"La volonté d’être homme. Pour une histoire du roman du “nouveau mal du siècle” à L’Espèce humaine (1924-1947)". Soutenance de Maxime Bergès (dir. Jean-Louis Jeannelle, Sorbonne)
Maxime Bergès soutiendra sa thèse intitulée
« La volonté d’être homme. Pour une histoire du roman du “nouveau mal du siècle” à L’Espèce humaine (1924-1947) »,
le vendredi 6 décembre, à 14h sur le campus de Jussieu (amphithéâtre Astier, bâtiment Esclangon) de Sorbonne Université.
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Le jury sera composé de :
M. Jean-Louis Jeannelle (directeur de thèse)
Mme Hélène Baty-Delalande (examinatrice)
Mme Aude Bonord (rapporteure)
M. Guillaume Bridet (examinateur)
M. Thomas Hunkeler (rapporteur)
Mme Françoise Simonet-Tenant (examinatrice)
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Résumé de la thèse
Nous envisageons dans notre thèse l’histoire du roman du premier XXe siècle à l’aune des débats qui se sont tenus autour de la notion d’homme, afin de mettre au jour les tensions, les fluctuations et finalement les points aveugles de la relation qui unit le genre à son objet privilégié. Les auteurs que nous lisons traitent en effet toujours de l’homme mais tantôt de l’existant (Malraux), de l’individu (Nizan), du masculin (Yourcenar) ou encore du vivant (Giono)... Nous avançons l’hypothèse selon laquelle les écrivains ont continuellement repensé la mission du roman pour exprimer au mieux leur conception de l’homme. Cela nous conduit à envisager l’histoire du roman au-delà du genre, et à explorer toutes les formes littéraires auxquelles se sont adonnés les écrivains de l’époque : essai, journal intime, témoignage, reportage. La notion d’homme nous sert alors d’outil heuristique pour analyser la migration d’intérêts philosophiques, socio-politiques et idéologiques dans les œuvres de fiction.
En cinq moments qui se recoupent parfois, nous reconstituons le déroulement des débats de l’époque depuis le « nouveau mal du siècle » (1924) de Marcel Arland à L’Espèce humaine (1947) de Robert Antelme. Dans la première partie (1924-1931), nous explorons la remise en question de la philosophie cartésienne. Les écrivains cherchent à redéfinir l’être en s’appuyant sur une métaphysique du moi principalement abordée à partir de leur corps. Au tournant des années trente (1928-1934), les écrivains mettent le roman au service d’une cause sociopolitique de sorte qu’il n’est plus question d’une introspection mais d’une réflexion sur les conditions de vie des individus. Puis le paysage littéraire français connaît une rupture nette après les émeutes antirépublicaines du 6 février 1934, division qui s’accentuera jusqu’aux accords de Munich (1934-1938). Les écrivains cherchent alors une littérature efficace, actuelle et responsable au point parfois de mettre le roman entre parenthèses pour défendre au mieux la communauté des hommes ou promouvoir l’avènement d’un « homme nouveau ». Cet engagement fort a suscité un rejet de la politique pour une génération qui émerge à la fin des années trente et qui explore les frontières de l’humain (1938-1943). Finalement, la Seconde Guerre mondiale provoque un sursaut d’engagement qui débouche cependant sur une désacralisation du héros (1942- 1947). Une nouvelle éthique est formulée, qui concerne moins l’écrivain que le lecteur. On attend toujours de l’écrivain qu’il porte témoignage, mais également du lecteur qu’il entende la parole de ceux qui étaient jusqu’alors exclus de la notion d’homme : d’une « métaphysique du moi », on en vient à s’intéresser aux romans des Autres.