
Le tragique a mauvaise réputation, dans la langue courante (et journalistique) qui l’associe spontanément à la catastrophe, comme dans le jargon philosophique qui l’associe (souvent) à l’abattement et au pessimisme. On ignore ainsi la vertu première de l’esprit de la tragédie grecque et de la philosophie qu’elle a insufflé : une philosophie du courage, de l’assomption (de l’existence, du temps, en un mot, du tragique), et de la joie qui en résulte. Cet essai invite à rebrousser chemin.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Jeune professeur en classe préparatoire, Santiago Espinosa déduit de ses lectures d’Eschyle et de Sophocle que le tragique ne doit pas être tenu pour une perception catastrophiste de l’existence humaine. Il insiste sur la joie qui baigne les œuvres de Spinoza, Nietzsche et Clément Rosset – ce dernier, récemment disparu, est sa principale référence contemporaine avec les divers auteurs publiés par Encre marine, la maison d’édition fondée par Marcel Conche. Le tragique doit en effet être compris comme la « totalité de ce qui existe, dans la mesure où elle se manifeste toujours dans le temps et l’espace : elle se présente ». Il n’y a donc que ce qui est et l’on n’a d’autre choix que de l’accepter, ce qui suppose une force que n’a pas la pensée qui refuse le tragique. La réalité est ce qu’elle est, telle qu’elle se donne à un moment donné et que le temps va se hâter de défaire. Entre l’être et le temps, il y a plus que la relation que décrit Heidegger. Il y a identité. C’est le temps qui fait être ce qui est et qui l’abolit au profit d’un nouvel état d’être.
Euripide a refusé la pensée tragique au profit d’une conception dramatique du théâtre, dans laquelle les personnages n’ont plus la force des héros tragiques. Ils sont plutôt ballottés par le cours d’événements qu’ils aimeraient maîtriser, sans en voir le caractère inéluctable puisqu’il n’est pas d’alternative à la réalité, toujours unique. La pensée non tragique à laquelle s’en prend Espinosa est illustrée par la démarche socratique qui oppose au monde réel un éventuel autre monde, dans lequel, par exemple, les âmes immortelles seraient récompensées de la vie juste menée sur terre.
On n’est pas devant un livre argumenté mais confronté à une affirmation dont la force tient à la cohérence. Il n’y aurait guère de sens à lui opposer une autre vision des choses ou même à contester la lecture faite du platonisme. Un tel bloc, on l’accepte ou pas." — Marc Lebiez