
Les grandes figures historiques dans les lettres et les arts, n° 14 : "Figures révolutionnaires et combats d’arrière-garde"
Les grandes figures historiques dans les lettres et les arts, n° 14
"Figures révolutionnaires et combats d’arrière-garde"
Numéro édité par
Mathilde Avet, Alison Boulanger, Fiona McIntosh-Varjabédian, Mariami Sultanova et les membres du comité de rédaction
Présentation : Dans des périodes de crise, où un pays entier semble avoir perdu sa boussole, nombre de penseurs se tournent vers son passé pour essayer de reconstituer sa trajectoire et redéfinir l’identité collective. Mais comme l’ont rappelé récemment l’historien français Benjamin Stora, ou l’écrivain libanais Marwan Chahine, la mémoire des guerres se transforme alors en guerre des mémoires. Même le terrain de l’histoire naturelle, lorsqu’il est investi par des républicains convaincus comme Toussenel ou Michelet, se prête à cette stratégie ; à plus forte raison la grande figure historique. Écrit après écrit, Chateaubriand se débat avec « Buonaparte » ou « Bonaparte », un nom dont l’orthographe fluctue selon l’orientation politique du pamphlet. Un siècle après que la propagande thermidorienne a fait d’eux la personnification de la Terreur, Robespierre ou Saint-Just continuent de déchirer les Républicains et galvaniser leurs opposants.
Plus de deux siècles après la Révolution, ils suscitent toujours des représentations polémiques qui, depuis le lointain Japon, connaissent des réverbérations mondiales. Tchapaev, héros de la Guerre Civile, nourrit des représentations diamétralement antagonistes de l’histoire russe. La versatilité de ces figures est inégalable ; et cependant, elles servent bel et bien à mobiliser le passé et à esquisser l’avenir en des temps troublés : ainsi Zola reste le modèle vers lequel se tournent des opposants allemands au nazisme en exil, privés de citoyenneté et de moyens d’expression. Loin de se statufier à travers ses représentations successives, la figure historique fait preuve d’une vitalité étonnante.
Summary : In periods of crisis, when whole countries seem adrift without a compass, many thinkers turn to the past to try to get some sense of direction and redefine collective identity. But as French historian Benjamin Stora or Lebanese writer Marwan Chahine recently reminded us, the memory of wars then turns into a war of memories. Even the field of natural history, in the hands of committed Republicans such as Toussenel and Michelet, can lend itself to such strategies; this is even truer of great historical figures. Again and again, Chateaubriand grapples with the figure of “Buonaparte” or “Bonaparte,” an elusive name spelt differently according to the political outlook of pamphlets. A century after Thermidorian propaganda turned them into embodiments of the Terror, Robespierre or Saint-Just were still deeply divisive figures for the Republican party, and effective rallying-cries for their opponents. More than two centuries later, they continue to fuel controversial representations in far-away Japan, from where they reverberate in global culture. Similarly, Chapaev, a Russian hero of the Civil War, has been channelled to represent Russian history under various antagonistic colours. There is nothing so versatile as these figures; yet they successfully harness the past and suggest a possible future when times grow troubled: thus Zola is the enduring model that German opponents to Nazism turned to when in exile, deprived of citizenship and of the means of expressing themselves. The successive depictions of historical figures, far from turning them into statues, show that they are fully alive and kicking.
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Sommaire
La génération du désert et le serpent d’airain, ou comment figurer l’illisible
La révolution dans ses représentations
« Il s’est conservé pur et sans tache pour son roi » : Chateaubriand et la pureté en politique
Figurer l’histoire sociale par l’animal : Toussenel et Michelet après 1848
Moi Georges Laguerre, fils de la Révolution et héritier de Robespierre
Saint-Just vu par le Japon : l’appropriation d’une figure androgyne
Combats d'arrière-garde
Comptes rendus
Deux biopics, du début à la fin. Un parfait inconnu de James Mangold et Maria de Pablo Larraín