Résumé
L'opéra n'est pas seulement une œuvre musicale ou un spectacle. C'est une œuvre fictionnelle, qui a ses moyens propres de raconter une histoire. Mais l'opéra relève-t-il de la diégèse ou de l'imitation ? Est-il une sorte d'épopée, dont le narrateur serait le compositeur ou la musique, ou est-il du théâtre stricto sensu, où les personnages parlent en chantant dans leur monde ? Ces questions ont été posées par la philosophie analytique de l'opéra (Edward Cone, Peter Kivy), et par la musicologie contemporaine (Carolyn Abbate, Mauro Calcagno, Nina Penner), mais ont été peu abordées en France, où l'opéra a surtout été traité sous l'angle du "cas Wagner" (Badiou, Lacoue-Labarthe) ou sous un angle strictement phénoménologique (Danielle Cohen-Levinas, Martine de Gaudemar). Poursuivant le travail de Catherine Kintzler, en l'élargissant à tout l'opéra, Maud Pouradier propose une poétique générale de l'opéra, s'appuyant notamment sur la philosophie du langage et l'idée d'"acte d 'énonciation chantant". Elle suggère que le caractère "auratique" de l'opéra pourrait avoir ses racines anthropologiques et culturelles dans une conception théologique de la voix, en s'appuyant notamment sur les travaux de Georges Didi-Hüberman : elle propose d'appeler "équivocité" le prolongement vocal de la thèse théologique de l'Incarnation. De même que, selon L'Image ouverte de Didi-Hüberman, la peinture est traversée par la dialectique de la mimèsis antique et de la figuration chrétienne, de même l'opéra est travaillé par la dialectique de la mimèsis et de l'équivocité. Ces questions théoriques sont loin d'être sans incidence sur les enjeux de scénographie, de mise en scène et de transmission de l'opéra, qui sont également traités dans l'ouvrage.
Table des matières
Avant-propos : Qu'est-ce que la philosophie de l'opéra ?
Introduction : Le problème du chant continu.
I. L'opéra est-il une œuvre fictionnelle ?
II. Forces et faiblesses d'une conception épique de l'opéra.
III. Le théâtre opératique.
IV. Feindre de parler ou feindre de parler en chantant ?
V. Les actes d'énonciation chantants.
VI. Les actes d'énonciation chantants doivent-ils être discontinus ?
VII. Feindre de "chanter" dans un monde où l'on chante sans cesse.
VIII. Invocation et équivocité.
IX. Orfeo ou l'esthétique de l'équivocité.
X. L'équilibre lyrique du Retour d'Ulysse.
XI. Le Couronnement de Poppée et le triomphe de la mimèsis.
Conclusion