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Cicatrices (Colloque ALMOREAL, Angers-Le Mans-Orléans. Relations Espagne-Amérique latine)

Cicatrices (Colloque ALMOREAL, Angers-Le Mans-Orléans. Relations Espagne-Amérique latine)

Publié le par Marc Escola (Source : Mario Ranalletti)

COLLOQUE ALMOREAL

23 et 24 mars 2023

CICATRICES

Une cicatrice est la marque physique d’une lésion, accidentelle ou provoquée par un coup, une agression. Elle se distingue d’une plaie ouverte par le fait que le tissu est refermé, et qu’au plan physique, donc, une réparation est intervenue. Mais elle reste une marque qui entretient le souvenir du coup, de la douleur, du trauma, elle est donc une entrave à l’oubli et peut réactiver un processus de remémoration. Et la réparation peut n’être que partielle, imparfaite.

La cicatrice renferme une histoire. Dans le domaine de la littérature, elle trouve une fonction fondatrice dans ce qu’Alexandre Gefen appelle « les scénarios de reconnaissance » ; selon Aristote, l’anagnorisis opère dans la tragédie comme un renversement dramaturgique puissant. Aux origines de la littérature, dans le chant XIX de l’Odyssée, la nourrice Euryclée, lavant les pieds d’un étranger, reconnaît Ulysse grâce à la séquelle d’une blessure reçue d’un sanglier lors d’une partie de chasse quand il était adolescent. L’épisode témoigne du pouvoir signifiant de la cicatrice comme marque d’identité.

Le rapport d’un sujet à une cicatrice est ambivalent : on peut vouloir l’exposer ou la cacher, selon les enjeux que l’on y investit, psychologiques, moraux, esthétiques. Il y a longtemps que la photographie, à l’instar des travaux de la canadienne Geneviève Cadieux dans les années 1980, s’est emparée de la puissance narrative de la cicatrice pour détourner sa prétendue monstruosité : le grain de la peau se confond avec le grain du papier de sorte que l’impression photographique elle-même prend le relief de la cicatrice photographiée.

La peinture elle-même s’est approprié le motif, de la figuration à l’abstraction, du Condottiere de Antonello de Messina à Antoni Tapiés : de façon générale, les arts plastiques et visuels, du fait qu’ils travaillent la matière, sont susceptibles de créer d’évocateurs plissements et brisures. Toute atteinte physique dans une texture peut donner à voir une cicatrice pour peu qu’elle fasse sens dans le récit qu’on en tire.

La notion n’est pas étrangère non plus au géographe qui observe ce que les champs de bataille de la Première Guerre mondiale ont légué à la morphologie des paysages, tout comme l’exploitation minière, les lignes à haute tension et les axes autoroutiers considérés comme des mutilations infligées aux espaces naturels. Les frontières, comme autant de tracés reportés su le papier, s’apparentent souvent, et par excellence, à des cicatrices laissées par l’histoire brutale des conquêtes, des migrations, de l’émancipation.

Hors sa représentation physique, la cicatrice acquiert une fonction symbolique : les traumatismes vécus par des peuples, des communautés, des groupes, prennent forme de cicatrices lorsque leur évocation conjugue blessure et réparation inaboutie. Les guerres produisent des cicatrices en masse, tout comme les conflits résultant de différends sur l’appropriation d’un territoire, de ses ressources et du contrôle des personnes qui y vivent. Ce sont des cicatrices qui témoignent de manière frappante de l’extrême violence exercée sur des personnes incapables de répondre à une agression ou qui sont sans défense. L’Espagne et l’Amérique ont connu (et connaissent actuellement) ces situations, à des degrés divers. Certaines sont refermées, mais la plupart sont encore ouvertes, attisant la douleur des victimes et empêchant le deuil nécessaire. D’autres incitent au combat pour la vérité, la justice et contre l’oubli, comme le montre le travail acharné des associations de défense des Droits de l’Homme. De nombreuses cicatrices sont manifestes, comme le sont les destructions urbaines ; d’autres sont moins perceptibles, comme celles laissées par les disparitions forcées. D’autres encore sont invisibles mais latentes, comme les fosses communes.

Les communications attendues pourront ainsi aborder la ou les cicatrice(s) en tant que marque d’une lacération, fruit d’une violence extrême et de conflits, qui témoigne d’un passé et d’un présent où ont été détruites et recomposées tout à la fois la géographie et la vie-même.

Quel que soit le domaine d’où elle est pensée, la cicatrice est liée à l’existence d’un récit. L’historien y aura recours pour donner à voir les conséquences d’un événement violent ; l’artiste jouera de son ambivalence pour la représenter ou l’évoquer sur le mode analogique, imaginaire. Chaque interprétation est validée par un récit qui la sous-tend, visant l’inscription d’une douleur dans l’espace.



Le colloque est ouvert à tous les hispanistes spécialistes de littérature, arts, cinéma, linguistique, histoire, civilisation, sciences sociales et humaines. Nous attirons cependant votre attention sur le fait que seront privilégiées les propositions mettant en avant les notions de trace et de récit, et non une perspective purement métaphorique. 

Les  propositions (titre et 10 lignes de présentation) devront être envoyées avant le 31 octobre 2022 aux deux adresses suivantes : 

mario.ranalletti@univ-angers.fr

sandra.contamina@univ-angers.fr

Le colloque aura lieu à l'Université d'Angers.

Le comité d’organisation : 

Sandra Contamina (3L.AM, Université d’Angers)

Hélène Goujat (3L.AM, Université d’Angers)

Mario Ranalletti (3L.AM, Université d’Angers)


Una cicatriz es la marca física de una herida accidental o provocada por un golpe, una agresión. Al contrario de una llaga abierta, el tejido ya se cerró, de modo que a nivel físico ocurrió una curación. Pero sigue siendo una huella capaz de recordar el golpe, el dolor, el trauma, y estorba pues el olvido, reactivando a veces el proceso de rememoración, quedando la curación parcial, imperfecta. 

La cicatriz encierra una historia. En el ámbito de la literatura, encuentra ella una función fundadora en lo que Alexandre Gefen denominó “escenarios de reconocimiento”: según Aristóteles, la anagnórisis opera en la tragedia como una poderosa inversión dramatúrgica. En los orígenes de la historia de la literatura, se encuentra la escena del reconocimiento de Ulises en el canto XIX de La Odisea, ese momento en que la nodriza Euriclea, lavándole los pies al forastero, reconoce a Ulises gracias a las secuelas de una herida producida por el ataque de un jabalí durante una partida de caza cuando era adolescente. El episodio da cuenta del poder de significación de la cicatriz como marca de identidad.

La relación de un sujeto con su(s) cicatriz(ces) es muy ambivalente: cada uno puede querer exponerla(s) u ocultarla(s), en función de desafíos estéticos, morales y psicológicos. Desde hace bastante tiempo, la fotografía, siguiendo el ejemplo de la obra de la artista canadiense Geneviève Cadieux en los años ochenta, ha aprovechado el poder narrativo de la cicatriz para desviar la atención de su supuesta monstruosidad: el grano de la piel se confunde con el del papel para que la impresión fotográfica adquiera el relieve de la cicatriz retratada.

La pintura también se ha apropiado del motivo, desde la figuración hasta la abstracción, desde el Condottiere de Antonello de Messina hasta Antoni Tapiés: en general, las artes plásticas y las visuales que trabajan la materia son capaces de crear pliegues y rupturas evocadoras en el espacio. Cualquier daño físico en una textura puede verse como una cicatriz si tiene sentido en la narración. 

La noción tampoco es ajena al geógrafo, que observa lo que los campos de batalla de la Primera Guerra mundial han provocado en la topografía de los paisajes, así como el extractivismo, las líneas de alta tensión y las autopistas pueden ser consideradas como mutilaciones infligidas a los espacios naturales. Las fronteras, líneas trasladadas al papel, se asemejan muchas veces, y por excelencia, a las cicatrices dejadas por la brutal historia de las conquistas, las migraciones y la emancipación. 

Independientemente de su representación física, la cicatriz adquiere una función simbólica: los traumas vividos por los pueblos, las comunidades y los grupos adoptan la forma de cicatrices cuando su constatación combina heridas y reparaciones inacabadas. Las guerras producen cicatrices en forma masiva, al igual que los conflictos internos resultantes de las disputas por la apropiación de un territorio, de sus recursos y por someter y controlar a las personas que lo habitan. Son cicatrices que ofrecen un testimonio de la violencia extrema infligida a personas que no están en condiciones de repeler la agresión o que se encuentran indefensas frente a ella. España y América latina han vivido (y viven) estas situaciones en distintos planos. Algunas heridas han sido cerradas, pero la mayoría siguen abiertas, atizando el dolor de las víctimas e impidiendo el necesario duelo. Otros reclaman verdad, justicia y luchan contra el olvido, como lo muestra la incesante labor de las asociaciones de defensa de los derechos humanos. Muchas cicatrices son evidentes, como la destrucción urbana; otras son menos perceptibles físicamente, como las que dejan las desapariciones forzadas de personas. Y otras están ocultas pero latentes, como las fosas comunes. 

Así, los trabajos presentados en este coloquio podrían abordar la(s) cicatriz(ces) como una marca lacerante, resultado de una violencia y de conflictos extremos, la cual atestigua sobre un pasado y un presente en el que tanto la geografía como la propia vida han sido destruidas y reorganizadas en consecuencia.

La cicatriz, sea cual sea el ámbito desde el que se la piense, está ligada a la existencia de una narración. El historiador se servirá de ésta para mostrar las consecuencias de una violencia; el artista podrá aprovechar su ambivalencia para representarla o evidenciarla de forma analógica e imaginaria. Cada interpretación es validada por una narrativa que la sustenta, con el objetivo de inscribir un dolor en el espacio.

Este coloquio está abierto a comunicaciones de todos los especialistas en literatura, artes, cine, lingüística, historia, ciencias sociales y humanidades sobre España y América latina. Sin embargo, nos gustaría señalar que le daremos prioridad a las propuestas que trabajen con las nociones de huella y de narración, y que trascienda una perspectiva puramente metafórica.

Las propuestas de comunicación (título y 10 líneas de presentación) deberán enviarse antes del 31 de octubre de 2022 a las siguientes direcciones de correo electrónico:

sandra.contamina@univ-angers.fr

mario.ranalletti@univ-angers.fr

 El coloquio se desarrollará en la Universidad de Angers el 23 y 24 de marzo de 2023.

Los organizadores : 

Sandra Contamina (3L.AM, Université d’Angers)

Hélène Goujat (3L.AM, Université d’Angers)

Mario Ranalletti (3L.AM, Université d’Angers)