Revue
Nouvelle parution
Interstudia, n° 30 :

Interstudia, n° 30 : "Rire et guérir" (Dominique Bertrand, Veronica Grecu Balan, dir.)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Simina Mastacan)

"Rire et guérir"

Responsables du numéro : Dominique Bertrand, Veronica Grecu Balan

C’est un chantier d’histoire des représentations et de la rhétorique qui s’ouvre et nous avons amorcé des pistes de travail interrogeant le nœud problématique entre « Rire et guérir » pour ce dossier du numéro 30 d’Interstudia. Nous avons choisi de laisser la réflexion ouverte, autour d’une relative indétermination des deux termes. En effet, la tension et la porosité entre rire et joie, qui se sont en partie déplacés au fil des siècles et dont on ne saurait résumer ici les avatars, sont des plus fécondes. La distinction entre rire et sourire serait-elle plus pertinente ? De fait, si la thérapie par le sourire est moins vive et violente que celle que réalise le rire, peut-on dénier son efficacité, dans la réconciliation avec soi et les autres ?

Mais qu’entend-on par guérir ? Est-ce sortir de la maladie ? A tout le moins faudrait-il faire la distinction entre guérison et diversion, entre cure et prophylaxie…Il ne nous appartient pas dans ce volume de traiter l’aspect scientifique et médical et nous avons laissé de côté les apports de la psychanalyse pour nous concentrer sur des approches relevant de l’histoire des représentations et des discours.

Nous avons pu recueillir une première suite d’analyses stimulantes sur les bienfaits de la joie et du rire, à la croisée de la littérature et de l’histoire de la médecine, de la psychanalyse, de la religion. Les contributions réunies selon un ordre chronologique rendent compte du dynamisme et de la diversité des représentations du rire qui guérit, tout autant qu’il inquiète. (...)

Les questions que soulèvent ce numéro d’Interstudia ouvrent une réflexion diachronique et des perspectives épistémologiques multiples qu’il conviendra d’approfondir et de prolonger : les retombées de cette curiosité pour de telles pratiques de soin hybrides, réconciliant le sérieux et le comique, sont loin d’être négligeables et elles pourraient de surcroît favoriser un dialogue de la science médicale avec les humanités et les arts, dialogue riche de potentialités pour l’avenir.

L’imaginaire culturel occidental du rire qui guérit s’impose comme un objet d’étude à part entière dont il faudra poursuivre l’observation, de l’Antiquité à nos jours et plus particulièrement de la fin du Moyen-Âge aux Lumières. Durant cette période décisive de la première modernité on peut repérer des reconfigurations importantes des savoirs et des pratiques culturelles : en un moment de l’émergence d’un champ littéraire autonome, la promotion d’un rire qui guérit croise non seulement celle des pratiques médicales et de l’essor des usages thérapeutiques de la littérature, mais aussi oblige à penser la constitution de scénographies auctoriales et de stratégies rhétoriques souvent complexes, qui mettent à distance la croyance et l’autorité médicale pour faire valoir des formes inédites de rationalité critique, voire insinuer des modèles de sagesse païenne affranchis de la tyrannie doloriste de la déploration et de la consolation chrétienne (voir mon étude du paratexte du ChasseEnnuy de Louis Garon étudié dans le volume Liminaires facétieux, PUR, éd. Tiphaine Rolland, 2022).

Nous reviendrons donc dans un prochain volume sur ces rencontres entre facétie et médecine dans la première modernité. — Dominique Bertrand

Table des matières

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Avant-propos

Rire et guérir

Felicia Dumas

Le sourire des saints, l’allégresse terrestre des chrétiens et la joie éternelle du royaume

Laurence Doucet

Rire médecin et médecin pour rire : imaginaire du rire prophylactique dans le Conte du Graal

Sébastien Galland

Marsile Ficin et le rire : entre corps, âme et ciel

Irène Salas

Rire salutaire et rire funeste

Traité du ris de Laurent Joubert (1579)

Michèle Rosellini

Le traitement comique de la maladie dans les lettres de Sévigné : de la diversion à la cure

Kevin Berger-Soucie

Théophraste moqueur : le rire et la fiction chez quelques moralistes au tournant du XVIIe siècle

Carole Martin

Hermann Hesse Le Curiste, entre cure médicale et « purge » satirique

Hélène Destrempes

Des peuples rieurs : regard sur l’humour dans la littérature autochtone au Québec

Varia

Veronica Grecu Balan

Dire la vérité pour guérir une passion idéologique

Maricica Iosub

Floire et Blancheflor ou la quête d’une « écriture » au Moyen Âge

In Memoriam

Emilia Munteanu – une vie dédiée au théâtre

Compte-rendu

Réflexions sur l'invisible Images de l’invisible. De l’Antiquité tardive à la fin du Moyen Âge, éd. par Luminița Diaconu, Alexandra Lițu, Ecaterina Lung (Veronica Grecu Balan)

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