En 2017, les éditions Hermann faisaient paraître l'essai de Maurice Samuels, L'invention de la littérature juive en France, qui révélait l’existence d’une littérature juive féconde au XIXe siècle, restée largement ignorée. Nelly Wolf publie aujourd'hui Le Juif imaginé. D'Elsa Triolet à Romain Gary (CNRS éd.), qui vise à débrouiller la confusion qui règne en France autour de la notion de judéité littéraire. L'autrice postule qu'à l’image de sa judéité civique que le citoyen juif négocie dans l’espace politique, la judéité littéraire est confrontée à un large spectre de possibilités, dont le camouflage et l’ostentation constituent les deux extrémités. En explorant de façon lumineuse et délicate les œuvres d’Albert Cohen et d’Elsa Triolet, d’Anna Langfus et de Bernard Frank, de Romain Gary, Georges Perec, Patrick Modiano, Serge Doubrovsky ou Nathalie Azoulai, cette enquête met en évidence l’empreinte profonde de la littérature juive de langue française sur des formes d’écriture (l’autobiographie) ou des événements de la vie littéraire (les prix Goncourt). Importance de la mémoire, centralité de la Shoah, poids des discriminations, phénomènes d’appropriation et de réappropriation culturelle, de symbiose et de séparatisme : en elle se résument les enjeux et les thèmes essentiels de notre modernité. Fabula donne à lire l'Introduction du livre…
(Illustr. : Jane Levy, Vue extérieure de la synagogue de Worms, 1922, ©Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, Paris)