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Rallumer la gauche

Rallumer la gauche

Publié le par Marc Escola

Chargée de recherches au CNRS, spécialiste des Lumières et de la Révolution française, Stéphanie Roza enquête depuis près d'une vingtaine d'années sur l’héritage du XVIIIe siècle français dans le monde contemporain. En 2015, elle publiait Comment l’utopie est devenue un programme politique. Du roman à la Révolution (Classiques Garnier, 2015), dont Alex Bellemare a rendu compte pour Acta fabula dans un article intitulé : "Politisation de l'utopie. La pensée utopique à l'époque des Lumières". En janvier 2020, elle faisait paraître chez Fayard un essai au titre provocateur La gauche contre les Lumières ?, déjà salué par Fabula qui vous proposait d'en lire un extrait… : elle s'y s'interrogeait sur les critiques lancées depuis quelques années déjà contre le cœur même de l’héritage des Lumières  : le rationalisme, le progressisme, l’universalisme, et se demandait si une partie de la gauche n'était pas en train de se renier elle-même…

Stéphanie Roza fait paraître aujourd'hui aux Éditions de la Sorbonne Lumières de la gauche, où elle revient sur ce divorce d'une partie de la gauche avec le legs rationaliste, universaliste et progressiste des Lumières qui peut donner le sentiment que l’émancipation au sens moderne n’a qu’un lointain rapport avec ce qu’elle signifiait au XVIIIe siècle, voire qu’elle lui est franchement opposée. Elle se penche à nouveaux frais sur les cas de Babeuf, de Mary Wollstonecraft et de Toussaint Louverture, qui rappellent que les principes fondateurs de toute perspective de transformation sociale trouvent leur source dans la Révolution française. Les grands débats de la gauche des XIXe et XXesiècles, de la Révolution russe aux luttes d’indépendance des peuples colonisés, de Marx à Sartre et de Kropotkine à C. L. R. James, confirment le lien identitaire des plus grandes figures de la gauche avec le message libérateur du siècle des Lumières.

Shlomo Sand nous offre pour sa part Une brève histoire mondiale de la gauche (La Découverte), en se demandant aussi ce qui arrive à la gauche, qu'on présente ici ou là comme à l'agonie. Si on n’a cessé, tout au long de sa brève existence, de prononcer son requiem, elle a jusqu’à présent toujours déjoué les pronostics. Dans l'indéniable déclin des mouvements de la gauche organisée, il faut peut-être voir le symptôme d’un effacement plus profond et bien plus problématique, celui de l’"imaginaire de l’égalité", qui fut le principal moteur de la gauche mondiale depuis sa naissance au XVIIIe siècle… Shlomo Sand nous propose de remonter aux sources de cet "imaginaire" et d’étudier le façonnement, les transformations et les ajustements de l’idée d’égalité sur plus de deux siècles. Des Diggers de la première révolution anglaise à la formation de l’anarchisme et du marxisme, du tiers-mondisme aux révolutions anticoloniales, des féminismes post-MeToo au populisme de gauche aujourd’hui, ce livre revient en profondeur sur les penseurs et les mouvements qui ont bâti la gauche mondiale. Il montre à la fois les dynamiques globales et transnationales qui les ont animés, souvent en écho les unes avec les autres, la manière dont ils ont pensé l’égalité, mais aussi comment ils se sont heurtés au "mur" de l’égalité réelle et ont pu en tirer, ou non, les leçons nécessaires. Un livre salutaire à l’heure où nous devons nous employer, de toutes nos forces, à réactiver l’imaginaire égalitaire. Fabula vous invite à lire un extrait…