Dans la peau d’une bête. Les enjeux historiques et anthropologiques du perspectivisme contemporain (EHESS, Paris)
Des plantes, des animaux et des « guerres » - LAP | UMR 8177 CNRS-EHESS
Programme ouvert à toutes et tous sans inscription
Dans la peau d’une bête. Les enjeux historiques et anthropologiques du perspectivisme contemporain
Jeudi 16 janvier, AS1-23, de 16h à 19h, EHESS, 54 bld. Raspail
co-animée par Mara Magda Maftei et Emmanuel Picavet,
Invités :
Étienne Bimbenet (Professeur, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
L’écrivaine Mireille Gagné, Frappabord, Éditions La Peuplade, 2024
Nicolas Jaoul (Chargé de recherche LAP, CNRS-EHESS)
Première partie
Résumé intervention Étienne Bimbenet
Un animal se raconte, en première personne : les écofictions contemporaines multiplient les récits dans lesquels une autrice ou un auteur adopte, le temps d’un roman, le point-de-vue d’un animal, aussi éloigné soit-il de l’espèce humaine.
On interrogera ici cette pratique perspectiviste, dans ses attendus à la fois historiques et anthropologiques. Historiques : à l’âge du pluralisme des valeurs, et en l’absence d’un point de vue surplombant qui permettrait de fédérer les différents combats écologiques autour de valeurs objectives et inhérentes à la nature, la seule méthode qui nous reste pour plaider en faveur des non-humains, c’est peut-être une pratique littéraire de l’inversion des perspectives, invitant à vivre ce que vivent les non-humains. Anthropologique : comme l’animisme le montre, cette inversion des points de vue échoit aux seuls humains, ces vivants incapables de tenir en place et tentés en permanence de vivre d’autres vies que la leur. D’où ce paradoxe : il faut être humain pour se sentir appelé à explorer la vie des non-humains ; la vie humaine n’est jamais plus elle-même que lorsqu’elle s’éloigne de soi et se décentre à elle-même.
Dialogue avec l’écrivaine Mireille Gagné
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Deuxième partie
Résumé intervention Nicolas Jaoul sur le thème de l’année dernière « Les utopies que nous vivons »
Penser avec « L’équilibre du monde » de Rohinton Mistry, entre réalisme et transgression.
Prenant en défaut une posture scientifique qui consiste à voir chez les écrivains de grands ethnographes, le roman dont il sera question ne repose sur aucune enquête. A partir de l’expérience vécue de deux travailleurs migrants dalits pendant l’état d’urgence, il permet cependant de sonder les failles de la démocratie indienne, qui à quelques exceptions près ont peu intéressé les spécialistes de l'Inde jusqu’à une période très récente. Dès lors qu’écriture littéraire et scientifique sont amenées à se croiser et s’influencer, il est donc utile de réfléchir à toutes les implications de cette perméabilité, ce qui sous-tend un questionnement sur les frontières des sciences sociales et sur les enjeux d’une ouverture des sciences sociales à l’extra-disciplinarité. Dans ce roman, un misérabilisme teinté de pessimisme côtoie des moments de grâce pleins d’espoir et de rédemptions à la fois possibles et fragiles. Cette écriture littéraire offre ainsi matière à réflexion pour l’anthropologie politique, non pas tant comme modèle d’ethnographie, mais comme tentative de penser l’émancipation en tant que dimension constitutive du « réel ».
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Références bibliographiques :
Étienne Bimbenet, Le Complexe des trois singes. Essai sur l’animalité humaine, Paris, Le Seuil, coll. « L’Ordre philosophique », octobre 2017.
Étienne Bimbenet, L’Animal que je ne suis plus, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais inédit », 2011.
Mireille Gagné, Frappabord, Éditions La Peuplade, 2024
Nicolas Jaoul and Shah, Alpa. Adivasi and Dalit political pathways in India, Theme Section, Focaal n°76, Bergahn Books: 1-70, 2016.
Nicolas Jaoul, D. Berti, N. Jaoul et P. Kanungo (dir.) Cultural Entrenchment of Hindutva: Local Mediations and Forms of Convergence, New Delhi: Routledge, 2011.
Lien zoom :
Heure: 16 janv. 2025 04:00 PM Paris
https://pantheonsorbonne.zoom.us/j/98953160843?pwd=pj3rW8z7lkCAl8LEgCOrNhYt83HDjE.1
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