, les cadres cognitifs. Jem'intéresserai également au phénomène que Genette appelle « paralipse » — uneomission, volontaire ou involontaire, dans le récit mimétique, mais un traitdéfinitionnel du récit postmoderne — et je réfléchirai sur la place qu'ilfaudrait lui donner dans la narratologie. Enfin, j'envisagerai la théorie des incipits en me demandant si les analysesbasées sur les oeuvres insolites, postmodernes, peuvent nous aider à faire lalumière sur des questions plus vastes dans le domaine de la théorie narrative.
Thispaper explores the question of the extent and limits of the proper subjectmatter of narrative theory. Is it possible for every narrative to be covered bynarrative theory ? If not, what principles do or should we use todetermine what ought be covered and what should be ignored in narrativetheory ? This question is particularly urgent for the consideration ofpostmodern and other experimental forms. A number of celebrated authors, forexample, have used second-person or first-person plural forms over the pastcentury, yet they constitute a minuscule proportion of the total number ofnarratives published during the century. On what grounds should one include orexclude these practices from theoretical consideration ? This in turnleads to the corollary question : what would a poetics of postmodern orantimimetic narrative do for narrative theory ?
Inthe course of this paper I will look at a few examples (Beckett, Rushdie) andtry to show how these unusual texts can illuminate a number of important issuesin the theory of narrative, such as narration, time, character, plot, closure,and frames. I will then go on to discuss the phenomenon Genette calls «paralepsis » — an error in mimetic narrative but a defining feature ofpostmodernism — and discuss its proper place in narratology. Finally, I willlook at the theory of narrative beginnings to see how an analysis based onunusual, postmodern works of fiction can help clarify much larger issues innarrative theory.
«Ce que Kafka et la théorie rhétorique du récit peuvent faire l'un pourl'autre : le cas de “DasUrteil” » / « What Kafka and a Rhetorical Theoryof Narrative Can Do for Each Other : The Case of “Das Urteil” »
James Phelan (Université d'État del'Ohio, États-Unis)
Cette communication est un exemple de ceque Peter J. Rabinowitz et moi-même avons appelé la« théoriepratique », par quoi il faut entendre un mode d'approche des texteslittéraires basé sur les renvois réciproques entre la théorie etl'interprétation. Je commencerai par rappeler quelques uns des principes de lathéorie rhétorique, en particulier concernant les relations entre les jugementsnarratifs et la progression narrative, ceci afin d'analyser la logique narrativeà l'oeuvre dans « Das Urteil » (« Le Verdict ») de Kafka. Je considèreen effet que c'est cette logique qui fait la singularité irréductible du récitde Kafka. J'utiliserai ensuite les résultats de cette analyse pour réviser etétendre les principes de la théorie rhétorique. Du point de vue de laprogression narrative, « Das Urteil » ouvre denouvelles perspectives à la fois sur la vitesse narrative et sur laparticularité des clausules imprévisibles (surpriseendings). Du point de vue des jugements narratifs, le récit de Kafka inviteà considérer les relations entre les jugements éthiques et interprétatifs despersonnages et l'éthique à l'oeuvre dans l'acte de narration d'un auteurimplicite.
This paper is an exercise in what Peter J. Rabinowitz and I havecalled « theorypractice », a mode of inquiry that seeks to establish two-waytraffic between theory and interpretation. More specifically, I draw on someprinciples of rhetorical theory, especially about the interconnections betweennarrative judgments and narrative progressions, to help identify the narrativelogic underlying what I take to be the irreducible strangeness of Kafka's « DasUrteil », and then I use the results of thisanalysis to revise and extend those principles. With respect to progression, « DasUrteil » offerssome new insights about both narrative speed and the nature of surpriseendings. With respect to judgment, « Das Urteil » invites aconsideration of the connection between interpretive and ethical judgments ofthe characters and their actions and the ethics of an implied author's act ofstorytelling.
«La personnification entre rhétorique et narrativité » / « Personificationbetween Rhetoric and Narrativity »
Gunther Martens (Université libre deBruxelles / Université de Gand, Belgique)
Danscette communication, je me propose de reconsidérer la notion depersonnification à la lumière des conceptions courantes de la narrativité. Sil'on choisit comme point de départ, non pas la narrativité fictionnelle, maisl'usage du récit dans des contextes argumentatifs (roman encyclopédique, «docufiction », écriture essayistique), on peut voir émerger une autre notion,plus rhétorique, de la personnification, conçue comme une stratégie textuelleayant ses buts et ses degrés de réalisation propres. Je développerai l'idée queles figures de rhétorique et le style peuvent donner lieu à une structurationdifférente à la fois du mode de narration et du contenu narratif. Je définiraicette structuration comme « para-narrative » et la mettrai en relation avec desnotions déjà existantes telles que la manifestation (overtness), les fonctions de révélation (disclosure functions), le dénarré (disnarrated), la métanarrativité.
In my paper, I aim to reconsider how the notion ofpersonification functions within current conceptualisations of narrativity. Bytaking as a point of departure argumentative usages of narrative (in thecontext of the encyclopaedic novel, essay writing and docufiction), analternative, more rhetorical notion of personification emerges in whichhypothesized agents do not function as a logical-ontological prerequisitewithin an autonomous storyworld, but rather as a textual effect, a strategywith specific purposes and degrees of realisation. It will be argued thatfigurativeness and style can result in an alternative structuration of both thenarratorial agency and the story material. Requiring attention to the actualstylistic materiality of specific formulations, the extended range of stylisticexpressivity under scrutiny constitutes an additional type of diacritics andnarrative prosody which can be defined as paranarrative and which will bediscussed in relation to existing notions such as overtness, disclosurefunctions, the disnarrated and metanarrativity.
« La mort du narrateur etl'interprétation du roman. L'exemple de PedroPáramo de Juan Rulfo » / « The Death of the Narrator and the Interpretationof the Novel. The example of Juan Rulfo's PedroPáramo »
SylviePatron (Université Paris Diderot-Paris 7)
Ya-t-il un narrateur pour tous les récits de fiction ou seulement pour certainsd'entre eux (ce qui suppose que des récits puissent être dits « sansnarrateur ») ? Cette question divise les théories« communicationnelles », pour lesquelles la communication entre unnarrateur et un narrataire, réels ou fictionnels, est constitutive de ladéfinition du récit, et les théories « non communicationnelles »,qu'on peut aussi appeler théories « poétiques » du récit de fiction, quiconsidèrent que le récit de fiction, ou un certain type de récit de fiction, etla communication sont des catégories mutuellement exclusives. Selon cesthéories, le récit de fiction n'est pas ou n'est pas toujours un acte decommunication. À la question « qui parle ? », elles répondent que,dans certains récits de fiction, personne ne parle — plus exactement, laquestion ne se pose pas, elle est sans pertinence. Ces théories visentégalement à réhabiliter la fonction de l'auteur en tant que créateur du récitde fiction.
Danscette communication, je me propose de mettre les théories communicationnelleset les théories non communicationnelles ou poétiques du récit de fiction à l'épreuve d'une micro-lecture empirique. Le texte choisiest le roman de Juan Rulfo, Pedro Paramo,qui sera étudié en espagnol (Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1955), dansles deux traductions françaises de Roger Lescot(Paris, Gallimard, « La Croix du Sud », 1959) et de Gabriel Iaculli (ibid., « Du monde entier »,2005), et éventuellement dans les deux traductions anglaises existantes.Le titre de la communication fait référence à une phrase de Wolfgang Kayser :« La mort du narrateur est la mort du roman » (Entstehung und Krise des modernen Romans, Stuttgart, Metzler, 1955, p. 34 ; je traduis).
Is there a narrator in all fictional narratives, oronly in some of them (which presupposes that narratives can be told« without a narrator ») ? This question divides« communicational » theories, according to which communicationbetween a narrator and a narratee, real or fictional, is constitutive of thedefinition of the narrative, and « non-communicational » or, better,« poetic » theories of fictional narrative, which consider that thefictional narrative, or a certain type of fictional narrative, andcommunication are mutually exclusive categories. According to these theories,fictional narrative is not, or is not always, an act of communication. To the question« who's speaking ? » they answer that, in certain fictionalnarratives, no one speaks — more exactly, the question is not even raised, forit is not pertinent. Thesetheories also aim to reinstate the function of the author as a creator of thefictional narrative.
In this paper, I propose to put the communicationaland non communicational or poetic theories of fictional narrative to the testof an empirical close reading. The text chosen is the novel by Juan Rulfo, PedroParamo, which will be studied in Spanish (México, Fondo de Cultura Económica, 1955), in the two different French translations by Roger Lescot (Paris,Gallimard, « La Croix du Sud », 1959) and Gabriel Iaculli (ibid., « Du monde entier »,2005), and possibly in the two existing English translations. The title of thepaper makes reference to a sentence by Wolfgang Kayser : « The death ofthe narrator is the death of the novel » (Entstehung und Krise des modernen Romans, Stuttgart, Metzler, 1955,p. 34 ; my translation).
« L'enchâssement narratif » / «Narrative Embedding »
JohnPier (Université François Rabelais de Tours / EHESS-CNRS, Centre de recherchessur les arts et le langage)
Lanarratologie classique a su mettre de l'ordre dans la réflexion traditionnellesur les rapports entre le récit-cadre et le récit encadré. Gérard Genette,notamment, a mis en place un système de « niveaux narratifs » fondésur le principe de la « différence de niveau » : « toutévénement raconté par un récit est à un niveau diégétique immédiatementsupérieur à celui où se situe l'acte narratif producteur de ce récit » (Figures III, Paris, Éditions du Seuil, «Poétique », 1972, p. 238). Mais l'« acte narratif », modelé d'aprèsl'énonciation en linguistique, est-il le seul outil permettant d'expliquerl'articulation des niveaux narratifs ? Le principe syntaxique del'enchâssement, sur une échelle allant de l'hypotaxe à la parataxe, met en reliefau moins trois perspectives sur l'articulation des niveaux narratifs et deshistoires dans un récit donné dès lors qu'on prend en considération l'ordreséquentiel du récit : 1) la spécification des relations entre le discoursdu narrateur et les discours des personnages ; 2) les types decoordination entre les récits formant un récit dans son ensemble ; 3) lesdéterminants paratextuels portant sur un récit.
Lesrôles relatifs de ces trois éléments constitutifs du récit seront examinés dansLost in the Funhouse (1969) de JohnBarth, une « série » de quatorze nouvelles dont l'ordre linéaire deprésentation ne fait que dissimuler sept itinéraires de lecture alternatives etcomplémentaires, mais réversibles, et autant de façons d'ordonner les récitscontenus dans le même livre.
Classicalnarratology succeeded in putting order into traditional ways of thinking aboutthe framed narrative and the framing narrative. Gérard Genette, in particular,set up a system of « narrative levels » based on the principle of« difference of level » : « any event a narrative recounts it ata diegetic level immediately higher than the level at which the narrating actproducing this narrative is placed » (NarrativeDiscourse, trans. Jane E. Lewin, Ithaca, Cornell University Press, 1980[1972], p. 228). But is the « narrative act » modeled afterlinguistic enunciation, the only way to account for the articulation ofnarrative levels ? The syntactic principle of embedding, ranging from hypotaxisto parataxis, brings into relief at least three perspectives on narrativelevels once the sequential order of the text is taken into account : 1)specification of the relations between the narrator's discourse and thecharacters' discourses ; 2) the types of coordination between the narrativesforming a narrative as a whole ; 3) the paratextuel determinants bearing on anarrative.
Therelative roles of these three constitutive elements of narrative will beexamined in John Barth's Lost in theFunhouse (1969), a « series » of fourteen short stories whoselinear order of presentation conceals seven alternative and complementary butalso reversible itineraries of reading, and as many ways of ordering thenarratives contained in the book.
« Le roman postmoderne : leretour du récit ? » / « The Postmodern Novel : theCome-Back of Narrative ? »
FrançoiseRevaz (Université de Fribourg, Suisse)
Lacritique littéraire considère qu'il y a « renarrativisation » dans leroman français actuel. Ce retour au récit ne signifie cependant pas un retourau modèle balzacien. S'il y a certes retour du sujet et retour d'une certaineforme d'intrigue, ces éléments sont réintroduits le plus souvent de manièreparodique, ludique ou ironique. C'est ainsi que l'on assiste à des réécrituresdétournées du roman policier, du roman d'aventures ou du roman d'amour. Enoutre, la renarrativisation s'opère fréquemment sur un mode minimaliste. C'estce problème que je me propose d'aborder dans le cadre du colloque en m'appuyantsur l'analyse de l'oeuvre romanesque d'un écrivain« minimaliste » : Jean-Philippe Toussaint. Auteur de sept romansparus entre 1985 et 2005 (LaSalle de bains, 1985 ; Monsieur,1986 ; L'Appareil photo,1988 ; La Réticence, 1991 ;La Télévision, 1997 ; Faire l'amour, 2002 ; Fuir, 2005), ce romancier belge, publié en Franceaux Éditions de Minuit, propose des textes variés qui permettent de se posertrès concrètement la question de la renarrativisation.
Troiséléments seront discutés :
1)La présence d'un sujet / héros. Le héros toussaintien est un personnage« indéterminé », aux deux sens du terme. D'une part, il est le plussouvent non caractérisé (ni nom, ni caractère, ni hérédité, niprofession) ; d'autre part, il ne manifeste aucun détermination dansl'action (soit il diffère le passage à l'acte, soit il agit sans savoirpourquoi, soit encore il subit les événements de sa vie) ;
2)L'organisation logico-causale du texte. Les liens de causalité sont ténus,voire inexistants, et seul le hasard semble présider à la destinée despersonnages ;
3)La mise en intrigue. Divers degrés de narrativisation peuvent être mis àjour : simples chroniques, intrigues incomplètes et intrigues complètes,mais totalement parodiques.
Ensomme, le but de cette présentation est de montrer comment une théorienarratologique peut rendre compte de récits modernes non canoniques.
Literary critique has identified a « renarrativisation» in today's French novel. Nevertheless, this return to narrative does not meana return to the Balzacian model. Though there is clearly a return to thesubject / protagonist and a certain degree of plot, these elements are mostoften reintroduced in a playful or ironic manner. Thus we see rewritings ofdetective and romance novels as parodies of their earlier incarnation.Moreover, this renarrativisation frequently operates in a minimalist mode. Itis this problem that I will be addressing in the conference, through theanalysis of the novels of the « minimalist » writer Jean-Philippe Toussaint.Author of seven novels published between 1985 and 2005 (La Salle de bains,1985 ; Monsieur, 1986 ; L'Appareil photo, 1988 ; La Réticence, 1991 ; La Télévision, 1997 ; Faire l'amour, 2002 ; Fuir, 2005), this Belgian novelist,published in France by Éditions deMinuit, has written a variety of texts propitious for examining the question ofrenarrativisation very concretely.
Three elements will be discussed :
1) The presence of a subject / hero. The Toussaintianhero is an « indeterminate » character in both senses of the word. Onthe one hand he is most often not characterized (no name, personality, familylineage, profession) ; on the other his actions lack determination (either heputs off the action or he acts without knowing why, or else he submits to theevents of his life) ;
2) The logico-causal organization of the text. Thebonds of causality are faint, even non-existent and only randomness seems tocontrol the fate of the characters ;
3) The plot. Several degrees of narrativisation can bebrought up to date : simple chronicles, incomplete plots and complete plotsdriven by parody.
Overall, the aim of this presentation is to show hownarratological theory can take into consideration modern, non-canonicaltexts.
Deuxièmesession : « L'analyse et la lecture courante du récit »
«Auteurs naturels, récits non naturels » / « Natural Authors, UnnaturalNarratives »
Henrik Skov Nielsen (Université de Aarhus, Danemark)
Danscette communication, j'essaierai de montrer que les concepts d'auteur et denarrateur ont servi à naturaliser la compréhension narratologique de la fictionlittéraire. Je m'appuierai sur un corpus de textes fictionnels aussi bien quenon fictionnels, et je développerai l'idée que certaines oeuvres mettent en jeuune double lecture, parce qu'elles sont soit surdéterminées, soit sous-déterminéesdu point de vue de la fictionnalité. Prolongeant l'argumentation de RichardWalsh dans The Rhetoric of Fictionality :NarrativeTheory and the Idea of Fiction (Columbus:Ohio State University Press, 2007), je conclurai que dans tous les casde figure, nous devrions faire une place à l'auteur au détriment du narrateuret que nous ferions mieux d'employer plutôt que d'« impliciter » le premier.
Inmy paper I will try to show how the concepts of narrator and author have servedto naturalize narratological understandings of literary fiction. The textsdiscussed will range from fictional to non-fictional and the talk willconcentrate on the idea that some works activate a double reading: because theyare either overdetermined or underdetermined as regards fictionality.Continuing and expanding Richard Walsh's arguments in The Rhetoric of Fictionality : Narrative Theory and the Idea of Fiction (Columbus: Ohio State University Press, 2007), thepaper suggests that in all of the cases we should make room for the author atthe cost of the narrator and that we better employ than imply the unemployedauthors.
« Narratologie post-classique,lecture ordinaire et récits intrigants » / « Post-classical Narratology,Ordinary Reading and Puzzling Stories »
RaphaëlBaroni (École de français langue étrangère de l'Université de Lausanne, Suisse)
Danscette présentation, j'introduirai d'abord brièvement les enjeux du passage del'approche structurale du récit aux travaux post-structuralistes ou« post-classiques », tels que les a baptisés David Herman. Je mefocaliserai surtout sur la branche « thématique » de la narratologiestructurale, qui a cherché à décrire différents modèles de l'intrigue et de laséquence narrative. Je montrerai notamment que le renouvellement de cette questiona conduit à aborder les structures narratives par le biais de l'acteinterprétatif qui les actualise, ce qui a également conduit à rechronologiserl'intrigue et à la redynamiser. Ce renouvellement est notamment visible dansles travaux précurseurs de Meir Sternberg, mais aussi dans les approches plusrécentes de Villeneuve, Phelan, Herman, Ryan, etc., avec des emprunts plus oumoins marqués aux modèles cognitivistes. Je montrerai ensuite les enjeux d'unetelle évolution au niveau de la valorisation de l'intrigue, de la lectureordinaire et du choix de certains corpus de référence pour la théorie du récit.Ainsi, si à l'époque de Barthes, la lecture valorisée était une lecture «étoilée », une re-lecture idéalement anti-commerciale et adaptée à des oeuvresqui cherchaient à rompre avec l'intrigue, le suspense et la temporalité(Ricardou, Robbe-Grillet, etc.), en revanche, on assiste aujourd'hui à unecontestation de la prééminence de ce modèle et à un retour d'intérêt pour lalecture ordinaire, cette première lecture qui prend plaisir aux aventures etaux mystères, qui avance en tâtonnant dans l'histoire et pour laquelle ledénouement est un avenir incertain plutôt qu'un rapport de symétrie avec unnoeud. On s'interrogera finalement sur la question des présupposés qui fondentles valeurs de l'interprétation et des textes dans les approches classiques etpost-classiques, et notamment sur la valeur propre de la« discordance » narrative, aussi bien sur un plan éthiquequ'esthétique. Derrière ces questions, on rencontrera une très vieilleopposition philosophique portant les rapports de l'être et du temps, mais aussisur la violence (ou le totalitarisme) qui se cache derrière la synthèse du logos.
To begin with, I shall describe the shift betweenstructuralist and post-structuralist or « post-classical » (as calledby David Herman) concepts of plot and narrative sequence. I shall underline thefact that the renewal of these questions is closely linked with a new interestfor the reading process that actualises narrative structures, and it induces amore dynamic conception of the plot in which time and the (temporary ordefinitive) indeterminacy of the story are playing major roles. In a secondtime, I shall focus on the consequences of such a shift, mainly on the corpusthat constitutes the reference for narrative theory and on the redefinition ofthe value of plot and of ordinary reading process. In conclusion, I shalldiscuss the differential value of narrative's « discordance » in bothmodels. We can recognize in this last issue an old philosophical oppositionconcerning the relation between being and time, but also a discussion on theviolence (or totalitarism) hidden behind the synthesis of the logos.
«Deux concepts de compréhension d'une narration » / « Two Concepts of Narrative Comprehension »
JérômePelletier (Université de Brest /EHESS-CNRS-ENS, Institut Jean Nicod)
Doit-onemployer un concept descriptif ou normatif de compréhension d'une narrationdans l'étude cognitive de la compréhension des narrations ? Ce quej'appelle un concept descriptif de compréhension est un concept purementcognitiviste des différents processus produisant la compréhension d'unehistoire communiquée par une narration sans distinguer les processus impliquésdans la compréhension d'une histoire fictionnelle ou factuelle. Un conceptnormatif de compréhension ajoute au précédent concept la connaissance du statutfactuel ou fictionnel de l'histoire. Selon un concept normatif decompréhension, un lecteur ne sachant si l'histoire qu'il comprend (au sensdescriptif) est factuelle ou fictionnelle ne comprend pas correctementl'histoire.
Àpremière vue, il semble que la science cognitive des narrations n'emploie ni nerequiert un concept normatif de compréhension. Pour la science cognitive desnarrations — essentiellement la psychologie cognitive des narrations et laneuroscience des narrations — les mêmes mécanismes cognitifs sont à l'oeuvrelorsqu'on lit une narration fictionnelle et une narration factuelle. Lesexpériences narratives — qu'il s'agisse d'expériences de narrations factuellesou fictionnelles — sont souvent décrites par les cognitivistes comme desexpériences simulatives qui se rapprochent des expériences déclenchées par lessouvenirs épisodiques d'événements. La recherche psychologique sur les émotionssemble aussi suggérer que nos mécanismes affectifs sont en grande partieindifférents à la nature factuelle ou fictionnelle de l'histoire narrée. Enoutre, quand des narrations — factuelles ou fictionnelles — dépeignent des mondesavec des agents intentionnels, leur traitement a, selon la science cognitivedes narrations, de nombreuses similarités avec le traitement de notreenvironnement social réel. Ainsi, le fait de lire des narrations — fictionnelleou factuelles — impliquant des interactions sociales complexes activeapparemment des substrats neuronaux identiques à ceux utilisés pour naviguerdans des situations sociales similaires dans le monde réel. Ce qui importe auxyeux des cognitivistes de la narration est le contraste entre d'un côté lesnarrations — fictionnelles ou factuelles — et de l'autre côté les textesargumentatifs.
Cependant,de nombreux psychologues du développement et psychologues de l'évolution onttravaillé sur le processus cognitif, connu sous le nom de « cognition découplée», permettant à l'esprit de distinguer les informations factuelles etfictionnelles. Ces travaux suggèrent qu'une expérience narrative totale devraitdistinguer les histoires factuelles et fictionnelles. La question principalequi se pose alors est de savoir si l'on doit conclure, à partir de là, qu'il ya toute la place que l'on veut en psychologie cognitive pour un conceptnormatif de compréhension d'une narration ou si plutôt un tout autre concept decompréhension d'une narration se trouve ici en jeu.
Should one use a descriptive or a normative concept ofcomprehension in the cognitive study of narrative comprehension ? What I call adescriptive concept of comprehension is a pure cognitive science concept of thevarious processes resulting in the understanding of the story delivered by anarrative without discriminating between the process involved in theunderstanding of factual and fictional stories. A normative concept ofcomprehension adds to the former concept a knowledge of the factual orfictional status of the story. According to a normative concept ofcomprehension, a reader who does not know whether the story he understands (ina descriptive sense) is factual or fictional would not understand correctly thestory.
At first sight, it seems that narrative cognitivescience does not use or need a normative concept of narrative comprehension.For narrative cognitive science — mainly narrative cognitive psychology andnarrative neuroscience — the same cognitive mechanisms are at work whilereading a fictional narrative and a factual narrative. Narrativeexperiences — be they experiences of factual or fictional narratives — areoften described by cognitive scientists as simulative experiences akin to thoseexperiences triggered by episodic recall of events.Psychological research on emotions seems also tosuggest that our affective processing mechanisms are largely indifferent to thequestion of whether the story under consideration is factual or fictional. Besides, when narratives — factual orfictional — contain depictions of worlds replete with intentional agents, theirprocessing shares, according to narrative cognitive science, many similaritieswith the processing of our real social environment. Thus, reading about complexsocial interactions such as those commonly described in factual and fictionalnarratives, apparently engages neural substrates similar to those used tonavigate similar situations in the real-world. What matters for cognitivescience in the narrative domain is the contrast between on one side narratives— fictional or factual — and on the other side expository texts.
Still many cognitive developmental psychologists andevolutionary psychologists have been working on the process, known as decoupledcognition, enabling the mind to distinguish factual from fictional information.These works suggest that a full narrative experience should discriminatebetween factual and fictional stories. The main issue here is whether oneshould conclude on that basis that there is plenty of room, in cognitivepsychology, for a normative concept of narrative comprehension or rather if analtogether different concept of narrative comprehension is at work here.
Hors-session
« Nouveaux usages sociaux du récit :l'exemple de l'enquête de la Banque Mondiale, Voices of the Poor » / « New Social Uses of Narrative : theExample of the Inquiry of the World Bank, Voicesof the Poor »
PhilippeRoussin (EHESS-CNRS, Centre de recherches sur les arts et le langage)
Gerald Princefaisait récemment remarquer que les interrogations concernant lesfonctions du récit, le récit comme production, la manière dont tel récit — etnon plus tout récit — signifiait, avaient supplanté les interrogationsnarratologiques des années 1960 sur le fonctionnement du récit et le récitcomme produit. On peut noter que, parallèlement, au cours de la même période,la compréhension et l'interprétation ont détrôné au sein des sciences del'homme le modèle nomologique explicatif des sciences de la nature et conféréau récit une place centrale, au point qu'un consensus semble aujourd'huiexister pour affirmer que les êtres humains vivent ou font l'expériencede leur vie comme s'il s'agissait d'un récit ou d'une histoire. On utiliseraquelques uns des dizaines de milliers de récits de vie recueillis par la BanqueMondiale au cours de ses enquêtes qualitatives sur la pauvreté dans les années1990 pour étudier ces nouveaux usages du récit et analyser leur portée.
Gerald Prince recentlynoticed that questions concerning the functions of narratives or the narrativeas process and production, the way any singular narrative — and not everynarrative — signifies have now dethroned the narratological interrogations ofthe 1960's dealing with the functioning of narrative or the narrative asproduct. At the same time, the understanding (or comprehension) andinterpretation of human and historical life has replaced the descriptive andlaw-based explanation of the natural sciences, the nomological-deductive and«positivistic» model of the human sciences thirty years ago. This evolution hashelped to stress the central role of narrative : there is now a widespreadagreement that human beings see or experience their lives as a narrative or asa story of some sort. In my talk, I will analyze some among the thousands ofnarratives and life stories recently collected by the World Bank in more thantwenty countries and published under the title Voices of the Poor. The aim of the study is to understand these newsocial uses of narrative and to consider their meaning.
Troisièmesession : « La portée historique et culturelle de la théorie du récit »
« “Li contesdist que". Le roman médiéval : aporie ou défi pour les théories durécit ? » / «“Licontes dist que". The Medieval Novel : Aporia or Challenge forTheories of Narrative ? »
Michèle Gally (Université d'Aix-Marseille I)
La majorité des théoriciens modernes font l'impasse sur laproduction fictionnelle médiévale. Ce qui se désigne comme « roman »aux XIIe et XIIIesiècles, en renvoyant à un choix de langue plus qu'à une forme, peut-il êtreappréhendé au-delà d'une approche philologique ? Comment alors rendre comptedes « effets » d'oralité — esthétique ou indices d'une « communication » poétique — et del'auto-représentation de sa propreproduction qu'élabore le récit médiéval ? Libre de tout discours théorique ou normatif contemporain, lerécit médiéval réfléchit cependant les questions de toute fiction entrereprésentation et communication, référentialité et autotélisme. Nous essayeronsde mesurer ce que les théories durécit et de la fiction peuvent apporter à sa compréhension, mais aussi ce qu'ilpourrait leur apporter comme interrogation et différence.
The majority of modern theoreticians skip overMedieval fiction. Can what is designated as a « novel » in the 12thand 13th centuries, regarding a choice of language rather than aform, be understood beyond a philological approach ? How can one then considerthe « effects » of orality — aesthetic or indications of poetic « communication» — and the self-representation of its own production elaborated by theMedieval narrative ? Free of any theoretic or normative contemporary discourse,the Medieval narrative nevertheless reflects on questions concerning allfiction situated between representation and communication, between thereferential and the autotelic. We will try to weigh both the contribution ofnarrative and fiction theories to our understanding of Medieval narratives aswell as the contribution of these narratives to narrative theories in terms ofquestions and difference.
« Quelle théorie pour un objet mouvant, le conte ? » / « Can suchan unstable object as the tale be theorized ? »
PatriciaEichel-Lojkine (Université du Maine)
Objet mouvant dontl'actualisation en un texte n'est qu'une des manifestations possibles, récitsans narrateur (mais issu d'une voix anonyme prise en charge par un récitant),sans personnages psychologiques (mais avec des actants), sans intrigue àélucider, secret ou mystère à percer (mais avec une quête à mener), le conterepose sur un principe d'élaboration foncièrement différent de celui quipréside au récit romanesque, comme le notait déjà il y a vingt-cinq ans JeanBellemin-Noël : « En fait, il existe entre la fiction des contes et celledu romanesque au sens habituel de ce terme une différence de nature et pointseulement de degré » (Les Contes etleurs fantasmes, Paris, PUF, « Écriture », 1983, p. 15). Cet objet àla fois irréductible au modèle romanesque classique sur lequel s'est portée demanière privilégiée la théorisation du récit, et insaisissable par son ampleuret ses métamorphoses, puisqu'il se démultiplie et mène des vies parallèlescomme récit oral (dans des versions elles-mêmes multiples), texte écrit(lui–même éclaté en versions notées et transcriptions lettrées) et objetmultimédia, lance un véritable défi à la théorie littéraire. Ce défi a étérelevé dès le début du XXe siècle, comme le montrait Marie-LouiseTénèze en 1970 dans un article récapitulatif (« Du merveilleux comme genre »,Arts et traditions populaires, janv.-sept. 1970, pp. 11-65), et il a reçu plusieurs réponses : des entreprises declassification thématique de la part des folkloristes, une modélisation de lanarration, qui se voulait plus abstraite et plus économique, de la part duformalisme et du structuralisme, une approche mythocritique, sous l'influencede Claude Lévi-Strauss, qui renouait avec le contenu, un regardpsychanalytique… Ces discours, on s'en doute, communiquent rarement entre eux,en premier lieu parce qu'ils isolent un objet différent (le conte dans un deses états), en second lieu parce que leurs bases théoriques sont irréductibles.Ce cloisonnement des discours critiques est-il lié à la nature du conte ?Une synthèse et un dépassement sont-ils aujourd'hui possibles ?
A tale is totallyelusive as an object sinceits actualization into a text is only one of its possible modes ofexistence ; deprived of a narrator, it issues from an anonymous voice(though it can only be actualized by a speaker), it is not peopled withpsychological characters but with narrative actants, it offers no plot to bedisentangled, no secret, no mystery to be elucidated, even though what it putsforward is a quest ; indeed the tale relies upon a principle of elaborationthat is fundamentally different from that upon which the novel is built, as Jean Bellemin-Noël had already noticed some twenty years ago :« Indeed there is a fundamental difference between fiction as it appearsin tales and that which novels — in the usual sense of the term — examplify andthat difference is not only of degree : it is a difference ofnature » (Les Contes et leursfantasmes, Paris, PUF, « Écriture », 1983, p. 15, my translation).Therefore, as it is both irreducible to the classical model of the novel (sofar privileged as the main object of narratological theorization) and elusivein itself on account of its rangeand of its ceaseless metamorphoses since it keeps splitting into competing orparallel lines of existence, as oral tale (in a multiplicity of differentversions), as written text (itself ranging from mere notes to fully writtenout transcriptions) or indeed as a multi-media object, the tale offers areal challenge to literary theory. In a recapitulative article of 1970, « Dumerveilleux comme genre » (Arts et traditions populaires, janv.-sept. 1970, pp. 11-65), Marie-Louise Ténèze has shown that the challenge was taken upas early as the first decades of the 20th century, and that a number of answers were offered :attempts at thematic classification by the specialists of folklore, anallegedly more abstract and economical modelization of the narrative process bythe formalists and the structuralists, a mytho-critical stance which returnedto questions of content, under the influence of Claude Lévi-Strauss, apsychoanalytical approach and so on… As can easily be imagined, communicationbetween these various types of discourse is very rare indeed, in the first place because each one of themisolates a different object (the tale in one of its possible realizations), andsecondly because their theoretical prerequisites are irreducible. But shouldthis overall inability of the various critical discourses to communicate in thelast instance be ascribed to the very nature of the tale ? or isn't itpossible to imagine new theoretical ways of achieving a synthesis and a moredynamic and comprehensive view ?
« La narratologie a-t-elle des frontièreslinguistiques et culturelles ? La théorie narrative de Sadakazu Fujii » / « Linguistic and Cultural Boundaries for Narratology ?The Narrative Theory of Sadakazu Fujii »
Akihiro Kubo (Université de Kyoto, Institute for Research in Humanities,Japon)
L'« importation » des théories du récit depuis la findes années 1960 a modifié considérablement les études littéraires au Japon.Elles ont apporté une nouvelle perspective aux analyses des textes littéraires,mais aussi aux études des mythes ou des contes folkloriques. Cependant, cecourant a soulevé une question : la narratologie est-elle une méthode quipeut se prétendre universelle ? Autrement dit, n'ignore-t-on pas qu'il y ad'autres logiques narratives que celles des langues occidentales ? Ils'agit dès lors d'examiner la portée et la pertinence des théories narrativesdans le contexte japonais, c'est-à-dire dans la structure grammaticale de lalangue japonaise et/ou du contexte historique et culturel dans lequel se trouvecelle-ci.
Sans doute est-ce Sadakazu Fujii, théoricien et spécialiste de lalittérature japonaise ancienne, qui a poussé le plus loin cette réflexion.Observant de près la confrontation des notions empruntées aux linguistiquesoccidentales au corpus de la littérature japonaise, Fujii cherche à élaborerune théorie dans une perspective « asiatique » (pas seulement japonaise,car il veut remettre la langue et la culture japonaises en rapport avec cellesqui l'entourent, y compris l'aïnou et Okinawa). Trois points caractérisent sathéorie : 1) l'étude philologique des mots « monogatari » et « furukoto »,qui montre qu'il y a historiquement deux régimes de la narration ; 2) lathèse sur la genèse et l'évolution du genre fictionnel (la poésie lyrique, lesmythes ou récits d'origine et les contes folkloriques en constituant cequ'André Jolles appelle des « formes simples ») ; 3) le systèmeoriginal des pronoms personnels (il propose d'introduire la « personnezéro » qui désigne le narrateur et la « quatrième personne » quisert d'indice de la fictionnalité d'un récit). C'est sur ce dernier point queje voudrais me pencher dans cette communication, car il porte sur lesnotions-clés de la narratologie et illustre le mieux la confrontation enquestion. J'essaierai ainsi d'évaluer ce que ce point de vue« asiatique » pourrait apporter aux théories du récit.
The « importation » of the narrative theories sincethe end of 1960s had a considerable impact on literary studies in Japan. Theybrought a new perspective in the analyses of the literary texts as well as inthe studies of myths and folktales. However, as a result, a problem has emerged :is narratology a method which can be considered universal ? In other words, arethere no other narrative logics than that of Western languages ? It isnecessary to evaluate the pertinence of those narrative theories in Japanesecontext, that is to say, in terms of the grammatical structure of the Japaneselanguage and/or in its historical and cultural circumstances.
A specialist in the ancient Japanese literature,Sadakazu Fujii, is also the theoretician who has been making a profoundreflection on this matter. Based on the close examinations of the confrontationbetween the conceptions borrowed from the Western linguistics and the corpus ofthe Japanese literature, Fujii has elaborated his own narrative theory in an «Asiatic » perspective. This theory bears these three features : 1)philological study of the words « Monogatari »and « Furukoto », whichshows that there are historically two modes of narration ; 2) theory aboutthe origin and the development of fictional genre (lyric poetry, myths or talesof origins, and folktales composing what André Jolles called « simpleforms » of this genre) ; and 3) original system of personal pronouns(invention of the « zero person » which points to the narrator and the «fourth person » that indicates the fictionality of narrative). Out of thesethree, I will particularly examine the last point here, not only because itconcerns the key conceptions of the narratology, but also it should showclearly the confrontation mentioned above. This paper is an attempt to clarify whatthis « Asiatic » point of view can bring to the theories of narratives.
« Lalittérature japonaise et le sujet flottant : jalons d'une esthétique» / « Japanese Literature and the Floating Subject : Steps for anAesthetics »
CécileSakai (Université Paris-Diderot-Paris 7)
Onpartira des caractéristiques linguistiques de la langue japonaise, enl'occurrence l'absence possible, et même courante, d'un sujet grammaticalexprimé dans la phrase, et la compensation de cette lacune par la mise en oeuvrede dispositifs d'énonciation.
Ils'agit là d'un usage linguistique normatif. Cependant, nombreux sont lesécrivains qui ont délibérément exploité la fluidité induite par l'absenced'ancrage d'un sujet grammatical en japonais. Chez Natsume Sôseki, chezKawabata Yasunari, ou plus récemment chez Yoshimoto Banana ou Machida Kô, l'onrecense de nombreux exemples que l'on tentera d'interroger à l'épreuve de latraduction en français : la mobilité / labilité du point de vue, sonaspect flottant, éventuellement contradictoire, ne sont-ils pas au fondementd'une esthétique particulière etn'exigent-ils pas l'élaboration d'un appareil critique, en théorie du récit,qui soit adapté à cette configuration en creux ?
Cettequestion, à laquelle l'on ne pourra répondre que par quelques hypothèses, passepar une réflexion sur la mise en scène de l'ambiguïté, qui appelle une forteinteraction entre le texte et son lecteur. La phrase n'est pas une donnéedéfinitive, elle doit être d'emblée interprétée. Le sens devient alors l'objetd'un enjeu qui fluctue selon les contextes. Comment analyser alors cesfluctuations ? Une piste pourra être explorée, dans le moment où cesfluctuations se figent dans la traduction, fondée inéluctablement sur unelecture, celle du traducteur.
Thepresentation will be articulated, basically, on the linguistic characteristicsof Japanese language, that is to say the possible, and even usual, lack of agrammatical subject expressed in the phrase, and the compensation of this lackby a serie of devices linked to the statements. In there lies a normativelinguistic use. Nevertheless, a number of Japanese writers have deliberatelydeveloped this fluidity induced by the absence of a grammatical subject in thephrase. We shall quote excerpts of novels by Natsume Sôseki, Kawabata Yasunari,or more recent Yoshimoto Banana or Machida Kô, in order to evaluate theprocess, through the proof of the translation in French. Our focus will be :isn't this floating aspect, mobility or lability of the « point of view »,including its contradictory aspects, possibly based upon a specific aesthetics,which needs to be analysed by an adapted critical apparatus in narrativetheory, which could deal with this configuration of fluidity ?
Thisquestion, to which we shall try to answer with some hypothetical propositions,has to be examined through a reflection on the scenography of ambiguity, whichcalls for a strong interaction between the text and its reader. The scope ofthe phrase is not completely defined, and has to be interpreted. The meaningbecomes a stake fluctuating between the contexts. Then, how could we analysethese fluctuations ? Here we shall come back to the process oftranslation, the moment when these fluctuations set, because the operationdepends on a singular reading, which belongs to a single translator.
L'organisatrice remercie FrançoiseLavocat, coordinatrice du projet HERMÈS (Histoires et théories del'interprétation), Francis Marmande, directeur de l'équipe de recherche« Littérature au présent » et du futur CÉRILAC (Centre d'études et derecherches interdisciplinaires de l'UFR Lettres, arts, cinéma), l'Agencenationale pour la recherche, le « Bonus qualité recherche » del'Université Paris Diderot-Paris 7, l'École doctorale « Langue, littérature,image » de l'Université Paris Diderot-Paris 7,
pour les soutiens intellectuels etfinanciers apportés à ce colloque.